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Assemblée générale d’une société : le PV doit-il obligatoirement mentionner le vote de chacun des associés ? Par Alexandra Six, Avocat.
Parution : mardi 20 juillet 2021
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La Cour de cassation vient d’y apporter une réponse claire, inédite.

Les associés ou actionnaires de chaque société sont ponctuellement amenés à se réunir en Assemblée générale, de façon ordinaire ou extraordinaire, afin de se prononcer sur les comptes annuels et/ou sur tous les points qui les concernent s’agissant de l’activité de la société et des évolutions statutaires.

A l’issue des délibérations, la séance prend fin et il appartient au bureau ou au Président de séance de consigner par écrit les décisions qui ont été prises.

C’est précisément à ce moment qu’est finalisé le procès-verbal d’assemblée générale des associés : dûment rempli, il permettra de vérifier la régularité de l’assemblée et de ses délibérations (les questions de quorum notamment), de figer les décisions adoptées, ainsi que d’en assurer l’opposabilité aux tiers.

Très formel, le procès-verbal d’assemblée générale doit faire figurer diverses mentions, tantôt communes à toutes les formes de sociétés (date et lieu, texte des résolutions, documents remis…), tantôt propres à chacune d’elles.

L’une de ces mentions, particulièrement essentielle, est exigée tant pour les sociétés commerciales [1] que pour les sociétés civiles [2] : le résultat des votes, qui permet de savoir si une résolution est adoptée ou non.

La question se pose alors de savoir si le résultat des votes doit être détaillé ou non dans le procès-verbal.

Autrement dit, doit-on y faire figurer la position précise de chaque votant ? Ou simplement indiquer, sous chaque résolution, la proportion globale de votes « Pour », « Contre », voire d’abstention, sans indiquer qui a voté quoi ?

C’est la question à laquelle a récemment été confrontée la 3ème chambre civile de la Cour de cassation [3].

En l’espèce, les associés d’une société civile immobilière avaient saisi le Tribunal de Grande Instance (devenu Tribunal Judiciaire) de Brives d’une demande en annulation d’un procès-verbal d’assemblée générale de la société.

Leur argumentaire reposait pour partie sur le fait que ce procès-verbal ne faisait pas mention du détail des votes de chacun des associés, alors que l’article 44 du décret de 1978 précité dispose que

« toute délibération des associés est constatée par un procès-verbal indiquant les nom et prénoms des associés qui y ont participé, le nombre de parts détenues par chacun d’eux, les documents et rapports soumis aux associés, le texte des résolutions mises aux voix et le résultat des votes ».

La juridiction de première instance a débouté les intéressés, retenant que cette disposition, qui impose de mentionner « le résultat des votes », n’oblige nullement d’indiquer la position de chaque associé votant, ce qui serait d’ailleurs contraire au principe de l’anonymat et du secret des votes.

Selon le jugement, le procès-verbal qui énonçait simplement pour chaque résolution que « cette résolution est adoptée à la majorité », n’avait donc aucunement violé le texte susvisé et n’encourrait pas la nullité de ce chef.

Les demandeurs ont interjeté appel devant la Cour d’appel de Limoges, laquelle a repris et confirmé en tous points les termes du jugement.

La Cour de cassation, saisie d’un pourvoi sur la question, en fit de même et entérina cette interprétation prudente du texte, justifiant de ce que : « 8. La cour d’appel a, abstraction faite de motifs surabondants, retenu à bon droit que l’article 44 du décret du 3 juillet 1978, qui impose de mentionner « le résultat des votes », n’exige pas d’indiquer, sur le procès-verbal de l’assemblée générale, la position de chaque associé votant ». Elle confirme donc la décision de la Cour d’appel.

Elle se réfère donc au principe selon le cas il n’existe pas de nullité sans texte en droit des sociétés.

La solution, qui concerne une société civile mais semble transposable aux sociétés commerciales, a le mérite d’être claire et de répondre à une question pratique.

Sa portée est, toutefois, à relativiser : les statuts de la société peuvent tout à fait prévoir qu’au-delà du résultat global des votes sur chaque résolution, la position de chacun des votants sera consignée dans le procès-verbal d’assemblée générale... Ce qui, finalement, rejoindra le régime de la consultation écrite, où la réponse du votant (qui contient ses positions sur les diverses résolutions) est annexée au procès-verbal.

Un soin particulier devra, par conséquent, être porté à la rédaction de ces derniers afin de délimiter précisément le contenu de la mention à faire figurer sous chaque résolution des procès-verbaux d’assemblée générale de la société.

Dans certaines situations ce détail des votes peut être utile notamment en cas de volonté d’agir en abus de majorité ou de minorité, la position des autres votants peut avoir son importance…

Alexandra SIX Avocat associé droit des affaires Cabinet ELOQUENCE Avocats Lille et Paris www.eloquence-avocats.com

[1Article 149 du décret du 23 mars 1967.

[2Article 44 du décret du 3 juillet 1978.

[3Cass. 3e civ., 12 mai 2021, nº 19-21.725.

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