Village de la Justice www.village-justice.com

Le contrôle du passe sanitaire par l’employeur. Par Delphine Picque, Avocat.
Parution : mardi 27 juillet 2021
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/controle-pass-sanitaire-par
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire a été adopté dimanche 25 juillet 2021.
Il autorise le Chef du Gouvernement à subordonner la présentation d’un « pass sanitaire » à l’accès de certains établissements.
Cette obligation serait élargie, à compter du 30 août 2021, au personnel travaillant dans ces lieux.

La méconnaissance des obligations de contrôle par l’employeur est punie d’une peine d’amende et d’une peine d’emprisonnement en cas de réitération.

Le projet de loi met ainsi à la charge de l’employeur un nouveau devoir de contrôle particulièrement strict qui soulève de nombreuses interrogations.

Les éléments constitutifs du Pass sanitaire.

L’employeur devra vérifier que les salariés ont bien un Pass sanitaire en règle.

Selon le projet de loi, les salariés pourront présenter les preuves sanitaires suivantes :
- Un justificatif de statut vaccinal ;
- Un test PCR de moins de 48 h ;
- Le résultat d’un test positif attestant du rétablissement de la Covid-19 datant d’au moins 11 jours et de moins de 6 mois.

Ces documents pourront être transmis par le salarié sous format papier ou numérique.

Il en résulte que les autotests ne seront pas considérés comme une preuve sanitaire valable.

De la même manière, les vaccins non reconnus par l’Agence européenne des médicaments ne peuvent à ce jour intégrer le pass sanitaire. Les salariés ayant reçu ces vaccins devront donc présenter à leur employeur un autre document.

L’outil de contrôle.

Selon le projet de loi, la communication des données du pass sanitaire ne devra pas permettre à l’auteur du contrôle de connaître la nature du document qu’il contient.

En d’autres termes, les modalités de contrôle choisies par l’employeur ne devront pas lui permettre d’avoir accès aux informations détaillées (vaccination complète, test PCR négatif, certificat de rétablissement) au risque de violer le secret médical.

Pour cela, l’employeur devra être équipé de l’application TousAnti Covid Verif, la loi interdisant l’utilisation d’autres applications.

Celui-ci devra effectuer le contrôle du pass sanitaire par un QR Code, seul permettant la vérification des justificatifs autorisés sans connaître la nature du document qu’il contient.

L’intention est ici de renforcer les garanties apportées en matière de protection du secret médical.

Cette exigence est en accord avec les préconisations de la CNIL qui avait rappelé que le contrôle des données doit se faire dans le respect du principe de minimisation.

L’intention est affichée.

Néanmoins, cette solution est particulièrement contraignante pour l’employeur qui se verra de ce fait dans l’obligation de contrôler tous les jours le pass sanitaire de ses salariés.

Cette problématique est actuellement à l’étude au sein du Ministère du Travail.

La conservation des preuves sanitaires.

L’employeur devra s’interdire toute conservation des données dans le cadre du processus de vérification du pass sanitaire.

A défaut, il risque un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

Néanmoins, le projet de loi prévoit que l’employeur pourra conserver le certificat de vaccination de son salarié afin de lui délivrer un titre spécifique permettant une vérification simplifiée.

Cette dérogation, qui semble aller à l’encontre de la préservation du secret médical des salariés en ce qu’elle crée une distinction entre les salariés vaccinés et les non vaccinés, mérite là encore d’être précisée.

En cas de conservation de documents de nature médicale, l’employeur devra veiller scrupuleusement au respect des dispositions du règlement RGPD.

La modification du règlement intérieur.

Par principe, le règlement intérieur fixe les mesures d’application de la réglementation en matière de santé et de sécurité des salariés.

Le règlement intérieur de l’entreprise ou, à défaut, une note de service, devra ainsi intégrer les consignes à respecter et les mesures de contrôle du pass sanitaire après consultation du CSE.

Tel était d’ailleurs le cas pour l’obligation du port du masque en entreprise.

La consultation du CSE.

Les représentants du personnel doivent être consultés en cas de modification importante de l’organisation du travail, des conditions de travail et d’emploi.

L’article 15 du projet de loi prévoit, dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, une information sans délai du CSE par l’employeur des mesures de contrôle du pass sanitaire.

L’avis du CSE pourra intervenir après que l’employeur ait mis en œuvre ces mesures, au plus tard dans un délai d’un mois à compter de la communication des informations.

Les personnes autorisées à contrôler les justificatifs.

Le projet de loi précise que les pass sanitaires devront être contrôlés par des personnes ou services autorisés.

Aucune précision n’est néanmoins donnée sur les personnes habilitées à effectuer ce contrôle.

Il est peu probable que l’employeur ait à se conformer aux règles édictées par le décret du 7 juin 2021 applicables aux évènements accueillant plus de mille personnes.

Une clarification aurait été néanmoins appréciable sur ce point.

Malgré la hâte du Gouvernement, le texte doit désormais recevoir le feu vert du Conseil constitutionnel.

Une décision est attendue pour le 5 août 2021.

Maître Delphine PICQUE
Comentaires: