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Cotisations sociales : présomption de contrat de travail des sportifs en charge de sponsoring. Par Frédéric Chhum, Avocat et Sarah Bouschbacher, Juriste.
Parution : vendredi 23 juillet 2021
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Par un arrêt du 12 mai 2021 (n°19-24.610), la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée sur la présomption de salariat des sportifs de haut niveau sollicités pour présenter au public des produits de marque de la société Uhlsport France.

La Cour de cassation considère que la présentation directe au public d’un produit par un athlète à l’occasion de diverses manifestations et notamment, d’exhibitions sportives, avec ou sans compétition, est de nature à justifier l’existence d’un contrat de travail entre le sportif et la société.

1) Faits.

A l’issue d’un contrôle, l’URSSAF a réintégré dans l’assiette des cotisations d’une société, le montant des sommes versées à des sportifs de haut niveau chargés de promouvoir les équipements de la marque de la présente société.

La société, face à la contrainte opposée par l’URSSAF, a donc formé opposition devant une juridiction de sécurité sociale.

Par un arrêt du 13 septembre 2019, la Cour d’appel d’Aix en Provence a fait droit à la demande de la société de ne pas prendre en compte le montant des sommes versées à des sportifs de haut niveau en échange de leur promotion des produits de la marque de la société, ayant considéré que

« ces contrats ne relevaient pas de l’activité de mannequinat mais constituaient des contrats commerciaux de sponsoring ou de parrainage sportif, de sorte que la présomption de salariat ne pouvait être retenue ».

De même la Cour d’appel souligne que les clichés des sportifs porteurs des produits promus, n’ont pas été utilisés dans les catalogues de la société ni dans ses publications commerciales, tout comme il est mis en évidence que les sportifs n’ont pas participé à une quelconque manifestation ou démonstration imposée par la société, ces éléments étant de nature à écarter la présomption de salariat.

L’URSSAF s’est donc pourvue en cassation sur le fondement de l’article L7123-2 du Code du travail qui définit l’activité de mannequinat selon les termes suivants : « est considérée comme exerçant une activité de mannequin, même si cette activité n’est exercée qu’à titre occasionnel, toute personne qui est chargée : soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire, soit de poser comme modèle, avec ou sans utilisation ultérieure de son image », et sur le fondement de l’article L7123-3 du Code du travail qui dispose que « tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un mannequin est présumé être un contrat de travail ».

2) Moyen.

L’URSSAF fait grief à l’arrêt de ne pas reconnaître l’existence d’un contrat de travail entre les sportifs de haut niveau et la société.

A cet égard, il est soutenu que, en application des articles cités ci-dessus, que « le contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un mannequin est présumé être un contrat de travail », d’autant plus que les sportifs de haut niveau étaient non seulement rémunérés pour leur prestation de travail qui consistait à utiliser exclusivement les équipements de la société à l’occasion des entraînements, matchs amicaux ou de championnat et pour toutes autres manifestations ayant trait à leur activité, mais que en plus, les sportifs s’engageaient à fournir, avant le début du championnat un ou plusieurs clichés de leur image avec les produits promis, caractérisant ainsi un lien de subordination nécessaire à la formation d’un contrat de travail.

Contre l’argument selon lequel l’absence de clichés des sportifs habillés des produits de marque dans les catalogues et publications commerciales de la société est de nature à justifier la présomption de non salariat, l’URSSAF oppose au contraire que le seul fait de

« fournir des clichés de son image avec le matériel de la marque ou de se rendre disponible pour permettre la réalisation de tels clichés nécessaires à la promotion de l’équipement, suffit à caractériser l’activité de mannequin, peu important que la société sponsor n’utilise pas ultérieurement les clichés des sportifs dans ses catalogues ou publications commerciales ».

Ensuite si les sportifs n’ont effectivement pas eu l’obligation de participer à une quelconque manifestation ou démonstration, cela n’est néanmoins pas exigé pour que soit caractérisée la profession de mannequin, au sens de l’article L7123-2 du Code du travail.

3) Les sportifs de haut niveau chargés de présenter directement au public un produit à l’occasion d’exhibitions sportives sont-ils liés par un contrat de travail à la société qui les sollicite ? Oui, répond la Cour de cassation.

La Cour de cassation répond par la positive, et casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel sur le fondement des articles L7123-2, L7123-3 et L7123-4 du Code du travail, le dernier disposant que

« La présomption de l’existence d’un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties. Elle n’est pas non plus détruite par la preuve que le mannequin conserve une entière liberté d’action pour l’exécution de son travail de présentation ».

La Cour de cassation considère ainsi qu’il « résulte de la combinaison de ces textes que la présentation directe au public d’un produit par un athlète à l’occasion de diverses manifestations et notamment, d’exhibitions sportives, avec ou sans compétition, entre dans le champ d’application de la présomption » de salariat.

Par conséquent, le contrat qui lie les sportifs à la société sont des contrats de travail et non pas des contrats commerciaux de sponsoring ou de parrainage sportif.

En effet, les trois conditions constitutives de la relation salariales étaient réunies, à savoir la rémunération, la prestation de travail, et surtout, le lien de subordination dès lors que les sportifs avaient « l’obligation de porter les équipements de la marque en vue d’en assurer la promotion à l’occasion de diverses manifestations » présumant par-là l’existence d’une activité de mannequinat impliquant de ce fait, l’existence de contrats de travail.

Ainsi, la société n’ayant pas pu prouver l’absence de lien de subordination, le montant des sommes versées à des sportifs de haut niveau chargés de promouvoir les équipements de sa marque, doit être intégré dans l’assiette des cotisations sociales.

Source : Cass. civ. 2eme, 12 mai 2021.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum