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Le droit à l’image des salariés. Par Avi Bitton, Avocat, Manon Laguilliez et Valentine Behuel, Juristes.
Parution : mardi 3 août 2021
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Les salariés jouissent de leur droit à l’image au sein de l’entreprise, et l’employeur ne peut la capter et la diffuser sans leur consentement préalable.
Les conseils de prud’hommes condamnent ainsi régulièrement des employeurs ayant utilisé l’image de leurs salariés sans recueillir leur accord.

Les salariés jouissent de leur droit à l’image au sein de l’entreprise, et l’employeur ne peut la capter et la diffuser sans leur consentement préalable.

En effet, le droit à l’image est un droit rattaché au droit au respect de la vie privée et protégé par l’article 9 du Code civil : « Chacun a droit au respect de sa vie privée ».

Il s’agit d’un droit fondamental protégé par la Cour Européenne des droits de l’Hommes :

« L’image d’un individu est l’un des attributs principaux de sa personnalité, du fait qu’elle exprime son originalité et lui permet de se différencier de ses paires. Le droit de la personne à la protection de son image constitue ainsi l’une des conditions essentielles de son épanouissement personnel. Elle présuppose principalement la maîtrise par l’individu de son image, laquelle comprend notamment la possibilité pour celui-ci d’en refuser la diffusion (…) ».

En droit du travail, la subordination inhérente au contrat de travail n’a pas pour effet de priver le salarié des droits fondamentaux attachés à la personne et notamment du droit à l’image.

Les règles élaborées par la jurisprudence proviennent en grande partie des décisions de Cours d’appel.

1. Diffusion interne à l’entreprise.

S’agissant de supports internes à l’entreprise (trombinoscope, intranet, affiches…), le consentement du salarié pour la diffusion de son image est requis.

Ainsi, un salarié doit obtenir des dommages-intérêts réparant exactement son préjudice moral du fait de la captation et de la diffusion de son image sur les documents de l’entreprise, sans son autorisation préalable.

2. Usage commercial.

Lorsque l’employeur entend utiliser l’image d’un salarié à des fins publicitaires et commerciales, le consentement exprès du salarié est là encore requis.

En cas de reproduction non autorisée, l’employeur commet une faute engageant sa responsabilité envers le salarié. Le salarié peut donc réclamer des dommages et intérêts du seul fait de la reproduction de son image à des fins publicitaires, sans son consentement.

A titre d’exemple, il a été jugé que l’intéressé, qui produit des attestations selon lesquelles il ne souhaitait pas que sa photographie soit ainsi utilisée, a subi un préjudice du seul fait que la société s’est dispensée de son consentement qu’elle avait pourtant requis.

Les juges attribuent des dommages et intérêts en fonction de la répercussion de l’utilisation de son image sur sa vie professionnelle ou privée.

Les juges admettent, toutefois, de manière exceptionnelle, qu’un salarié ait pu donner son accord tacite pour la diffusion de son image.

A titre d’exemple, s’agissant d’une campagne publicitaire initiée par l’employeur il y a de nombreuses années au moyen de posters et affiches représentant un salarié sur son lieu de travail, le défaut de consentement à l’utilisation de son image, allégué par celui-ci, paraît fictif dès lors qu’il s’est volontairement soumis aux prises de vue, posant à côté d’un appareil électroménager, et que pendant 13 années il n’a émis ni protestation ni réclamation, de sorte qu’un accord tacite peut être constaté.

3. Diffusion postérieure à la fin du contrat de travail.

Même après la rupture de son contrat de travail, le consentement de l’ancien salarié pour la diffusion de son image reste requis.

La Cour d’appel de Chambéry a ainsi jugé qu’un salarié dont le nom et la photo sont restés publiés sur le site internet de son employeur postérieurement à son licenciement (pendant environ six mois) subit un préjudice qui doit être indemnisé au titre du droit à l’image. En effet, l’employeur n’avait pas mis à jour immédiatement le site internet et ne pouvait justifier de l’autorisation de son ancien salarié.

Les juges admettent qu’un salarié donne son consentement pour une diffusion prolongée de son image pouvant s’étendre après la rupture du contrat de travail.

La Cour de cassation a ainsi jugé que, dès lors qu’au moment de son embauche, le salarié a autorisé son employeur à utiliser sa photographie dans un but promotionnel durant une période allant jusqu’à 10 ans après la fin des relations de travail, les juges du fond ne peuvent condamner l’employeur à payer une somme de 5 000 F à l’intéressé en contrepartie du droit d’utiliser sa photographie.

4. Les recours judiciaires envisageables pour les salariés.

Dans le cadre de l’exécution du contrat de travail, les salariés n’ayant pas donné leur accord pour la diffusion de leur image à des fins commerciales ou professionnelles, ont la possibilité de saisir le conseil de prud’hommes, qui est compétent pour connaitre de tous les litiges naissants entre un employeur et un salarié.

Ainsi, le litige portant sur l’utilisation de l’image d’un salarié durant l’exécution de son contrat de travail ou postérieurement au contrat de travail est jugé par les Conseillers prud’homaux.

Un arrêt de cour d’appel d’Orléans du 3 novembre 2009 confirme la compétence des juridictions prud’homales en matière de droit à l’image lorsqu’il s’agit d’un litige opposant un salarié et un employeur dans le cadre de l’exécution du contrat de travail.

Ensuite, un arrêt de la cour d’appel de Montpellier du 14 février 2018 précise qu’un litige relatif au droit à l’image dans le cadre de l’exécution du contrat de travail relève de la juridiction prud’homale. Toutefois, lorsque le salarié a conclu un contrat avec un prestataire de l’employeur en raison de la diffusion de son image, la nature des relations entre le salarié et le prestataire de l’employeur est commerciale donc le litige relève de la compétence commerciale (Tribunal de commerce).

Les dispositions légales du Code de l’organisation judiciaire et du Code de procédure civile prévoient que tout litige naissant entre deux parties ayant pour qualité employeur et salarié est la compétence exclusive des juridictions sociales.

Enfin, toutes les décisions rendues par les Cours d’appel relatives au droit à l’image d’un salarié et d’une réparation en dommages et intérêts proviennent des chambres sociales suite aux saisines des Conseils de prud’hommes.

Par conséquent, un employeur qui souhaite utiliser l’image de ses salariés doit les avertir et leur demander leurs consentements par écrit avant toute diffusion, au risque d’être condamné à une réparation civile devant le Conseil de prud’hommes.

Avi Bitton, Avocat Manon Laguilliez et Valentine Behuel, Juristes Courriel: [->avocat@avibitton.com] Site: [->https://www.avibitton.com]
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