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Management package des dirigeants : imposition des gains comme un salaire. Par Frédéric Chhum, Avocat et Sarah Bouschbacher, Juriste.
Parution : mercredi 28 juillet 2021
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Par trois décisions rendues le 13 juillet 2021 (Conseil d’Etat, 13 juillet 2021, n°428506, n°437498, n°435452), le Conseil d’Etat s’est prononcé sur le régime d’imposition des gains obtenus dans le cadre d’un management package.

Le Conseil d’Etat a jugé que les gains issus d’un management package sont imposables comme un salaire, s’ils sont liés à l’exercice des fonction de salarié ou de dirigeant.

1) Faits.

Plusieurs salariés cadres-dirigeants ont bénéficié du dispositif « management package », leur permettant d’acquérir des actions en contrepartie de leur implication dans la société et de leurs performances illustrées par les rendements internes à la société.

Tous les dispositifs de « management package » ne sont pas encadrés par la loi, notamment les « bons autonomes de souscription d’action » et les « contrats d’option d’achat d’actions ».

A la suite de différents contrôles, l’administration fiscale a remis en cause l’imposition du gain net né de la vente de ces actions, dans la catégorie des plus-values de cession de valeurs mobilières.

En effet, l’administration fiscale considère que ce gain doit être imposé conformément aux règles encadrant la catégorie « traitements et salaires », au regard des articles 79 et 82 du code général des impôts.

Cependant, les cours administratives d’appel de Versailles et de Paris ne retiennent pas toutes l’analyse offerte par l’administration fiscale, jugeant notamment que « l’écart constaté entre le prix de cession des actions, quatre jours après la levée de l’option d’achat, et le prix fixé dans la convention du 27 juin 2007 pour la levée de cette option, n’avait pas le caractère d’un avantage en argent imposable dans la catégorie des traitements et salaires, mais constituait plutôt un gain en capital imposable comme plus-value de cession », plus favorable aux bénéficiaires.

C’est pourquoi, dans l’arrêt n°428506 qui retient particulièrement notre attention, l’administration fiscale s’est pourvue devant le Conseil d’Etat sur le fondement de l’article 79 du code général des impôts qui dispose que « les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l’impôt sur le revenu » et sur le fondement de l’article 82 de ce même code qui précise que

« pour la détermination des bases d’imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés en sus des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères proprement dits ».

2) Recours.

Dans l’arrêt n°428506, l’administration fiscale, fait notamment grief à l’arrêt de la cour administrative d’appel de ne pas avoir considéré les gains obtenus grâce aux dispositifs particuliers de BSA et de COA de management package, sous le régime d’imposition lié à la catégorie « traitements et salaires », mais à celle de « plus-value de cession de valeurs mobilières », ayant regardé sans incidence la circonstance que l’option d’achat consentie aurait été liée à l’exécution du contrat de travail.

A cet égard, il était soutenu que l’avantage tiré des options d’achat d’actions ou des bons de souscription d’actions, « lorsqu’il trouve essentiellement sa source dans l’exercice par l’intéressé de ses fonctions de dirigeant ou salarié, a [donc] le caractère d’un avantage accordé en sus du salaire » en application des articles 79 et 82 du code général des impôts.

Il en est de même lorsqu’un contribuable lève une option d’achat d’actions : en effet, selon l’administration fiscale, la différence entre la valeur réelle de ces actions à la date de levée de cette option et leur prix d’achat majoré du montant acquitté pour acquérir cette option, constitue un gain lorsqu’il trouve, encore une fois, essentiellement sa source dans l’exercice par l’intéressé de fonctions de dirigeant ou de salarié, et est donc imposable dans la catégorie des traitements et salaires.

Dans les arrêts n°435452 et n°437498, tandis que dans le premier, le salarié cadre dirigeant qui s’est pourvu en cassation avance que la valeur initiale de ses bons acquis était particulièrement faible pour être considérée comme un avantage, dans le second arrêt les salariés avancent plutôt que le gain réalisé ne représentait pas la contrepartie de leur fonction de dirigeant.

3) Les gains provenant des options d’achat d’actions et des bons de souscription d’actions dans le cadre d’un management package.

Sont-ils imposables dans la catégorie « traitements et salaires » dès lors qu’ils ont été obtenu en contrepartie de l’exercice de fonctions salariées ? Oui, répond le Conseil d’Etat ?

Le Conseil d’Etat répond par l’affirmative sur le fondement des articles 79 et 82 du code des impôts.

Dans l’arrêt n°428506, le Conseil d’Etat annule la décision de la cour administrative d’appel de Versailles qui a considéré que la levée de l’option d’achat par le cadre-dirigeant constituait un gain en capital imposable comme plus-value de cession, s’étant seulement bornée à relever que le salarié n’était pas prémuni contre le risque d’une perte totale de son investissement.

Contre cette solution, le Conseil d’Etat a au contraire, considéré que ces gains étaient imposables dans la catégorie « salaires », car l’option d’achat consentie était liée au contrat de travail.

De même, dans l’arrêt n°437498, le Conseil d’Etat a annulé la décision rendue par la cour administrative d’appel de Paris au motif que les gains réalisés ne devaient pas être regardés comme un complément de salaire du seul fait que le bénéficiaire disposait de la garantie de pouvoir revendre à la société ses bons de souscription d’actions à des prix fixés à l’avance.

Contre cette garantie, les juges du Conseil d’Etat ont insisté sur les conditions dans lesquelles les gains ont été obtenus, et qui doivent constituer une contrepartie des fonctions de dirigeant pour pouvoir être imposés comme un complément de salaire.

Enfin, dans l’arrêt n°435452, le pourvoi du cadre dirigeant est rejeté, car la cour administrative d’appel avait exactement déduit que les gains obtenus résultaient des résultats et performances de son engagement professionnel.

Dans ces trois arrêts, le Conseil d’Etat, pour justifier ses décisions, note avant tout que la souscription, l’acquisition d’options d’achat d’actions ou bien, de bons de souscription d’actions, constituent avant toute chose, des avantages dès lors qu’ils « ont été acquis ou souscrits à un prix préférentiel au regard de leur valeur réelle à la date de cette acquisition ou souscription ».

Plus particulièrement, le Conseil d’Etat considère qu’ « un tel avantage, lorsqu’il trouve essentiellement sa source dans l’exercice par l’intéressé de ses fonctions de dirigeant ou salarié, a le caractère d’un avantage accordé en sus du salaire ».

C’est dans cette mesure que, étant des avantages, ces dispositifs particuliers de management package constituent dès lors des compléments de salaire qui doivent être à ce titre, imposables dans la catégorie « traitements et salaires », bien que les bons de souscription d’actions soient en principe imposables dans la catégorie « plus-value de cession de valeurs mobilières ».

En effet, le Conseil d’Etat consacre en premier lieu les conditions de la cession qui sont déterminées ou non, par un contrat de travail qui impose au salarié cadre dirigeant d’opérer cette cession en contrepartie d’un bon de souscription d’actions.

A cet égard, le Conseil d’Etat a précisé que

« la qualification de gain en capital imposable selon le régime des plus-values de cession de valeurs mobilières doit, en particulier, être écartée lorsque l’intéressé a bénéficié d’un mécanisme lui garantissant, dès l’origine ou ultérieurement, le prix de cession de ces bons dans des conditions constituant une contrepartie de l’exercice de ses fonctions de dirigeant ou de salarié ».

Par conséquent, les gains obtenus d’un management package sous la forme d’options d’achat d’actions ou de bons de souscription d’actions, sont imposables dans la catégorie « traitements et salaires » dès lors qu’ils sont strictement consécutifs à l’exécution des fonctions de salarié ou de dirigeant, quand bien même cette forme d’imposition serait moins favorable à ces imposables selon eux.

Source :

- Conseil d’Etat : Management package des dirigeants de société : les gains obtenus doivent être imposés comme un salaire s’ils sont liés à l’exercice des fonctions.
- CE, 13 juillet 2021, n°428506.
- CE, 13 juillet 2021, n°437498.
- CE, 13 juillet 2021, n°435452.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum