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[Tunisie] La fraude à la loi en droit international privé. Par Marwa khammassi, Etudiante.
Parution : mercredi 25 août 2021
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Une réflexion sur le droit international exige d’examiner les deux catégories de ce dernier. D’une part, il s’agit de droit international public, dont l’objet est de régler les rapports existant entre Etats ou organisations internationales. D’autre part le droit international privé, qui est considéré comme un droit spécial, applicable aux personnes privées, et qui gouverne les relations internationales.

En effet, les relations qu’appréhende ce dernier ont pour spécificité de comporter un élément d’extranéité. C’est-à-dire un élément par lequel elle est en contact avec plusieurs ordres juridiques étranger.

D’ailleurs le législateur tunisien dans l’article 2 du code DIP a défini le rapport comme international lorsqu’il est : « le rapport de droit rattaché au moins par l’un de ses éléments déterminants, à un ou plusieurs ordres, autres que l’ordre juridique Tunisien ».

Véritablement, la variété d’élément d’extranéité dans une même situation conduite à poser deux problèmes qui sont les deux grands blocs de droit international privé : la compétence des tribunaux d’une part, et la loi applicable d’autre part ce nous intéresse dans notre recherche.

A l’égard de la diversité des lois dans un relation juridique international, il peut arriver qu’une situation litigieuse soit soumise à plusieurs règles juridiques. Dans ce cas, bien évidement la question se pose : quelle est la loi applicable ?

En réalité, cette situation qui se présente le plus souvent se résout par l’application de la méthode conflictuelle. En fait pour distinguer la concurrence entre les différentes lois on utilise en droit international privé le terme de « conflit de lois » qui est la partie du droit international privé.

On estime que dans un litige à caractère international, il faut désigner une loi étrangère compatible avec la situation.

Dans le même ordre chronologique faut-il cependant garder présent à l’esprit que l’application de la loi étrangère par le juge du for peut être inacceptable pour deux raisons : soit parce ce que la loi étrangère désignée par la règle de conflit touche les principes fondamentaux du droit national, donc contraire à l’ordre public, soit parce qu’il y a eu fraude dans l’élément de rattachement. Dans ce sens, la loi étrangère dans les deux cas, doit être évincée. Bien que l’exception de la fraude parait différer de l’exception d’ordre public.

Notre recherche s’intéresse à la deuxième raison.

On admet, en effet, que lorsque les éléments d’extranéité sont apparus dans un litige, le juge est tenu d’appliquer d’office la règle à travers un critère de rattachement qui va permettre de designer la loi applicable.

Ceci étant, le critère de rattachement peut changer « changement de domicile, situation, nationalité », ce changement est une hypothèse qu’il convient de définir.

Les individus peuvent inspirer des moyens d’écartement des lois. Certains sont licites, d’autre ne le sont pas. La première hypothèse est celle du conflit mobile, la seconde celle de la fraude à la loi.

Dans le cadre de notre étude, c’est le changement illicite qui nous intéresse.

« Ce qui est certain c’est qu’il a existé, de tout temps, un comportement anti-juridique, bien caractérisé, consistant à ruser avec la loi, au lieu de la violer ouvertement, et c’est ce comportement que la théorie de la fraude à la loi a voulu atteindre ».

Le droit n’est pas une mécanique aveugle. Il se contrôle lui-même. En ce sens, lorsqu’un rapport juridique a été artificiellement modifié dans l’intention d’écarter la loi normalement applicable, la théorie de la fraude à la loi comme instrument correctif est susceptible d’être mise en œuvre pour sanctionner la manœuvre frauduleuse. C’est pour cette raison que l’on considère comme moyen de « défense exceptionnelle » visant à assurer la justice dans les rapports individuels et collectifs.

« C’est dans les rapports internationaux que la fraude est plus à craindre en raison du phénomène de la frontière ».

En effet, le problème de la fraude à la loi s’est toujours posé et restera toujours d’actualité. Les juges frappent l’inefficacité des actes frauduleux par l’application de l’adage fraus omnia corrumpit. Ce principe trouve son application en DIP. Il vient de sanctionner le détournement de la règle de conflit.

La définition de la fraude à la loi est une définition évasive, difficile à cerner. C’est pour cette raison qu’on trouve une difficulté de fixer une définition substantielle de la fraude à la loi. En fait, la définition de la fraude à la loi engendre une doctrine divisée. Aller plus loin, l’existence même de cette notion se diffère d’un auteur à autre. En réalité, la théorie de la fraude à la loi a été consacrée dans pays diffèrent, chaque pays a sa propre définition.

