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La prime attribuée aux policiers affectés en secteur difficile reste due même en cas de départ anticipé. Par Camille Manya, Avocate.
Parution : mardi 29 juin 2021
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Les fonctionnaires de police affectés en secteur difficile après leur nomination ont droit à une prime, dite complément d’indemnité de fidélisation.
Or, l’Etat, employeur de ces agents, leur réclame régulièrement de rembourser la première tranche perçue, lorsque ces derniers déménagent de manière anticipée.
Dans le cadre d’une procédure de référé-provision, le Tribunal administratif de Montpellier a récemment rappelé qu’une telle démarche n’était pas justifiée et a condamné l’Etat à verser à l’agent, le trop-perçu indûment prélevé sur sa rémunération.

La prime attribuée aux policiers affectés en secteur difficile reste due en cas de départ anticipé de l’agent.

La prime, dite complément d’indemnité de fidélisation est prévue par l’article 1er du décret du 15 décembre 1999 portant attribution d’une indemnité de fidélisation en secteur difficile aux fonctionnaires actifs de la police nationale, qui dispose :

« Après la première, la sixième et la dixième année révolue de service continu en secteur difficile, les fonctionnaires du corps d’encadrement et d’application nommés à l’issue de la réussite au concours national à affectation régionale en Ile-de-France prévu par le décret n° 2004-1439 du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d’encadrement et d’application de la police nationale peuvent bénéficier d’un complément d’indemnité de fidélisation ».

Cette prime, d’un montant de 9 000 euros est versée en trois fois, à savoir 3 000 euros à l’issue de la première année révolue de service continu, 3 000 euros à l’issue de la sixième année révolue de service continu puis 3 000 euros à l’issue de la dixième année révolue de service continu.

C’est ce que prévoit l’article 3 de l’arrêté du 6 janvier 2011, fixant les montants forfaitaires de l’indemnité de fidélisation en secteur difficile, attribuée aux fonctionnaires actifs de la police nationale.

Néanmoins, parfois, ces fonctionnaires de police déménagent et quittent leurs postes, avant le terme de la durée prévue par les textes précités, pour convenances personnelles ou par nécessité absolue.

Or, dans une pareille situation, l’Etat réclame quasiment systématiquement aux fonctionnaires, le remboursement de la première tranche de cette prime, d’un montant de 3 000 euros, et ce parfois, plusieurs mois après qu’ils aient changé de poste.

L’Etat estime, en effet, qu’il s’agit d’une prime globale et forfaitaire et que seul l’accomplissement de de la totalité des années de service peut permettre à l’agent de percevoir la première tranche du complément.

Pour l’administration, si l’agent rompt son engagement de servir durant la durée initialement prévue, il doit rembourser le premier versement et généralement, ce trop-perçu est prélevé directement sur sa rémunération.

Cette pratique, pourtant très répandue, peut cependant être stoppée de manière rapide et efficace, par une demande en référé-provision présentée devant le Tribunal administratif du lieu d’affectation de l’agent, procédure prévue par l’article R541-1 du Code de justice.

Cet article prévoit, en effet, que le juge des référés peut, même en l’absence d’une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l’a saisi lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

En outre, cette procédure présente l’avantage de permettre l’obtention d’une décision dans un délai très réduit, généralement en quelques semaines.

Ainsi, par une ordonnance en date du 20 avril 2021, n°2100838, le juge des référés du Tribunal administratif de Montpellier a rappelé qu’à partir du moment où l’agent remplissait, à l’issue de la première année de service, les conditions de versement de la prime, il avait parfaitement le droit de percevoir la première tranche de cette prime, d’un montant de 3 000 euros.

Le texte prévoit bien que c’est après la première année de service que l’agent a droit au versement de la première tranche de cette prime.

Dans son ordonnance, le juge des référés a précisé qu’il s’agit d’un avantage financier accordé à bon droit qui ne peut pas être légalement retiré au motif que le bénéficiaire a rompu son engagement de servir durant la durée règlementairement prévue.

Il a ainsi estimé que la demande présentée par l’agent de voir l’Etat condamné à lui verser les sommes récupérées était justifiée, elle présentait le caractère d’une obligation non sérieusement contestable.

Toutefois, il est important de rappeler que cette procédure ne dispense pas l’agent de formuler une demande indemnitaire préalable, laquelle aura nécessairement donné lieu à une décision de refus, explicite ou tacite, au jour où le juge statuera.

Cette règle a été posée par l’avis du Conseil d’Etat du 27 mars 2019, Consorts Rollet, req. n° 426472.

La multiplication des contentieux à ce titre, lesquels donnent gain de cause à l’agent, permettra peut-être à l’Etat de prendre la mesure de son erreur d’appréciation.

Dans l’intervalle, l’efficacité de cette procédure permet aux agents d’y faire obstacle très rapidement.

On peut également imaginer la transposition de cette procédure contentieuse à d’autres situations rencontrées par les agents des trois fonctions publiques...

Voir en pièce jointe l’ordonnance du 20 avril 2021 :

Cette décision a été reproduite, anonymisée, et diffusée sous l’entière responsabilité du cabinet d’avocat auteur de cet article.

Camille MANYA Avocate au Barreau des Pyrénées-Orientales [->cmanya.avocat@gmail.com]