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Appel après un jugement : attention aux délais ! Par Jérémie Leroy-Ringuet, Avocat.
Parution : mercredi 28 juillet 2021
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Le tribunal vient de rendre un jugement. Qu’il vous soit favorable ou non, il faut être vigilant sur les délais d’appel. Cet article attire votre attention sur les précautions essentielles en matière de délais à observer.

Vous vous êtes opposé avec votre adversaire (conjoint, voisin, commerçant, société concurrente, etc.) dans un procès civil ou commercial. Cela a duré six mois, un an, deux ans, ou plus, mais le jugement a enfin été rendu. Il peut vous être favorable ou défavorable, mais assez souvent, il vous est à moitié favorable et il est à moitié favorable à votre adversaire, ou alors il vous est presque entièrement favorable sauf sur un point, ou vice-versa : il est presque entièrement favorable à votre adversaire sauf sur un point. Votre adversaire ou vous réfléchissez à faire appel mais rien n’est encore certain. Quels sont les pièges à éviter ?

Vous trouverez dans cet article, successivement, les trois cas de figure basiques et vous pouvez directement lire la section qui vous concerne : toutes les informations utiles d’un cas pour un autre cas sont reprises en détail à chaque fois.

Cas de figure n° 1 : vous avez gagné sur toute la ligne

Que vous soyez en demande ou en défense, le jugement a condamné votre adversaire, soit à faire quelque chose (réaliser des travaux, exécuter un contrat, etc.), soit à indemniser votre préjudice (dommages-intérêts) ainsi que, la plupart du temps, à rembourser vos frais d’avocats (pas de fausse joie : la somme en question reste le plus souvent très symbolique et a peu de rapports avec les honoraires réellement exposés…). Les demandes de votre adversaire ont toutes été rejetées. Bref, vous avez gagné sur toute la ligne et votre adversaire a perdu sur toute la ligne (attention, si ce n’est pas très exactement le cas, vous êtes dans le cas de figure n° 3).

Sauf cas particulier (jugement en premier et dernier ressort), votre adversaire peut faire appel de ce jugement pour retenter sa chance devant une cour d’appel.

Pour les actions de première instance initiées à partir du 1er janvier 2020, les jugements ont par défaut force exécutoire à titre provisoire, ce qui veut dire que, même s’il fait appel, votre adversaire devra s’exécuter pour que son appel soit recevable. Son appel pourrait donc être subordonné à la condition qu’il vous ait versé les montants des condamnations, par exemple.

Vous pouvez souhaiter 1° faire exécuter le jugement tout de suite ou 2° attendre un éventuel appel de votre adversaire.

Dans le premier cas, vous avez 10 ans pour faire exécuter le jugement [1]. Rien ne presse, donc, et vous aurez le temps de vérifier avec un avocat comment rendre votre jugement exécutoire (s’il ne l’est pas déjà), pour demander une exécution spontanée et, à défaut, pour procéder à l’exécution forcée (par huissier de justice).

Dans le second cas, vous aimerez sûrement savoir à quoi vous en tenir : va-t-il y avoir un appel ou non ? Il faut savoir que chacune des parties à un procès a 2 ans pour faire appel [2].

Pour éviter de laisser 2 ans à votre adversaire, vous pouvez raccourcir son délai à 1 mois en lui notifiant la décision. Cela signifie que vous devrez missionner un huissier de justice qui se rendra au domicile de votre adversaire figurant sur le jugement (et pas chez son avocat même si une notification entre avocats peut être un préalable obligatoire, dans certains cas) et lui notifier officiellement le jugement. L’huissier portera sur son « procès-verbal de signification » la date à laquelle il s’est rendu chez votre adversaire. Cette date fait partir un délai d’1 mois à compter duquel votre adversaire peut faire appel [3] (hors cas particuliers, notamment des ordonnances de référé ou de mise en état, entre autres, pour lesquels le délai peut être différent).

En d’autres termes, si vous voulez rapidement savoir si votre adversaire va faire appel, ou si vous voulez le forcer à se décider rapidement, il faudra faire effectuer cette signification.

Mais, pour autant, vous ne saurez pas tout de suite après ce délai d’1 mois s’il a fait appel ou non.

En effet, imaginons que vous ayez fait procéder à une notification le 1er mars. Votre adversaire a alors jusqu’au 1er avril pour faire appel. Une fois la déclaration d’appel enregistrée, vous devriez recevoir un avis de la cour d’appel qui vous invite à désigner un avocat pour vous représenter (dans le cas d’une procédure « ordinaire » : il en va différemment des appels « à brefs délais »). Si vous ne le recevez pas, votre adversaire devra vous faire notifier cette déclaration d’appel par huissier – inutile de vous cacher si vous voyez par la fenêtre que l’huissier arrive : sa notification sera valable s’il vous laisse un simple avis de passage !