En effet, on peut estimer que le mécanisme de la fraude à la loi est au cœur des conflits de lois en matière de droit international privé. Elle se manifeste lorsque les législateurs mettent en œuvre des règles qui visent généralement à protéger l’intérêt général et qui peuvent aller quelquefois à l’encontre des intérêts des individus. Du coup, l’individu est naturellement porté à méconnaitre l’intérêt collectif pour chercher la satisfaction de son propre intérêt. Par conséquence, il cherche à éviter l’application de ces règles en utilisant des moyens licites, pour atteindre des objectifs contraires à la loi.

En droit international privé tunisien, la seule définition possible parait être la définition de l’article 30 du chapitre premier intitulé « dispositions générales : les conflits de loi » du cinquième intitulé « la loi applicable » du Code, qui prévoit que « La fraude à la loi est constituée par le changement artificiel de l’un des éléments de rattachement relatifs à la situation juridique réelle dans l’intention d’éluder l’application du droit tunisien ou étranger désigné par la règle de conflit applicable. Lorsque les conditions de la fraude à la loi sont réunies, il ne sera pas tenu compte du changement de l’élément de rattachement ».

Lire cet article d’une manière approfondi nous permettra de comprendre à première vue que malgré la difficulté qu’elle engendre la notion de la fraude à la loi, le législateur a réussi de donner une définition claire de la fraude à la loi. Toutefois, cette clarté ne peut pas cacher une vérité que l’article 30 est laconique. En fait, le législateur ne s’étend pas vers les autres genres de fraudes qui peuvent être opposées à la fraude à la loi tel que le forum shopping.

En droit comparé, notamment dans le droit français, la théorie de la fraude à la loi avait déjà été adoptée par la Chambre Civile de la Cour de cassation dans son fameux arrêt « Princesse Bauffremont » du 18 mars 1878. A défaut de prouver la fraude à la loi, la Cour déclare que « il y a fraude à la loi en droit international privé lorsque les parties ont volontairement modifié le rapport de droit dans le seul but de le soustraire à la loi normalement compétente ». La jurisprudence a fait preuve d’une maitrise de la notion de la fraude à la loi, la chose qui les amené à forger l’exception de la fraude à la loi comme moyen de sanction de la fraude à la loi.

La fraude à la loi est un domaine où la recherche présente un intérêt particulier. En fait, l’ambiguïté de la notion explique la complexité des problèmes qu’elle soulève.

Théoriquement, le problème de la fraude réside principalement de cerner une définition substantielle de la fraude à la loi. La mission parait difficile. Certains auteurs tel que Bartin, ont considéré la fraude comme manifestation particulière de l’ordre public. En revanche, d’autre auteurs tel que Maury, les ont étudiés côte à côte, provoquant un rapprochement certain des deux notions. Réellement, même si ce résultat est le même, les deux notions restent différentes. Aujourd’hui malgré l’affirmation de l’existence de la fraude à la loi en droit positif, rien n’est acquis. La doctrine se partage en deux grands courants hostiles à l’existence même de la notion.

C’est vrai que la notion de la fraude à la loi dans la théorie présente une controverse, cela n’empêche que sa pratique fût une source de consolidations des opinions. Dans la pratique, l’application de la théorie de la fraude à la loi a eu une grande importance. En effet, la fraude à la loi puise son intérêt pratique dans le domaine des mariages faits en fraude à la loi. Ces cas de fraude se posent encore surtout avec l’existence de système qui tolère les unions polygamiques.

En fait, l’ambiguïté de la notion conduit à poser la question de distinction de la fraude à la loi par rapport aux autres notions, qui ont pour objet de résoudre la question de conflits de lois.

De ce fait, l’autonomie de la fraude à la loi sera le centre d’intérêt de notre recherche. Bien évidemment, la question de l’autonomie nous amène à poser la problématique suivante : quelles sont les spécificités de la fraude à la loi en droit international privé ?

La spécificité de la fraude à la loi réside en premier dans sa mise en œuvre. En droit international privé, précisément en matière de conflit de loi, la fraude se fait chaque fois que ces deux éléments constitutifs se trouvent réunis. Le défaut de l’un d’élément n’est pas toujours toléré. L’alinéa premier de l’article 30 du Code DIP précise d’une manière claire les différents éléments constitutifs de la fraude à la loi. Il dispose qu’elle est :

« constituée par le changement artificiel de l’un des éléments de rattachement relatifs à la situation juridique réelle dans l’intention d’éluder l’application du droit tunisien ou étranger désigné par la règle de conflit applicable ».

