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Indemnité transactionnelle : elle est imposable si versée suite à une rupture conventionnelle. Par Frédéric Chhum, Avocat et Sarah Bouschbacher, Juriste.
Parution : vendredi 13 août 2021
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Par un arrêt du 21 juin 2021 (n°438532), le Conseil d’état s’est prononcé sur le caractère imposable de l’indemnité transactionnelle versée au salarié suite à une rupture conventionnelle du contrat de travail.

En effet, le Conseil d’Etat a alors jugé que l’indemnité transactionnelle versée au salarié ultérieurement à la rupture conventionnelle de son contrat de travail, est imposable dès lors que cette dernière est régulière et ne produit pas les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, quand bien même le salarié n’a pas reçu de son employeur un exemplaire de la convention de rupture.

1) Les faits.

Un salarié obtient 738 749 euros bruts dans le cadre d’une Rupture Conventionnelle suivie d’une transaction de 430 873 euros bruts : la transaction est-elle imposable ?

Un salarié engagé en qualité de manager général sportif, a conclu le 28 juin 2012 une rupture conventionnelle de son contrat de travail avec son employeur.

La rupture conventionnelle comportait le versement d’une indemnité égale au montant brut de 738 749 euros.

Trois jours plus tard, le 31 août 2012, les parties ont signé un protocole d’accord transactionnel prévoyant le versement complémentaire d’une indemnité d’un montant brut de 430 873 euros.

Néanmoins, à la suite d’un contrôle sur pièces, l’administration fiscale a estimé que « si l’indemnité versée au titre de la rupture conventionnelle n’était pas imposable (c’est-à-dire les 738 749 euros), il y avait en revanche lieu de rectifier les revenus salariaux déclarés par [le salarié] au titre de l’année 2012 en y intégrant une somme de 400 000 euros correspondant au complément d’indemnité transactionnelle ».

Par un arrêt du 30 janvier 2020, la cour administrative de Nantes a confirmé l’analyse de l’administration fiscale, et a par conséquent dit que la somme relative au versement complémentaire d’une indemnité équivalente à 400 000 euros au titre du protocole d’accord transactionnel, était à cet effet imposable.

Le salarié s’est donc pourvu en cassation, sur le fondement de l’article 80 du code général des impôts qui énumère les différentes indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail imposables et non imposables, et sur le fondement de l’article L1235-3 du Code du travail qui dispose que

« Si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L1234-9 ».

2) Recours devant le Conseil d’Etat.

Le salarié fait grief à l’arrêt de la cour administrative d’appel d’avoir rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti par l’administration fiscale.

Pour soutenir que l’indemnité supplémentaire versée en vertu d’un protocole d’accord transactionnel n’est pas imposable au même titre que l’indemnité perçue au titre de la rupture conventionnelle du contrat de travail, le salarié souligne qu’il ne lui a pas été remis d’exemplaire de la convention de la rupture de son contrat de travail, alors que cette remise est nécessaire « à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention, dans les conditions prévues par l’article L1237-14 du Code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause ».

Par conséquent, du fait de ce défaut de remise, le salarié considère que la convention de rupture est nulle et doit donc produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Et c’est dans cette mesure que le salarié demande que l’indemnité transactionnelle versée ultérieurement à la convention de rupture soit non imposable, car si en principe « cette rupture conventionnelle, exclusive du licenciement et de la démission, fait obstacle à ce que l’indemnité allouée au salarié par une transaction intervenant ultérieurement puisse être regardée comme une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et exonérée d’impôt sur le revenu à ce titre », a contrario, si la rupture conventionnelle est requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors elle ne fait pas obstacle à ce que l’indemnité transactionnelle soit exonérée d’impôt sur le revenu, selon les dispositions des articles L1237-11 à L1237-16 du Code du travail.

En d’autres termes, le salarié défend que sa convention de rupture doit s’analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison du défaut de remise de l’exemplaire afin que, les sommes perçues en exécution de la transaction conclue avec son employeur soient regardées comme des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et donc comme étant non imposables.

3) Le défaut de remise au salarié d’un exemplaire de la convention de rupture est-il de nature à requalifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de façon à ce que les indemnités transactionnelles perçues ultérieurement par le salarié, soient totalement exonérées d’impôt sur le revenu ? Non, répond le Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat répond par la négative, et rejette le pourvoi formé par le salarié.

En effet, le Conseil d’Etat a notamment relevé que le salarié « ne s’était pas plaint, pour justifier sur caractère irrégulier de la rupture de son contrat de travail lors de la conclusion du protocole d’accord transactionnel, de ne pas avoir reçu de son employeur un exemplaire de la convention de rupture et avait produit devant la cour administrative d’appel, un tel exemplaire portant la mention « lu et approuvé » accompagné de sa signature ».

C’est donc en déduisant que le salarié s’était dans les faits, vu remettre un exemplaire de la convention dans des conditions lui permettant d’exercer ses droits, quoique ultérieurement à la conclusion du protocole d’accord transactionnel, que le Conseil d’Etat a jugé que l’indemnité résultant de la conclusion d’un protocole transactionnel différent de la convention de rupture, était alors imposable, conformément à l’article 80 du Code général des impôts.

Car en effet, la convention de rupture n’était pas irrégulière et ne pouvait de ce fait, s’analyser en licenciement sans cause réelle et sérieuse dans le but de considérer que la somme allouée au salarié par un accord transactionnel soit non imposable.

Source :
- https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2021-06-21/438532

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum