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Peine de confiscation : l’enterrement de la formule « confisquons tous les scellés » ? Par Fares Aidel, Avocat.
Parution : mardi 13 juillet 2021
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Par un récent arrêt, la Cour de cassation confirme qu’une peine de confiscation étendue à « l’ensemble des scellés », sans davantage de précisions, ne satisfait nullement aux exigences requises en matière de motivation de la peine.

Il n’est pas rare, à l’issue d’un délibéré, d’entendre le Président d’une juridiction correctionnelle se débarrasser de la question des biens saisis par une formule lapidaire bien connue des praticiens : « Et confisquons tous les scellés ».

L’arrêt rendu le 30 juin dernier par la chambre criminelle de la Cour de cassation [1] confirme que telle pratique devrait désormais être révolue.

Si le juge répressif a longtemps été dispensé de motiver les peines de confiscation qu’il prononçait [2], cette latitude a pris fin il y a plusieurs années.

Par plusieurs décisions successives, la chambre criminelle a progressivement imposé aux juridictions correctionnelles l’obligation de motiver spécialement les peines de confiscations.

Sur le fondement du principe selon lequel toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle, la chambre criminelle affirme en effet désormais de manière constante que le juge, en ordonnant une peine de confiscation, doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte portée au droit de propriété de l’intéressé lorsqu’une telle garantie est invoquée ou procéder à cet examen d’office lorsqu’il s’agit d’une confiscation de tout ou partie du patrimoine.

Telle exigence n’est pas imposée dans le cas où la confiscation, en nature ou en valeur, porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l’objet ou le produit de l’infraction [3].

Statuant sur le sort d’un bien saisi, il incombe ainsi au juge qui décide de le confisquer, après s’être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l’origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s’expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l’atteinte portée au droit de propriété du prévenu [4].

Au gré des décisions successives sont précisés les contours de cette exigence de motivation.

Très récemment, la chambre criminelle confirmait ainsi qu’elle s’impose également s’agissant de scellés dont la restitution n’a été réclamée par aucune partie [5].

Dans la procédure ayant donné lieu à l’arrêt ici relevé, la Cour d’appel de Montpellier condamnait un prévenu des faits d’association de malfaiteurs, importation, transport, détention, acquisition, offre ou cession de stupéfiants, et du délit douanier d’importation en contrebande.

Pour prononcer une peine de confiscation à l’encontre du prévenu, la Cour d’appel, après avoir ordonné la confiscation de sommes détenues sur des comptes bancaires ouverts au nom d’un co-prévenu, ajoutait quelle « étendait » la peine de confiscation « plus largement à l’ensemble des scellés » opérés en procédure.

A juste titre, la chambre criminelle considère qu’une telle formule ne précise pas la nature et l’origine des biens confisqués, ni le fondement de la mesure et, par conséquent, ne permet d’apprécier l’étendue de l’exigence de motivation des juges du fond.

La Cour d’appel n’a dès lors pas justifié sa décision et cassation est prononcée de ce chef.

Telle décision, prise au visa de l’article 132-1 du Code pénal, s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence forgée ces dernières années par la chambre criminelle et doit être favorablement soulignée.

Elle confirme que l’exigence de motivation de la peine de confiscation est intrinsèquement liée aux contrôles de nécessité et de proportionnalité que se doit d’effectuer la juridiction amenée à se prononcer sur le sort de biens confiscables.

A cet égard, une motivation se bornant à préciser que la peine de confiscation porte sur « l’ensemble des scellés », sans davantage de précisions, ne saurait nullement satisfaire aux exigences précitées.

A l’évidence, la formule usuelle « Confisquons tous les scellés », en ce qu’elle traduit un automatisme lacunaire, apparaît de plus en plus devoir appartenir au passé judiciaire.

Les délibérés en seront certes plus longs mais personne ne la regrettera.

Fares Aidel, Avocat au Barreau de Paris, Ancien Secrétaire de la Conférence Orcades Avocats https://www.orcades-avocats.com/

[1Cass. Crim. 30 juin 2021, n°20-81.724.

[2Cass. Crim. 18 nov. 2009, n°09-81.710.

[3Cass. Crim. 3 mai 2018, n°17-82.098.

[4Crim. 27 juin 2018, n°16-87009 ; Crim. 24 juin 2020, n° 19-85.074.

[5Cass. Crim. 9 juin 2021, n°14-82.945 19-86.972.