Bien sûr, vous pouvez demander directement à votre adversaire ou à son avocat s’ils ont fait appel, mais rien ne les oblige à vous répondre. Vous pouvez aussi demander à la cour d’appel compétente un « certificat de non-appel » qui vous dira si un appel a été formé ou non, mais cela prendra probablement plus de temps que de recevoir la notification officielle. Donc attendez encore deux ou trois semaines avant de commander ce certificat.

Cas de figure n° 2 : vous avez perdu sur toute la ligne

Il s’agit, bien sûr, du cas inverse du précédent et tout ce qui est dit dans le cas de figure n° 1 s’applique alors à votre adversaire.

Que vous soyez en demande ou en défense, le jugement vous a condamné, soit à faire quelque chose (réaliser des travaux, exécuter un contrat, etc.), soit à indemniser le préjudice de votre adversaire (dommages-intérêts) ainsi que, la plupart du temps, à rembourser ses frais d’avocats (rassurez-vous : la somme en question reste le plus souvent symbolique et a peu de rapport avec les honoraires réels). Vos demandes ont toutes été rejetées. Bref, vous avez perdu sur toute la ligne et votre adversaire a gagné sur toute la ligne (attention, si ce n’est pas très exactement le cas, vous êtes dans le cas de figure n° 3).

Sauf cas particulier (jugement en premier et dernier ressort), vous pouvez faire appel de ce jugement pour retenter votre chance devant une cour d’appel.

Pour les actions de première instance initiées à partir du 1er janvier 2020, les jugements ont par défaut force exécutoire à titre provisoire, ce qui veut dire que, même si vous faites appel, vous devrez vous exécuter pour pouvoir faire appel (à moins que le tribunal ait expressément exclu l’exécution provisoire pour tel ou tel chef de condamnation). Votre appel pourrait donc être subordonné à la condition que vous ayez versé les montants des condamnations, par exemple.

Combien de temps avez-vous pour faire appel ? En théorie, vous avez 2 ans [4].

Mais ce délai de 2 ans est réduit à 1 mois si l’on vous notifie la décision. Cela signifie que si votre adversaire missionne un huissier de justice pour se rendre à votre domicile (à l’adresse figurant sur le jugement pas à celle de votre avocat, même si une notification préalable entre avocats est, dans certains cas, obligatoire) et vous notifier officiellement le jugement, un autre délai commencera à courir contre vous.

L’huissier portera sur son « procès-verbal de signification » la date à laquelle il s’est rendu chez vous – inutile de vous cacher si vous voyez par la fenêtre que l’huissier arrive : il a le droit de vous laisser un avis de passage ! Cette date fait partir un délai d’1 mois à compter duquel vous pourrez faire appel [5] (hors cas particuliers, notamment des ordonnances de référé ou de mise en état, entre autres, pour lesquels le délai peut être différent).

Si vous faites appel dans ce délai, votre adversaire ne le saura pas tout de suite, pour autant.

En effet, imaginons que vous ayez reçu une notification d’huissier le 1er mars. Vous avez alors jusqu’au 1er avril pour faire appel. Une fois la déclaration d’appel enregistrée par votre avocat, votre adversaire devrait recevoir un avis de la cour d’appel qui l’invite à désigner un avocat pour le représenter (dans le cas d’une procédure « ordinaire » : il en va différemment des appels « à brefs délais »). Si la cour n’a pas pu joindre votre adversaire, elle vous demandera alors de lui notifier votre déclaration d’appel par huissier.

Rien ne vous oblige, légalement, à l’informer de façon non officielle que vous avez fait appel. Votre adversaire peut toutefois demander à la cour d’appel compétente un « certificat de non-appel » qui lui indiquera si un appel a été formé ou non, mais qui, de toute façon, ne lui sera probablement envoyé qu’après réception de la notification officielle.

Cas de figure n° 3 : vous avez en partie perdu et en partie gagné

Que vous soyez demandeur ou défendeur, le jugement soit vous a condamné, soit a rejeté vos demandes. Mais votre adversaire aussi a vu certaines de ses demandes rejetées, voire s’est fait condamner sur tel ou tel point. Le résultat peut être de l’ordre de 50% de succès et 50% d’échec, ou de 95% de succès et 5% d’échec (ou l’inverse), dans le cas où vous avez tout gagné ou tout perdu sauf une question de détail.

Par exemple, dans une procédure de divorce, vous avez gagné sur la garde des enfants mais perdu sur la pension alimentaire, ou alors la solution du tribunal ne vous convient pas : vous n’avez obtenu que la moitié ou les trois quarts des sommes que vous demandiez. L’autre partie peut également être mécontente du montant fixé et des conditions de la garde.

Autre exemple, dans un contentieux commercial : vous demandiez le paiement de factures en souffrance et le tribunal de commerce ne vous en a accordé qu’une partie ; ou encore, vous êtes l’entreprise à qui on réclame ces paiements et vous êtes mécontente que le tribunal vous ait condamnée à en payer ne serait-ce que quelques-unes.

