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L’absence de remise de la liste des créanciers et la requête en relevé de forclusion. Par Boubacar Sidikou, Docteur en Droit.
Parution : mardi 20 juillet 2021
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Selon la Cour de cassation, l’absence de remise de la liste des créanciers prévue par l’article L622-6 du Code de commerce, produit les mêmes effets que l’omission d’un créancier sur cette liste, de telle sorte que, le créancier omis, qui adresse au juge-commissaire une requête en relevé de forclusion n’est pas tenu d’établir l’existence d’un lien de causalité entre ladite omission et la tardiveté de sa déclaration de créance.

Lorsqu’un créancier omis qui sollicite un relevé de forclusion ne parvient pas à démontrer le caractère volontaire de son omission par le débiteur ou du défaut de remise de la liste prévue par l’article L622-6 du Code de commerce, doit-il établir l’existence d’un lien de causalité entre cette omission et sa déclaration de créance tardive ? La chambre commerciale de la Cour de cassation a, dans un arrêt du 6 juin 2021, répondu par la négative à cette question.

En l’espèce, deux sociétés distinctes font chacune l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire. Cependant, la première est créancière de la deuxième. Le liquidateur de la société créancière a adressé au juge-commissaire une requête en relevé de forclusion dans la procédure collective de la société débitrice puisque les dirigeants de cette dernière n’ont pas remis la liste des créanciers prévue par le texte susmentionné. La Cour d’appel a fait droit à cette requête.

Le liquidateur de la société débitrice fait grief à l’arrêt de relever de la forclusion le liquidateur de la société créancière, alors qu’à défaut de montrer le caractère volontaire de l’omission de sa créance ou du défaut de remise de la liste des créanciers, le créancier omis, qui sollicite un relevé de forclusion est tenu d’établir l’existence d’un lien de causalité entre ladite omission et la tardiveté de sa déclaration de créance.

Depuis l’ordonnance du 12 mars 2014 [1], l’alinéa 1 de l’article L622-26 du Code de commerce exonère le créancier omis qui sollicite un relevé de forclusion, de démontrer le caractère volontaire de son omission par le débiteur sur la liste visée par l’article L622-6, alinéa 2, du même code. Il faut comprendre que cette ordonnance a supprimé l’obligation qui incombait au créancier omis de démontrer le caractère volontaire de son omission.

Désormais, la simple omission constitue un motif pour que ce dernier puisse être relevé de forclusion, alors qu’auparavant, cette omission tendait plus à engager la responsabilité civile du débiteur [2]. Pour certains auteurs, cette évolution conduit à automatiser le relevé de forclusion en présence d’une omission constatée [3] ; pour d’autres, elle rend ce cas de relevé de forclusion obligatoire [4].

Avant cette ordonnance, le créancier omis qui parvenait à démontrer le caractère volontaire de son omission était dispensé d’établir l’existence d’un lien de causalité entre cette omission et la tardiveté de sa déclaration de créance [5]. Compte tenu de la suppression de la démonstration du caractère obligatoire de l’omission volontaire, il faut décider que la simple omission d’un créancier, dispense celui-ci d’établir ce lien.

Or dans le cas d’espèce, la liste prévue par l’article L622-6, alinéa 2, du Code de commerce, n’a pas été remise, ce qui équivaut selon la Cour de cassation à une omission de la société créancière pour le compte de laquelle le liquidateur a agi en relevé de forclusion. La Cour d’appel a donc légalement justifié sa décision et le moyen n’est pas fondé. Par conséquent, le pourvoi est rejeté.

Il découle cet arrêt que l’absence de remise de la liste des créanciers pourrait constituer un cas de relever de forclusion obligatoire.

SEYNI SIDIKOU Boubacar, Docteur en droit privé.

[1Art. 29, ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, JORF n° 0062 du 14 mars 2014, p. 5249.

[2Cass. com., 26 octobre 1999, n° 97-12.092, Bull. civ, IV, n° 186. RTD com. 2001. 226, obs. A. Martin-Serf ; CA Nancy, 16 octobre 2002. RD banc. fin., 2004, n° 26, obs. F-X. LUCAS ; Cass. com., 17 novembre 2009, n° 08-11.198, Bull. civ, IV, n° 145. Act. proc. coll. 2010/1, n° 4, note P. Cagnoli ; Cass. com., 17 novembre 2009, n° 07-21.157, Bull. civ, n° 146. BJS 01 mars 2010, n° 3, p. 259, note F. Reille.

[3F-X. Lucas, « Présentation de l’ordonnance portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives », BJE mars 2014, n°2, p. 111 ; F. Legrand, M-N. Legrand et M-H. Monserie-Bon, « Qu’est ce qui change pour les partenaires de l’entreprise en difficulté ? », Rev. proc. coll. 2014, dossier n°18, p. 48.

[4P-M. LE Corre, « Le relevé de forclusion après l’ordonnance du 12 mars 2014 et le décret du 30 juin 2014 », Gaz. Pal. 20 janvier 2015.

[5Cass. com., 10 janvier 2012, n° 10-28.501. Bull. civ, IV, n°4. Act. proc. coll. 2012/2, comm. 24, note L. Fin-Langer ; Rev. proc. coll. 2012, comm. 75, note F. Legrand.