Village de la Justice www.village-justice.com

L’obligation vaccinale : peut-on l’imposer et comment ? Par Patrick Lingibé, Avocat.
Parution : lundi 19 juillet 2021
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/obligation-vaccinale-peut-imposer-comment,39717.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Cet article précise l’état du droit concernant l’obligation vaccinale qui peut être imposée.

Il convient de faire une distinction entre l’obligation vaccinale et les modalités qui peuvent accompagner cette obligation afin de la rendre effective.

En effet, si cette question peut susciter beaucoup de débats sociétaux, y compris au sein de la communauté des juristes, celles-ci porteront davantage sur les mesures de contrainte pour sanctionner le refus par une personne d’être vaccinée pour diverses raisons.

Cependant, le présent article ne traitera que de l’obligation vaccinale telle qu’elle est appréciée par les juridictions suprêmes car la question de fond est bien celle de savoir si une telle obligation, qui touche notamment à la dignité de la personne humaine, peut être imposée et si oui à quelles conditions.

Il faut savoir qu’en France, seul le législateur peut rendre un vaccin obligatoire pour l’ensemble de la population ou pour une catégorie de celle-ci.

Dans une décision rendue en 2015, le Conseil constitutionnel a ainsi précisé dans son considérant n° 10 :

« Considérant qu’il est loisible au législateur de définir une politique de vaccination afin de protéger la santé individuelle et collective ; qu’il lui est également loisible de modifier les dispositions relatives à cette politique de vaccination pour tenir compte de l’évolution des données scientifiques, médicales et épidémiologiques ; que, toutefois, il n’appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause, au regard de l’état des connaissances scientifiques, les dispositions prises par le législateur ni de rechercher si l’objectif de protection de la santé que s’est assigné le législateur aurait pu être atteint par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas manifestement inappropriées à l’objectif visé. » (Conseil constitutionnel, QPC, 20 mars 2015, n° 2015-458, Epoux L. Obligation de vaccination).

Il y a lieu de relever la grande réserve du juge constitutionnel sur le contrôle de l’opportunité du législateur d’imposer ou pas un vaccin.

Il faut noter que le Juge du Palais Royal avait déjà jugé dans le même sens en 2001 en indiquant que :

« si des dispositions ont pour effet de porter une atteinte limitée aux principes d’inviolabilité et d’intégrité du corps humain (…), elles sont mises en œuvre dans le but d’assurer la protection de la santé, qui est un principe garanti par le préambule de la Constitution de 1958, et sont proportionnées à cet objectif ; que dès lors, elles ne connaissent pas le principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ; que, pour les mêmes raisons, elles ne portent pas une atteinte illégale au principe constitutionnel de la liberté de conscience. » (Conseil d’Etat, 26 novembre 2001, n° 22274, Association Liberté Information Santé).

Enfin, il convient de signaler que la Cour européenne des droits de l’Homme a jugé en avril 2021 que l’obligation vaccinale imposée par un État relevait de mesures « nécessaires dans une société démocratique » à propos de la vaccination contre les maladies graves prescrite pour la protection de tout enfant (CEDH, 8 avr. 2021, n°47621 et cinq autres, Vavricka et a. c/ République Tchèque) [1].

Patrick Lingibé Membre du Conseil National des barreaux Ancien vice-président de la Conférence des bâtonniers de France Avocat associé Cabinet Jurisguyane Spécialiste en droit public Diplômé en droit routier Médiateur Professionnel Membre du réseau interprofessionnel Eurojuris Membre de l’Association des Juristes en Droit des Outre-Mer (AJDOM) www.jurisguyane.com

[1Article intitulé Vaccination et liberté d’aller et venir : application du principe de précaution par le Conseil d’État, Patrick Lingibé, Gazette du Palais n° 17 du 4 mai 2021.

Comentaires: