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La récusation du juge d’instruction. Par Avi Bitton, Avocat et Coline Josselin, Juriste.
Parution : lundi 28 juin 2021
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Un juge d’instruction peut-il être récusé par un mis en examen ou une partie civile ? Quelles sont les causes de la récusation ? Quelle est la procédure de récusation ?

La récusation est l’acte par lequel une partie sollicite qu’un juge soit écarté d’une procédure dès lors qu’il lui paraît suspect de partialité. Cette procédure est prévue aux articles 668 à 673 du Code de procédure pénale.

La récusation du juge d’instruction est expressément prévue par l’article 669 du Code de procédure pénale qui dispose :

« La personne mise en examen, le prévenu, l’accusé et toute partie à l’instance qui veut récuser un juge d’instruction, un juge de police, un, plusieurs ou l’ensemble des juges du tribunal correctionnel, des conseillers de la cour d’appel ou de la cour d’assises doit, à peine de nullité, présenter requête au premier président de la cour d’appel […] ».

Toutefois, la récusation ne peut intervenir qu’en présence de certaines situations (I) et ne peut être sollicitée que par certaines personnes déterminées par les textes (II). De plus, la récusation suit une procédure encadrée par le Code de procédure pénale (III).

I. Les causes de récusation.

La récusation du juge d’instruction peut intervenir dans des hypothèses spécifiques, au nombre de 9, et expressément énumérées à l’article 668 du Code de procédure pénale :

« 1o Si le juge ou son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin sont parents ou alliés de l’une des parties ou de son conjoint, de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou de son concubin jusqu’au degré de cousin issu de germain inclusivement.
La récusation peut être exercée contre le juge, même au cas de divorce ou de décès de son conjoint, de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou de son concubin, s’il a été allié d’une des parties jusqu’au deuxième degré inclusivement ;
2o Si le juge ou son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin, si les personnes dont il est tuteur, subrogé tuteur, curateur ou conseil judiciaire, si les sociétés ou associations à l’administration ou à la surveillance desquelles il participe ont intérêt dans la contestation ;
3o Si le juge ou son ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin est parent ou allié, jusqu’au degré indiqué ci-dessus, du tuteur, subrogé tuteur, curateur ou conseil judiciaire d’une des parties ou d’un administrateur, directeur ou gérant d’une société, partie en cause ;
4o Si le juge ou son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin se trouve dans une situation de dépendance vis-à-vis d’une des parties ;
5o Si le juge a connu du procès comme magistrat, arbitre ou conseil, ou s’il a déposé comme témoin sur les faits du procès ;
6o S’il y a eu procès entre le juge, son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin, leurs parents ou alliés en ligne directe, et l’une des parties, son conjoint ou ses parents ou alliés dans la même ligne ;
7o Si le juge ou son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin ont un procès devant un tribunal où l’une des parties est juge ;
8o Si le juge ou son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin, leurs parents ou alliés en ligne directe ont un différend sur pareille question que celle débattue entre les parties ;
9o S’il y a eu entre le juge ou son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin et une des parties toutes manifestations assez graves pour faire suspecter son impartialité
 ».

Les causes de récusation peuvent donc être regroupées en quatre catégories :
- la parenté ou l’alliance entre un juge et une partie,
- la communauté ou la contradiction d’intérêts entre un juge et une partie,
- la connaissance antérieure de l’affaire par le juge,
- la manifestation de partialité du juge.

La jurisprudence a notamment pu se prononcer sur l’existence d’un lien de parenté ou d’alliance entre le juge et une partie et a considéré que la seule circonstance qu’un juge d’instruction soit le conjoint d’un magistrat du ministère public exerçant ses fonctions près le même tribunal n’est pas de nature à faire naître un doute objectivement justifié quant à son impartialité dès lors qu’il n’est pas établi que son conjoint soit intervenu directement ou indirectement dans le déroulement de l’information judiciaire [1].

En outre, en matière de récusation civile, la Cour de cassation considère, sur le fondement de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme, que les causes de récusation énumérées ne sont pas limitatives et rappelle l’exigence d’impartialité requise de toute juridiction [2].

Ainsi, tout fait de nature à porter atteinte à l’impartialité du juge peut fonder la récusation en matière civile. A fortiori, cette solution devrait également s’appliquer concernant la récusation en matière pénale.

II. Les auteurs de la récusation.

La récusation peut être à l’initiative de la personne mise en examen, du prévenu, de l’accusé et toute partie à l’instance, ce qui inclut la partie civile et le ministère public.

Toutefois, selon l’article 669 alinéa 4 du Code de procédure pénale, la partie qui aura « procédé volontairement » devant un juge d’instruction ne sera reçue à demander la récusation qu’à raison des circonstances survenues depuis. Il s’agit notamment de l’hypothèse où une partie a déposé une plainte avec constitution de partie civile entre les mains du juge d’instruction.

De plus, la jurisprudence a pu considérer que le témoin assisté n’a pas qualité pour récuser un juge d’instruction, dès lors qu’il n’est pas mentionné à l’article 669 du Code de procédure pénale [3].

III. La procédure de récusation.

La partie qui souhaite récuser un juge d’instruction doit présenter une requête au premier président de la cour d’appel.

Cette requête doit désigner le juge d’instruction récusé et exposer les moyens sur lesquels se fondent la récusation, avec toutes les justifications utiles à l’appui de la demande.

Tant qu’il n’a pas encore été statué sur la requête, le juge d’instruction n’est pas dessaisi. Ainsi, il continue à mener son information judiciaire à moins que le premier président de la cour d’appel, après avis du procureur général, ordonne qu’il sera sursis à la continuation de l’information.

Selon l’article 671 du Code de procédure pénale, après avoir recueilli l’avis du procureur général, le premier président de la cour d’appel statut sur la requête par une ordonnance non susceptible de recours produisant effet de plein droit.

Lorsqu’il est fait droit à la requête en récusation, le juge d’instruction est dessaisi de l’information judiciaire et celle-ci est confiée à un autre juge du tribunal par le président du tribunal.

En revanche, si le premier président de la cour d’appel rend une ordonnance de rejet de la demande de récusation, celui-ci prononce par la même ordonnance la condamnation du demandeur à une amende civile comprise entre 75 euros et 750 euros.

Avi Bitton, Avocat, et Coline Josselin, Juriste Courriel: [->avocat@avibitton.com] Site: [->https://www.avibitton.com]

[1Crim. 14 janvier 2003, n°02-97.062.

[2Cass. 1ère civ., 28 avril 1998, n°96-11.637, publié au Bulletin.

[3Cour d’appel de Bordeaux, 13 septembre 2007, n°07/04563.