De ce fait, la fraude consiste en un acte accompli par les intéressés dans l’intention d’échapper à l’application d’une règle juridique qui est normalement applicable, étant donné qu’elle gêne leurs intérêts.

En premier lieu, l’élément objectif de la fraude à la loi peut également être qualifié d’élément matériel qui consiste à la manipulation de l’élément de rattachement en utilisant un moyen illicite en apparence licite dans le but d’écarter une loi normalement compétente. Elle peut porter sur des éléments comme la nationalité, le domicile…

En second lieu, l’élément subjectif ou intentionnel. Si la spécificité de la fraude à la loi est souligné dans l’élément objectif, néanmoins cette spécification remonte aussi dans l’élément subjectif. En fait, l’intention est l’élément caractéristique de la fraude par rapport aux autres notions proches « conflit mobile ».

A vrai dire, toute personne qui change de nationalité ou déplace un meuble d’un pays à autre ne commet pas automatiquement une fraude. Dans ce sens, la mise en œuvre de la théorie de la fraude à la loi, mis à part l’élément objectif, exige l’existence de l’élément subjectif, intentionnel ou encore moral, c’est le deuxième élément caractéristique de la fraude. Sous cet angle, le législateur tunisien affirme que la fraude à la loi se manifeste par « l’intention d’éluder l’application du droit tunisien ou étranger désigné par la règle de conflit applicable ». Ce caractère intentionnel explique les objections qu’a soulevé cette notion. En fait, cet élément a attiré l’attention de certains auteurs. Son efficacité dans le cadre de la fraude à la loi ouvre la porte à plusieurs débats doctrinaux.

En effet, pour que l’exception de fraude puisse être retenue, il ne suffit pas qu’il y ait eu des manœuvres, mais encore l’intention d’éluder une loi normalement compétente. En effet, derrière toute fraude existe une intention d’évincer une loi.

Par opposition au premier élément, cet élément pose problème à double sens : un problème de nature théorique, relatif à sa définition, et un autre d’aspect pratique portant sur à sa preuve.

En définitive, la fraude à la loi se caractérise par l’utilisation artificielle d’une règle de conflit de loi pour échapper à une disposition nationale défavorable. Une fois ses différents éléments présents, le juge doit sanctionner la fraude.

La fraude à la loi, au sens strict, qualifie un comportement par lequel un ou plusieurs sujets de droit, dans l’intention d’éluder l’application des dispositions d’une loi à caractère impératif, recourent à un moyen juridique efficace licite, mais artificieux, dans le seul but d’échapper à la loi normalement applicable. L’existence de cette notion permet de poser le problème de la sanction de la fraude à la loi. Cette sanction est présentée comme « une manifestation de la valeur juridique de la règle morale ».

En réalité, depuis longtemps l’individu a découvert que son intérêt et celui de la société ne sont pas les mêmes. C’est pour cette raison que la fraude à la loi était la solution favorable pour le fraudeur. Mais une fois découverte, la fraude sera punie.

Etant donné que « une loi n’est efficace que dans la mesure où elle est strictement appliquée ».

La détermination d’une sanction de la fraude à la loi n’était pas facile. En fait, au milieu des différents sanctions civiles, la doctrine, la jurisprudence et la législation ont essayé de trouver une sanction générale de la fraude à la loi. L’alinéa deuxième de l’article 30 du code DIP prévoit comme sanction principale de la fraude « ne pas tenir compte du changement de l’élément de rattachement ». Mais cette sanction n’est pas la seule réaction contre la fraude à la loi.

En fait, la spécificité de la fraude s’avère en deuxième vue au niveau de la sanction.

Le problème de la sanction ramène à apprécier ce qu’est le système de lutte contre la fraude à la loi qui présente le maximum d’efficacité pour un minimum de risques. La détermination d’une sanction de la fraude à la loi n’était pas facile. La théorie de la fraude à la loi propose l’inopposabilité comme solution qui permette d’anéantir le résultat recherché par le fraudeur et de rétablir à la loi normalement compétente sans champs d’application.

On appelle cette conséquence la substitution.

Marwa khammassi, Etudiante Master de recherche en droit privé P.HD Student [->marwa.kh1919@gmail.com]