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Comment obtenir un devoir de secours pendant une procédure de divorce ? Par Sarah Saldmann, Avocat.
Parution : mardi 3 août 2021
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Selon l’article 212 du Code civil : « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance ». Cet article rappelle plusieurs obligations entre les époux. Parmi celles-ci, il y a le devoir de secours qui correspond à une aide tant matérielle que morale qui trouve à s’appliquer dans les périodes de crises du couple.

1 - Les situations dans lesquelles le devoir de secours peut être sollicité.

Le devoir de secours est une mesure provisoire, mais, contrairement à une idée reçue, le devoir de secours ne s’applique pas uniquement lors d’une procédure de divorce. En effet, il peut aussi être sollicité pendant la durée du mariage, que les époux vivent ensemble ou séparément. Toutefois, force est de constater qu’il s’applique le plus souvent pendant la procédure de divorce.

- Divorce par consentement mutuel.

Depuis le 1er janvier 2017, le divorce par consentement mutuel est contresigné par acte d’avocats. Il n’y a donc plus d’audience devant le juge aux affaires familiales, sauf exceptions [1]. Dans cette configuration, il n’y a pas de devoir de secours possible. Seul l’octroi d’une prestation compensatoire peut être envisagé.

- Divorce contentieux.

Lors d’un divorce contentieux (divorce par acceptation du principe de la rupture, divorce par altération définitive du lien conjugal ou divorce pour faute), il y a une première audience d’orientation [2].

Lors de cette audience, le juge aux affaires familiales statue sur les mesures provisoires (si un des époux en sollicite), c’est-à-dire, celles qui auront vocation à s’appliquer jusqu’au prononcé du divorce [3]. La question du devoir de secours se pose lors de cette première audience [4].

2 - Les conditions d’obtention du devoir de secours.

Seul l’époux dans le besoin, pour ses dépenses de la vie courante, peut solliciter le versement d’un devoir de secours. Il faut toutefois que les ressources de son conjoint s’y prêtent et soient supérieures à celles de l’époux nécessiteux. L’idée directrice est que l’époux dans le besoin ait un train de vie équivalent à celui qui était le sien avant que la procédure de divorce ne soit initiée.

Précisons que l’époux à l’origine de la demande de divorce peut tout à fait solliciter un devoir de secours.

3 - Le montant du devoir de secours.

Pour calculer le montant du devoir de secours, il n’existe pas de barème préétabli. Le juge aux affaires familiales prend donc en compte plusieurs paramètres pour l’évaluer.

Parmi ces critères, il y a notamment :
- les ressources des époux (salaires, pensions de retraite etc.) ;
- les dépenses des époux (charges, crédits par exemple) ;
- la situation patrimoniale des époux ;
- la situation professionnelle des époux ;
- le niveau de vie des époux.

4 - Les modalités de versement du devoir de secours.

- Le versement d’une somme d’argent.

Le devoir de secours peut prendre la forme d’un versement mensuel d’une somme d’argent à l’époux dans le besoin.

- La jouissance à titre gratuit du domicile conjugal.

La jouissance à titre gratuit du domicile conjugal correspond à la situation où l’époux débiteur du devoir de secours quitte le logement conjugal pour le laisser à l’autre époux, sans obtenir de contrepartie financière.

- Le remboursement des échéances d’un crédit.

Le devoir de secours peut prendre la forme du remboursement des échéances d’un crédit commun par un seul des époux. Cela correspond, par exemple, à la situation où un époux rembourse seul un crédit immobilier contracté au nom des deux époux.

- Le devoir de secours mixte.

Le devoir de secours est mixte lorsqu’il prend la forme d’un paiement d’une somme d’argent mensuel auquel s’ajoute un avantage en nature.

5 - La révision du devoir de secours.

Quel que soit le montant du devoir de secours, il est possible de faire une demande de révision, que ce soit à la hausse ou à la baisse. Pour cela, il faut qu’il y ait un fait nouveau, il peut s’agir d’une évolution des dépenses ou des ressources d’un (ou des deux) époux.

En revanche, l’époux qui cherche à accroître ses dépenses dans le but de faire diminuer son obligation de devoir de secours, peut être débouté de sa demande. En ce sens, la Cour de cassation a jugé, au sujet d’un contrat de bail conclu par un époux avant la demande de diminution du devoir de secours que : « dès lors que le seul élément nouveau résultant du bail, conclu quelques jours après la décision ayant réduit le montant de la pension alimentaire allouée à l’épouse, ne pouvait être retenu en raison de son caractère opportuniste  » [5]. Il faut donc en conclure que l’élément nouveau ne doit pas résulter d’un fait volontaire réalisé dans le seul but de minorer le devoir de secours.

6 - La durée du devoir de secours.

Le devoir de secours prend fin lorsque le divorce est prononcé entre les époux [6]. Il faut que le jugement de divorce soit définitif, autrement dit, qu’il ne soit plus susceptible d’appel.

Si les conditions le permettent, l’époux qui subit une disparité financière en raison de la rupture du mariage peut, pendant la procédure de divorce, solliciter une prestation compensatoire [7]. Le devoir de secours est souvent suivi par l’octroi d’une prestation compensatoire, mais cela n’est pas automatique.

7 - La contestation du devoir de secours.

En cas de désaccord avec le principe du devoir de secours ou de son montant, les deux époux ont la possibilité de faire appel. Le délai pour interjeter appel de l’ordonnance sur mesures provisoires est de 15 jours à compter de la notification de la décision.

8 - Les sanctions en cas de non-versement du devoir de secours.

Si l’époux débiteur du devoir de secours ne s’acquitte pas de son obligation familiale, il peut être poursuivi pour délit d’abandon de famille et encourt une peine de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende [8].

Sarah SALDMANN Avocat au Barreau de Paris [->s.saldmann@saldmann-associes.com] https://sarah-saldmann-avocats.com

[1Le divorce par consentement mutuel contresigné par acte d’avocat est exclu si l’un des deux époux (ou les deux) est placé sous un régime de protection, comme la tutelle. Il l’est également si un enfant mineur du couple demande à être auditionné par le juge.

[2Audience d’orientation et sur mesures provisoires.

[3Article 254 du Code civil.

[4Article 255 du Code civil.

[5Cass. Civ 1, 7 novembre 2018 n°17-27108.

[6Article 270 du Code civil.

[7Article 270 et suivants du Code civil.

[8Article 227-3 du Code pénal.