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La garde à vue : une mesure de contrainte sous contrôle du Procureur de la République. Par Simon Takoudju, Avocat, Célia Doerr, Wissal Hmoune et Julie Loyer, Stagiaires.
Parution : lundi 5 juillet 2021
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La garde à vue est une mesure de privation de liberté. Une personne peut être mise en garde à vue uniquement si elle est poursuivie pour un crime ou un délit puni par une peine d’emprisonnement. Il faut qu’il existe des raisons plausibles de croire que la personne a commis ou tenté de commettre cette infraction. En raison de ce caractère attentatoire aux libertés, cette mesure est placée par la loi et la jurisprudence sous le contrôle du Procureur de la République.

L’article 63 alinéa 2 du Code de procédure pénale dispose que dès le début de la garde à vue « l’officier de police judiciaire informe le procureur de la République, par tout moyen, du placement de la personne en garde à vue ».

Tout d’abord, il convient de préciser que seul un officier de police judiciaire détient le pouvoir de placer une personne en garde à vue, un agent de police judiciaire ne dispose pas d’un tel pouvoir.

La garde à vue est définie par le Code de procédure pénale à l’article 62-2. Cet article dispose que

« la garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, par laquelle une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs ».

La garde à vue est une mesure contraignante qui vise à priver un individu de sa liberté individuelle d’aller et de venir. De facto, elle doit être strictement encadrée et des garanties doivent ainsi être accordées à la personne gardée à vue.

Il faut ainsi noter que la garde à vue doit être exécutée sous le contrôle du Procureur de la République conformément à l’article 41 alinéa 3 du Code de procédure pénale. L’article 63 du Code de procédure pénale ajoute l’obligation d’informer le Procureur de la République du placement en garde à vue.

Concernant la notification de la garde à vue au Procureur de la République, la jurisprudence oscille entre souplesse et sévérité. Si elle se montre souple à l’égard du formalisme de l’information du procureur, elle se montre plus stricte quant au délai de notification de l’information.

I. Une jurisprudence souple à l’égard du formalisme de la notification.

Conformément à l’article 63 du Code de procédure pénale, afin de garantir le respect des droits de la défense, il est nécessaire que l’officier de police judiciaire informe le Procureur de la République :
- Du placement en garde à vue d’une personne,
- Des motifs du placement,
- De la qualification des faits notifiés à la personne.

L’obligation d’informer le Procureur de la République n’est soumise à aucune formalité spécifique. En effet, l’article 63 du Code de procédure pénale dispose que l’officier de police judiciaire doit informer le procureur de la République « par tout moyen ».

En l’absence de précision légale, la jurisprudence a eu l’occasion d’apporter des précisions sur la question. A cet égard, elle a fait preuve de souplesse.

Dans un arrêt rendu le 31 octobre 2001 (n°01-85.345), la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que l’avis d’un placement en garde à vue transmis à un auditeur de justice qui assistait un magistrat du ministère public n’entrainait pas la nullité de la garde à vue.

Plus récemment, la jurisprudence a de nouveau fait preuve de souplesse quant au formalisme de la notification. En effet, dans un arrêt du 14 avril 2010 (n° 10-80.562), la chambre criminelle a admis que l’obligation d’information était satisfaite dès lors que l’information était transmise par télécopie.

Si le législateur ne soumet l’information du procureur de la République à aucune forme particulière, les juges entendent largement cette obligation de notification.

Reste à savoir, si cette souplesse de l’article 63 du Code de procédure pénale et des juridictions garantie tout de même le respect des droits de la défense. En effet, par cette absence de formalisme, il n’existe aucun moyen permettant de vérifier que le Procureur de la République ait pris connaissance du placement en garde à vue.

Cette souplesse se trouve ainsi contrebalancée par une position plus stricte de la jurisprudence à l’égard du délai de notification de l’information au procureur de la République.

II. Une jurisprudence stricte à l’égard du délai de notification.

Selon l’article 41 alinéa 3 du Code de procédure pénale, le Procureur de la République « contrôle les mesures de garde à vue ».

Afin de pouvoir exercer un contrôle effectif, le Procureur de la République doit nécessairement être informé du placement en garde à vue de la personne.

C’est la raison pour laquelle le délai de notification de l’information au procureur se trouve strictement encadré.

Il faut d’ailleurs souligner une évolution législative quant au moment de la notification au Procureur.

En effet, avant la loi du 15 juin 2000, l’information au procureur devait s’effectuer « dans les meilleurs délais ». Désormais, le Code de procédure pénale prévoit que l’officier de police judiciaire doit informer le Procureur de la République « dès le début de la garde à vue ».

Cette modification législative marque l’intention du législateur d’informer immédiatement le procureur de la République du placement en garde à vue.

En réponse à cette évolution, la chambre criminelle a rendu un arrêt le 10 mai 2001 (n°01-81.441) dans laquelle elle a retenu que

« tout retard dans l’information donnée au procureur du placement en garde à vue d’un individu, non justifié par des circonstances insurmontables, fait nécessairement grief à l’intéressé ».

Plus précisément, la chambre criminelle de la Cour de cassation, le 24 mai 2016 a estimé le délai entre le placement de la personne en garde à vue et le respect de l’obligation de notification au procureur d’une demi-heure (30 min) à trois quarts d’heure (45 min).

Au-delà, ce délai sera jugé excessif et entrainera l’annulation de la garde à vue conformément à l’article 171 du Code de procédure pénale.

Si le procureur de la République doit être informé dès le début du placement en garde à vue, reste à savoir à quel moment débute la mesure : dès son interpellation ou bien dès sa remise à l’officier de police judiciaire ?

La chambre criminelle de la Cour de cassation avait retenu dans un arrêt rendu le 6 décembre 2000 (n°367), que la mesure débutait dès que la personne était tenue sous la contrainte et à la disposition des services de police.

Récemment, la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt rendu le 6 mars 2020 (n°20/01017), adopte une autre position. Elle considère en effet, que le délai concernant les diligences de notification de la garde à vue ainsi que des droits afférents

« s’examine, non à compter du contrôle ou de l’interpellation, mais à compter de la présentation à l’officier de police judiciaire ».

Par cet arrêt, la jurisprudence prend position et affirme que le Procureur de la République doit être informé dès la remise à l’officier de police judiciaire.

Pour rappel, la garde à vue est une mesure privative de liberté (aller et venir).

Elle doit donc être notifiée au Procureur de la République en respect des droits de la défense.

Par cette prise de position récente de la jurisprudence, on s’interroge sur l’effectivité des droits de la défense du moment de l’interpellation jusqu’à la présentation à l’officier de police judiciaire.

Simon Takoudju, Avocat et Célia Doerr, Wissal Hmoune, Julie Loyer, Stagiaires. Barreau de Bordeaux CANOPIA AVOCATS mail: [->st@canopia-avocats.com] site web : https://www.stakoudju-avocat.fr