Village de la Justice www.village-justice.com

Vaccination contre la Covid-19 : qui est responsable en cas de préjudices ? Par Patrick Lingibé, Avocat.
Parution : mercredi 4 août 2021
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/vaccination-contre-covid-qui-est-responsable-cas-prejudices,39873.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

La vaccination contre la Covid-19 suscite beaucoup d’interrogations. Cet article a pour objet d’apporter des réponses à ces interrogations quant aux responsabilités qui posent se poser suite à la vaccination contre la Covid-19.

Que prévoit la loi pour les personnes qui se font vaccinées volontairement contre la Covid-19 ? L’obligation vaccinale qui peut être imposée par la législateur va-t-elle changer quelque chose à ce niveau ? Cet article a été rédigé à la suite de beaucoup de questions que se posent beaucoup de personnes en cas de responsabilité suite à la vaccination contre la Covid-19.

Il faut savoir qu’il y a deux régimes de responsabilité vaccinale prévus par le Code de la santé publique : d’une part, celui appliqué en cas de vaccination non obligatoire (I) et d’autre part, celui qui intervient dans le cas d’une vaccination imposée (II).

I - Le régime de responsabilité de la vaccination non obligatoire de l’article L3131-4 du Code de la santé publique.

Contrairement à certaines idées reçues, les personnes qui recourent volontairement à la vaccination contre la Covid-19 bénéficient, en application de l’article L3131-20 du Code de la santé publique, d’un mécanisme qui garantit la réparation intégrale par un organisme dénommé ONIAM, prévu à l’article L3131-4 du même code, pour des « préjudices imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins », réalisées sur le fondement des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, cela en application des articles L3131-15 à L3131-17 qui ont en effet permis le déploiement de la campagne vaccinale.

Pour rappel, l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales (ONIAM) est un établissement public créé par la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé modifiée [1]. Il a pour mission d’organiser le dispositif d’indemnisation amiable, rapide et gratuit des victimes d’accidents médicaux.

Il est placé sous la tutelle du ministère de la Santé et a pour mission d’organiser le dispositif d’indemnisation amiable, rapide et gratuit des victimes d’accidents médicaux fautifs (en cas de défaillance de l’assurance) et non fautifs, sans passer par une procédure en justice.

Son intervention couvre les dommages résultant des faits suivants :
- Un accident médical ou des dommages imputables à une activité de recherche biomédicale,
- Une affection iatrogène (ou effet secondaire lié à un traitement médical),
- Une infection nosocomiale (ou infection contractée dans un établissement de santé),

Article L3131-20 du Code de la santé publique :

« Les dispositions des articles L3131-3 et L3131-4 sont applicables aux dommages résultant des mesures prises en application des articles L3131-15 à L3131-17.
Les dispositions des articles L3131-9-1, L3131-10 et L3131-10-1 sont applicables en cas de déclaration de l’état d’urgence sanitaire. »

Article L3131-3 du Code de la santé publique :

« Nonobstant les dispositions de l’article L1142-1, les professionnels de santé ne peuvent être tenus pour responsables des dommages résultant de la prescription ou de l’administration d’un médicament en dehors des indications thérapeutiques ou des conditions normales d’utilisation prévues par son autorisation de mise sur le marché ou son autorisation temporaire d’utilisation, ou bien d’un médicament ne faisant l’objet d’aucune de ces autorisations, lorsque leur intervention était rendue nécessaire par l’existence d’une menace sanitaire grave et que la prescription ou l’administration du médicament a été recommandée ou exigée par le ministre chargé de la santé en application des dispositions de l’article L3131-1.

Le fabricant d’un médicament ne peut davantage être tenu pour responsable des dommages résultant de l’utilisation d’un médicament en dehors des indications thérapeutiques ou des conditions normales d’utilisation prévues par son autorisation de mise sur le marché ou son autorisation temporaire d’utilisation, ou bien de celle d’un médicament ne faisant l’objet d’aucune de ces autorisations, lorsque cette utilisation a été recommandée ou exigée par le ministre chargé de la santé en application de l’article L3131-1. Il en va de même pour le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché, de l’autorisation temporaire d’utilisation ou de l’autorisation d’importation du médicament en cause. Les dispositions du présent alinéa ne les exonèrent pas de l’engagement de leur responsabilité dans les conditions de droit commun en raison de la fabrication ou de la mise sur le marché du médicament ».

Article L3131-4 du Code de la santé publique :

« Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées en application de mesures prises conformément aux articles L3131-1 ou L3134-1 est assurée par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales mentionné à l’article L1142-22.

L’offre d’indemnisation adressée par l’office à la victime ou, en cas de décès, à ses ayants droit indique l’évaluation retenue pour chaque chef de préjudice, nonobstant l’absence de consolidation, ainsi que le montant des indemnités qui reviennent à la victime ou à ses ayants droit, déduction faite des prestations énumérées à l’article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, et, plus généralement, des prestations et indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du même chef de préjudice.

L’acceptation de l’offre d’indemnisation de l’office par la victime vaut transaction au sens de l’article 2044 du Code civil.

L’office est subrogé, s’il y a lieu et à due concurrence des sommes qu’il a versées, dans les droits que possède le demandeur contre la personne responsable du dommage ou, le cas échéant, son assureur.

Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’Etat ».

II - Le régime de responsabilité de la vaccination obligatoire de l’article L3111-9 du Code de la santé publique ?

L’article 10 de la loi sur la crise sanitaire adoptée le 25 juillet 2021 a aligné le dispositif de réparation des préjudices imputables à la vaccination obligatoire contre la Covid-19 sur le régime d’indemnisation des dommages liés aux vaccinations obligatoires déjà existantes pour les professionnels de santé, prévu à l’article L3111-9 du même code.

Article L3111-9 du Code de la santé publique :

« Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent titre, est assurée par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales institué à l’article L1142-22, au titre de la solidarité nationale.

L’office diligente une expertise et procède à toute investigation sans que puisse lui être opposé le secret professionnel.

L’offre d’indemnisation adressée à la victime ou, en cas de décès, à ses ayants droit est présentée par le directeur de l’office. Un conseil d’orientation, composé notamment de représentants des associations concernées, est placé auprès du conseil d’administration de l’office.

L’offre indique l’évaluation retenue pour chaque chef de préjudice, nonobstant l’absence de consolidation ainsi que le montant des indemnités qui reviennent à la victime ou à ses ayants droit, déduction faite des prestations énumérées à l’article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, et plus généralement des prestations et indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice.

L’acceptation de l’offre de l’office par la victime vaut transaction au sens de l’article 2044 du Code civil.

Jusqu’à concurrence de l’indemnité qu’il a payée, l’office est, s’il y a lieu, subrogé dans les droits et actions de la victime contre les responsables du dommage.

Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application du présent article ».

Dans ce dispositif, la victime n’est pas tenue de démontrer la gravité particulière des dommages, ni l’existence d’une faute du praticien ou d’un défaut du produit.

La différence de formulation entre l’article L3131-4 du Code de la santé publique, qui fait référence aux « préjudices imputables », et l’article L3111-9 du même code, qui fait référence aux « préjudices directement imputables », n’a aucune incidence sur le champ des préjudices indemnisables par l’ONIAM.

En effet, dans les deux cas l’ONIAM est appelé à se prononcer sur l’existence d’un lien de causalité entre le dommage subi et la vaccination ou les activités de prévention, de diagnostic ou de soins.

Il ressort des éléments fournis par l’ONIAM et produits lors des débats parlementaires éclairs sur la loi sur la crise sanitaire adoptée le 25 juillet 2021, que 21 demandes d’indemnisation amiables ont été transmises à l’Office pour des dommages vaccinaux lié à la Covid-19.

Sur ces 21 dossiers, deux ont fait l’objet d’une décision de rejet, quatre d’une mission d’expertise médicale et les 15 autres sont toujours en instruction.

Un point important à préciser : l’ONIAM n’indemnise en aucun cas les troubles dits transitoires qui se manifestent généralement dans toute vaccination (douleur au point d’injection, survenue de fièvre et de nausées, etc.).

L’ONIAM dispose d’un délai de six mois pour se prononcer sur les demandes d’indemnisation.

Comme on peut le voir dans les deux cas, qu’elle soit volontaire ou obligatoire, les préjudices importants provoqués chez une personne à la suite de l’administration d’un vaccin relèvent in fine de la responsabilité de l’Etat. Il convient de préciser que cette responsabilité est d’ordre légal et impérative et ne peut être mise en échec par des accords de limitation de responsabilité qui auraient pu être signés à ce niveau notamment avec les laboratoires produisant les vaccins.

Pour des informations complémentaires sur la responsabilité vaccinale, vous pouvez vous référer à l’article Quelle responsabilité en matière de vaccination ?

Patrick Lingibé Membre du Conseil National des barreaux Ancien vice-président de la Conférence des bâtonniers de France Avocat associé Cabinet Jurisguyane Spécialiste en droit public Diplômé en droit routier Médiateur Professionnel Membre du réseau interprofessionnel Eurojuris Membre de l’Association des Juristes en Droit des Outre-Mer (AJDOM) www.jurisguyane.com
Comentaires: