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Production de logement social en VEFA : les garanties légales applicables. Par Marie Friteau, Avocat.
Parution : mardi 3 août 2021
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Le bailleur social acquéreur VEFA peut solliciter concurremment et de façon cumulative les garanties du promoteur immobilier ainsi que celles des constructeurs, ainsi que de leurs assureurs, après la livraison et la réception de l’ouvrage.
Il doit veiller à sérier les griefs, en fonction de leur nature et de leur date de survenance pour agir dans les délais prescrits, qui diffèrent selon le type de garantie applicable.

Au cours des dix dernières années, le recours au mécanisme de la Vente en l’Etat Futur d’Achèvement (VEFA) auprès de promoteurs immobiliers, est devenu le mécanisme privilégié de production du logement social pour les organismes HLM (tant Offices Publics de l’Habitat qu’Entreprises Sociales pour l’Habitat), représentant 54% de la production en 2019 contre 3% en 2007.

A l’instar de l’acquéreur VEFA particulier, suite à la livraison et à la réception de l’ouvrage, le bailleur social acquéreur de logements en VEFA ne parvient pas toujours à mobiliser les garanties légales dues tant par le promoteur immobilier que par les constructeurs, du fait de la confusion entourant l’application de ces garanties.

En effet, dans bien des cas, lors de la livraison du logement, l’acquéreur VEFA fait état de réserves, et dénonce dans les mois qui suivent des réclamations à son co-contractant, le promoteur immobilier, sans que celui-ci ne daigne nécessairement intervenir, ni même répondre.

A défaut de réponse du promoteur immobilier, ou si l’acquéreur VEFA est simplement invité à s’adresser directement aux constructeurs, ce dernier peut se retrouver perdu, ne sachant à quel(s) interlocuteur(s) réclamer les garanties pourtant dues.

Vers quels acteurs le bailleur social, acquéreur de logement social en VEFA, peut-il légitimement se retourner en cas de réclamations portant sur l’ouvrage qui vient d’être livré et réceptionné ?

En résumé, le bailleur social acquéreur VEFA peut solliciter concurremment et de façon cumulative les garanties du promoteur et des constructeurs, ainsi que de leurs assureurs, après la livraison et la réception de l’ouvrage. Il doit veiller à sérier les griefs, en fonction de leur nature et de leur date de survenance pour agir dans les délais prescrits, qui diffèrent selon le type de garantie applicable.

1. Les garanties légales dues par le promoteur immobilier, co-contractant de l’acquéreur VEFA.

Le promoteur immobilier est tenu à plusieurs garanties légales vis-à-vis de l’acquéreur VEFA, à un double titre :

-> en qualité de vendeur VEFA, à la garantie des vices et défauts de conformité apparents (articles 1642-1 et 1648 alinéa 2 du Code civil) qui lui sont dénoncés dans le délai d’un an à compter de la date la plus tardive entre les deux dates suivantes :
- la réception,
- la livraison, plus un mois.

L’acquéreur VEFA dispose d’un délai d’un an, à compter de la date la plus tardive entre la réception ou la livraison plus un mois, pour agir à l’encontre du promoteur sur le fondement de la garantie des vices et défauts de conformité.

A cet égard, il convient de distinguer les notions de réception et de livraison.

La réception est l’acte unilatéral du maitre de l’ouvrage qui déclare recevoir l’ouvrage réalisé par les constructeurs, ce qui fait courir le point de départ des délais d’épreuve des garanties légales (garantie de parfait achèvement, garantie biennale de bon fonctionnement, garantie décennale).

Pour rappel, en VEFA, la réception est prononcée par le promoteur qui a la qualité de maitre d’ouvrage, en application de l’article 1601-3 alinéa 2 du Code civil ; ce n’est qu’une fois la réception prononcée que l’acquéreur VEFA devient le maitre de l’ouvrage.

La livraison correspond à la prise de possession de l’ouvrage, délivré par le promoteur à l’acquéreur VEFA ; la livraison peut intervenir avant ou après la réception de l’ouvrage.

Tant la réception que la livraison peuvent être émises avec des réserves.

-> en qualité de constructeur non réalisateur (CNR) (article 1646-1 du Code civil), aux garanties identiques à celles auxquels sont tenus les constructeurs, à compter de la réception de l’ouvrage sur le fondement des articles 1792 et suivants du Code civil qui seront développées ci-après (biennale de bon fonctionnement, décennale, désordres intermédiaires, à l’exclusion de la garantie de parfait achèvement)

Une assurance dommages-ouvrage (DO) afin de préfinancement des désordres de nature décennale est obligatoirement souscrite par le promoteur qui a la qualité de maitre d’ouvrage jusqu’à la date de réception de l’ouvrage.

Une assurance Constructeur Non Réalisateur (CNR) ayant pour objet de couvrir les garanties légales auquel est tenu le constructeur non réalisateur est également souscrite.

Le bailleur social peut mobiliser non seulement les garanties du promoteur VEFA mais également les assurances précitées, si les conditions d’application en sont réunies.

2. Les garanties légales dues par les constructeurs au bénéfice de l’acquéreur VEFA, à compter de la réception, date à laquelle l’acquéreur devient maître de l’ouvrage.

A compter de la réception de l’ouvrage, les constructeurs sont également tenus aux garanties légales prévues aux articles 1792 et suivants du Code civil :
garantie de parfait achèvement (GPA), s’agissant d’une obligation de réaliser des travaux sur l’ouvrage afin de reprise, quelque soit la nature des désordres, à la charge de l’entreprise intervenue, garantie biennale de bon fonctionnement, pour les éléments d’équipement, garantie décennale, pour les désordres d’une gravité telle qu’elle emporte atteinte à la solidité de l’ouvrage ou impropriété à destination de l’ouvrage.

Une assurance de responsabilité décennale est obligatoirement souscrite par chacun des constructeurs.

Le bailleur social, acquéreur VEFA, devenu maitre de l’ouvrage à compter de la réception, dispose d’un délai d’un an pour ce qui concerne la garantie de parfait achèvement, de deux ans pour la garantie biennale de bon fonctionnement et de dix ans pour la garantie décennale, pour agir à l’encontre des constructeurs et de leurs assureurs.

L’acquéreur en VEFA peut pourtant avoir des difficultés à mobiliser ces garanties puisque très souvent, il n’a connaissance :

- ni de la date de réception, n’étant pas destinataire du procès-verbal de réception,

- ni de l’identité des entreprises ayant réalisé l’ouvrage, et notamment dans le cas où la livraison intervient avant la réception de l’ouvrage.

Le bailleur social doit donc veiller à se voir remettre par le promoteur immobilier la liste des constructeurs effectivement intervenus et le procès-verbal de réception ; il peut prévoir l’insertion d’une clause contractuelle en ce sens, au sein de l’acte de vente.

C’est ainsi que le bailleur social, acquéreur social, sera en pleine capacité de mobiliser l’ensemble des garanties légales dues tant par le promoteur en sa double qualité de vendeur VEFA et de constructeur non réalisateur que par les constructeurs eux-mêmes.

Marie FRITEAU Avocat au Barreau de Paris 134, boulevard Saint-Germain 75006 PARIS [->mfriteau@hotmail.fr]