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Focus sur la résiliation du bail commercial par le bailleur. Par Arnaud Boix, Avocat.
Parution : mercredi 11 août 2021
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Quelles sont les options du bailleur ? A quelles conditions ? Quels sont les risques ? Quel en est le coût ? A quelles réactions du preneur, le bailleur peut-il s’attendre ? La Covid 19 est-elle encore un frein ? Le droit des procédures collectives reste t-il un bouclier efficace pour le preneur ?
L’objet de cet article est de répondre à ces questionnements.

La résiliation du bail commercial par le bailleur résulte d’un congé signifié par acte d’Huissier (Commissaire de Justice) sans offre de renouvellement, soit à l’échéance d’une période triennale, dans les cas limitativement énumérés par la loi, soit au terme contractuel du bail sous réserve du respect d’un préavis de six mois avant la date effective du congé visée.

En cas de tacite prolongation du bail (le bail se poursuivant après son terme sans que les parties ne fassent rien) , le bailleur donne congé en respectant le même préavis de 6 mois et en visant le dernier jour du trimestre civil suivant celui-ci.
Le bailleur peut également refuser la demande de renouvellement du bail par son preneur en prenant le soin de le faire expressément par écrit, et, à tout moment au cours du bail, de son éventuelle prorogation ou renouvellement, avec l’accord du preneur, aux termes d’un acte de résiliation anticipée, en prenant soin de prévenir, le cas échéant, créanciers inscrits sur le fonds de commerce !....

Rappelons qu’en principe, le bailleur ne peut résilier le bail commercial qu’il a contracté avec son locataire qu’à l’issue de son terme contractuel (9,10,12 ans ou plus…).
Toutefois, il existe des exceptions légales aux termes desquelles le bailleur peut unilatéralement résilier de manière anticipée le bail, notamment à chaque échéance triennale.

Le plus souvent, le bailleur qui résilie unilatéralement le bail, est tenu de verser à son preneur une indemnité d’éviction, sous réserve toutefois que ce dernier réponde aux conditions du renouvellement du bail commercial, qu’il ne puisse pas être déchu de son droit au Statut du bail commercial (analyse à faire au cas par cas) et qu’il n’est pas manqué à ses obligations contractuelles.

I- Par la délivrance d’un congé au preneur au terme du bail.

Au terme du bail, le bailleur, qui entend le résilier, doit donner congé à son preneur impérativement par acte d’huissier (formalise et contenu à respecter impieusement sous peine de priver de tout effet son congé), pour le terme de celui-ci au moins six mois à l’avance.
S’il ne respecte pas la durée du préavis, le congé produira ses effets la fin du trimestre civil suivant le terme initial visé.
S’il se poursuit par tacite prolongation, le bailleur peut donner congé au moins six mois à l’avance et pour le dernier jour du trimestre civil.
Rappelons que le congé doit impérativement être notifié au preneur par acte extrajudiciaire, et obligatoirement préciser, sous peine de nullité, plusieurs mentions dont les motifs du refus.

II- Par le refus de la demande de renouvellement du preneur.

Le bailleur a 3 mois pour répondre à la demande de renouvellement du preneur et lui exprimer son éventuel refus (ou son acceptation du principe du renouvellement mais à d’autres conditions de niveau de loyer notamment !) aux termes d’un acte d’Huissier précisant les motifs du refus (ou les nouvelles conditions proposées ainsi que les modalités de contestation – du refus de renouvellement, de demande d’indemnité d’éviction, de fixation du loyer renouvelé) en justice possibles à engager dans le délai de 2 ans).
A défaut de réponse dans ce délai, le bailleur est supposé avoir accepté tacitement le renouvellement du bail.

L’absence ou l’insuffisance de motifs de refus ne prive pas le bailleur d’invoquer de nouveaux faits apparus ou connus postérieurement à son congé afin de s’opposer au renouvellement du bail.
Bien souvent, la demande d’un loyer revalorisé du bail renouvelé circonstanciée peut produire les mêmes effets qu’un congé, d’où l’extrême importance d’analyse avant toute option du bailleur de l’antériorité de la situation locative !

III- Par la délivrance d’un congé au preneur à l’échéance triennale.

Rappelons qu’à chaque fin période triennale, le bailleur a la faculté, à condition de lui verser une indemnité d’éviction, de donner congé à son preneur :
– en cas de construction ou reconstruction de l’immeuble existant ;
– en cas de surélévation de l’immeuble ;
– en cas de réaffectation du local d’habitation accessoire à cet usage ;
– en cas d’exécution de travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d’une opération de restauration immobilière ;
– en cas de démolition de l’immeuble dans le cadre d’un projet de renouvellement urbain ou d’une opération de restauration immobilière.

IV- En cas de manquement du preneur.

