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“Appelez-moi Maître.”
Parution : jeudi 29 juillet 2021
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« Appelez-moi Maître ! [1] ». Souvenez-vous de cette réplique cinglante de Maître Gisèle Halimi au Général de Gaulle. Elle nous rappelle que les femmes avocates ont dû batailler pour s’imposer, notamment dans ce milieu professionnel (voir Gisèle Halimi, ses combats en héritage). Il reste encore du chemin à parcourir. La manière de s’adresser à une avocate est l’une des manières de témoigner de son respect à l’égard des femmes.

« Maître », la formule consacrée pour s’adresser aux avocat(e)s.

Concrètement, pour s’adresser à un avocat, on dit "Maître", pour les femmes et pour les hommes. C’est d’ailleurs la même chose pour d’autres professionnel(le)s du droit : les notaires, les huissiers, etc.

Ce ne sera toutefois pas un crime de lèse-majesté que de dire "Madame" ou "Monsieur" à votre avocat(e). C’est un titre dont les avocat(e)s sont fier(e)s, mais le premier objectif, c’est la politesse tout court ! Si vous le ne dites pas, il est assez peu probable que l’on vous en tienne rigueur, surtout si vous n’êtes pas un(e) habitué(e) du monde juridique ! Il est possible néanmoins que, dans certains contextes tendus, la non-utilisation du titre soit vue comme une marque de défiance. Rare, mais possible.

Comment le terme « Maître » s’est imposé pour s’adresser aux avocat(e)s ? Comme souvent, il faut se replacer dans la grande Histoire pour comprendre la "petite". Il faut en revenir à l’émergence de la profession, née à l’époque de l’empereur Justinien 1er, avec l’instauration de l’« Ordre des avocats » [2]. À l’époque, ce sont les ecclésiastiques qui sont les plus à mêmes d’exercer en tant qu’avocats, puisqu’ils sont les principaux connaisseurs du droit byzantin, « et parce que l’avocat, parfois assimilé aux chevaliers, combat comme Jésus-Christ pour défendre les pauvres et les humiliés. [3] ». Considérés comme des "clercs laïcs", le titre de « Maître » est conféré aux avocats « à l’instar des ecclésiastiques qui ont fait des études de théologie ou de droit canon [4] ». Ce poids de l’Histoire explique que l’on ne féminise pas le titre pour s’adresser à une avocate. Appelez-moi Maître, donc.

Et entre avocat(e)s ? Évoluer pour respecter les femmes.

Qu’en est-il entre avocat(e)s ? Les formules utilisées quotidiennement sont multiples pour s’adresser à un(e) avocat(e). Dans son « Livret des adresses et formules de politesse de la profession d’avocat », le Barreau de Paris passe en revue les différentes adresses et formules employées au quotidien.

Certaines sont considérées comme « réactionnaires » et dénient le droit aux femmes de pouvoir se considérer comme avocates (« Mon cher confrère » ; « Cher confrère » ; « Madame et cher confrère » ; « Chère madame »). D’autres sont, pour le moins, grammaticalement incorrectes (« Ma cher confrère »). D’autres enfin, même si dans la symbolique sont bien moins négatives que les précédentes, manquent d’un rien la place d’adresse parfaite (« Ma chère consoeur » ou « Chère collègue »). La palme revient donc à « Chère Consoeur », c’est la bonne formule.

Le contenu du livret peut sembler un peu décalé, suranné, dépassé. Et pourtant, il est une évidence comme le rappelle Laurence Boyer en éditorial du livret : « le vocabulaire et les formules que nous employons quotidiennement dans le cadre de notre exercice professionnel sont le reflet de l’état d’esprit de notre barreau, tout autant que des possibles vecteurs d’évolution emblématique, notamment en termes d’égalité hommes/femmes. » Ces petites choses qui, une fois ancrées, font durablement évoluer les mentalités !

Féminisation des termes « bâtonnier », vice-bâtonnier et « avocat »...

Fin 2022, le CNB a quant à lui adopté une proposition visant à intégrer au sein d’un article préliminaire du Règlement intérieur national (RIN) de la profession d’avocat la féminisation de ces termes : "la profession d’avocat a souhaité ainsi mettre à disposition des avocats un outil supplémentaire de promotion de l’égalité et de la lutte contre les stéréotypes de genre dans la profession." [5].

Simon Brenot Rédaction du Village de la Justice

[2Les avocats à travers l’Histoire : de l’Antiquité à nos jours, Cabinet Hamon Degiovanni ; « corpus des règles déontologiques que l’avocat, alors considéré comme le défenseur du peuple, devra suivre tout au long de sa carrière.

[5Source : site du CNB