Sauf cas de figure particulier (jugement en premier et dernier ressort), vous pouvez faire appel de ce jugement pour retenter votre chance devant une cour d’appel. Votre adversaire pourrait aussi vouloir le faire.

Pour les actions de première instance initiées à compter du 1er janvier 2020, les jugements ont par défaut force exécutoire à titre provisoire, ce qui veut dire que, même si une partie fait appel, elle devra s’exécuter pour pouvoir faire appel (à moins que le tribunal ait expressément exclu l’exécution provisoire pour tel ou tel chef de condamnation). L’appel pourrait être subordonné à la condition que la partie appelante ait versé les montants des condamnations, par exemple.

Vous pourriez hésiter à faire appel de crainte d’obtenir un arrêt d’appel (encore) moins favorable, ou bien vous pourriez préférer ne pas être celui ou celle qui fera appel et forcer votre adversaire à se prononcer avant vous : il est souvent plus confortable d’être en défense (« intimé ») qu’en demande (« appelant »).

Combien de temps avez-vous, ainsi que votre adversaire, pour faire appel ? En théorie, vous avez 2 ans [6].

Mais ce délai de 2 ans est réduit à 1 mois si une des parties notifie la décision à l’autre. Cela signifie que si vous ou votre adversaire missionnez un huissier de justice pour se rendre au domicile de l’autre (à l’adresse indiquée sur le jugement, pas à celle de l’avocat même si une notification entre avocat est, dans certains cas, un préalable obligatoire) et lui notifier officiellement le jugement, un autre délai commencera à courir.

L’huissier portera sur son « procès-verbal de signification » la date à laquelle il s’est rendu chez le destinataire – si c’est chez vous, inutile de vous cacher si vous voyez par la fenêtre que l’huissier arrive : il a le droit de vous laisser un avis de passage !

Cette date fait partir un délai d’1 mois à compter duquel il est possible de faire appel [7] (hors cas particuliers, notamment des ordonnances de référé ou de mise en état, entre autres, pour lesquels le délai peut être différent).

ATTENTION : cette date vaut aussi bien contre votre adversaire que contre vous ! Elle vaut donc aussi bien contre l’auteur de la notification par huissier que contre son destinataire [8]. Si jamais votre souhait est que votre adversaire fasse appel pour ensuite pouvoir, vous aussi, contester ce qui vous déplaît dans le jugement, il faut que vous soyez certain qu’il fera appel. Car si le délai parvient à son terme et que ni vous ni lui n’avez fait appel, l’appel deviendra irrecevable et le jugement définitif – et vous aurez perdu votre seule chance de faire appel sur le ou les points du jugement que vous souhaitiez contester.

Si vous ou votre adversaire faites appel dans ce délai, l’autre partie ne le saura pas tout de suite, pour autant.

En effet, imaginons que le jugement ait été notifié par huissier le 1er mars. Chacune des parties a alors jusqu’au 1er avril pour faire appel. Une fois la déclaration d’appel enregistrée par l’avocat de la partie qui aura souhaité faire appel, l’autre partie devrait recevoir un avis de la cour d’appel qui l’invitera à désigner un avocat pour la représenter (dans le cas d’une procédure « ordinaire » : il en va différemment des appels « à brefs délais »). Si la cour n’a pas pu joindre cette partie non appelante, elle demandera alors à l’appelant de lui notifier la déclaration d’appel par huissier.

Rien n’oblige une partie, légalement, à informer l’autre de façon non officielle qu’elle a fait appel. L’autre partie peut toutefois demander à la cour d’appel compétente un « certificat de non-appel » qui ne lui sera probablement envoyé qu’après sa réception de la notification officielle.

Dernière chose importante à savoir : si le jugement n’était pas exécutoire à titre provisoire mais qu’une des parties avait décidé de s’exécuter volontairement (en faisant ce que le jugement ordonnait, ou en payant les sommes auxquelles elle était condamnée) et que l’autre partie fait ensuite appel, la partie qui s’est exécutée pourra toujours, elle aussi, contester le jugement de première instance. L’exécution volontaire ne vaut pas acquiescement au jugement et n’empêche donc pas de reprendre toute l’affaire à zéro dès lors qu’une partie fait appel.

Cet article ne se substitue pas à une consultation d’avocat et ne constitue pas un avis sur votre propre cas.

Jérémie Leroy-Ringuet, avocat au barreau de Paris

[1Article L. 114-4 du Code des procédures civiles d’exécution

[2Article 528-1 du Code de procédure civile

[3Article 538 du Code de procédure civile

[4Article 528-1 du Code de procédure civile

[5Article 538 du Code de procédure civile

[6Article 528-1 du Code de procédure civile

[7Article 538 du Code de procédure civile

[8Article 528 du Code de procédure civile

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