En présence d’une clause résolutoire au bail, après l’envoi d’un commandement par voie d’Huissier lui signifiant d’avoir à cesser ladite infraction dans un délai d’un mois demeuré infructueux, le bailleur saisit le juge des référés qui va constater l’acquisition la clause résolutoire du bail emportant de plein droit la résiliation du bail, en fonction de la gravité de l’infraction (défaut d’assurance, impayé de plus d’un terme de loyer…) , et ordonner l’expulsion du locataire et de tout occupant de son chef.

En cette période sortie de période de protection sanitaire liée à la Covid 19 du preneur d’un bail commercial, les actions dans ce sens peuvent normalement reprendre.

En l’absence de clause spécifique du bail, le bailleur devra saisir le Tribunal Judiciaire au fond lequel appréciera au cas par cas la gravité des faits reprochés et les conséquences sur le droit au bail.

La Covid 19 et les mesures prises en conséquence par les autorités ne sont plus un frein, mais le preneur peut utilement compter sur l’arsenal des mesures de protection existante dans le code de commerce, le code civil, ou le droit des procédures collectives pour se défendre des actions du bailleur….
Encore faut-il en connaître et en remplir les conditions pour en bénéficier...

V- En cas d’accord des parties au bail.

Rappelons qu’à tout moment au cours du bail, bailleur et preneur peuvent s’entendre pour mettre un terme anticipé au bail qui court en prenant soin de formaliser avec précaution tant sur la forme que son contenu leur accord et d’avertir les éventuels créanciers du preneur garantis sur son fond de commerce.
A défaut les parties s’exposent à d’éventuels recours pouvant remettre en cause la résiliation.

VI- Les options du preneur face à la résiliation de son bail par le bailleur.

Rappelons que lorsque le bailleur ne renouvelle pas le bail commercial, il est en principe tenu de verser à son locataire une indemnité d’éviction pour le couvrir de l’ensemble de ses préjudices, laquelle est évaluée le jour du départ effectif du locataire ou à la date de la décision de justice, si celui-ci est toujours dans les lieux.
Cela comprend la valeur de remplacement du fonds s’il disparaît, et, à défaut à la valeur de son transfert s’il peut être simplement déplacé, chaque situation s’appréciant au cas par cas.
Après le paiement de ladite indemnité, le preneur a trois mois pour libérer le local.

Pour bénéficier de l’indemnité d’éviction, le preneur doit réunir les conditions suivantes :
– existence d’un immeuble ou local ;
– immatriculation au RCS ou au répertoire des métiers et artisanat à la date de délivrance du congé ;
– exploitation effective d’un même fonds de commerce au cours des 3 dernières années qui ont précédé la date d’expiration du bail ou de sa prolongation, sauf si le propriétaire du fonds justifie de motifs légitimes de non-exploitation (état de santé ; procédure collective…).

Rappelons que le cessionnaire du droit au bail ne peut pas compléter sa durée d’exploitation par celle de son cédant. Dès lors, il lui est déconseillé d’acquérir un droit au bail qui a pris effet depuis plus de 6 ans puisqu’il ne pourra justifier d’une exploitation de plus 3 ans !
Il doit partir sur un bail neuf…. Et le négocier dans sa cession étant précisé que la jurisprudence ne reconnait pas là qu’il s’agit d’une condition suspensive valable !

Rappelons que les exceptions au versement de l’indemnité d’éviction par le bailleur sont les suivantes :
– le preneur n’a plus la propriété commerciale des lieux ;
– l’immeuble est frappé d’insalubrité par la préfecture et qu’il présente un danger pour ses occupants ou qu’il doit être démoli ; ou
– le preneur a manqué gravement à ses obligations (sous-location non autorisée, loyers impayés…)

Précisons que le preneur dispose d’un délai de prescription de 2 ans pour contester en justice les motifs du renouvellement ou demander une indemnité d’éviction.
Passé ce délai, le preneur ne peut plus contester le congé ni demander une indemnité d’éviction. Il n’est juridiquement plus considéré comme preneur et peut être expulsé.
Précisions qu’en cas d’impayés le preneur peut user du droit des procédures collectives pour se protéger des actions du bailleur visant à la résiliation du bail.

Notons enfin que le bon vouloir du bailleur peut lui permettre de revenir sur la résiliation du bail qu’il a engagée notamment par le biais de l’exercice de son droit de repentir.

La matière est complexe et les conditions d’action et de réaction des parties au bail devront s’apprécier à l’aune des éléments de contexte au carrefour de plusieurs domaines du droit applicable à la résiliation du bail commercial qui demeure avant même son statut particulier un contrat soumis non seulement au droit commun mais également à celui des procédures collectives.

Parions que les preneurs y recourront de plus en plus dans les mois à venir… les dispositifs dérogatoires au droit commun et au bail commercial du droit des procédures collectives sont de véritables atouts aux mains du preneur...

Arnaud Boix, Avocat Cabinet Eloquence Avocats Associés www.eloquence-avocats.com