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Pièces automobiles détachées : la fin du monopole des constructeurs. Par Ingrid Zafrani, Avocat.
Parution : mercredi 1er septembre 2021
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Quand les pièces détachées automobiles se détachent du droit… c’est la fin du monopole des constructeurs pour 2023 !

Le 24 août 2021, était promulguée la Loi Climat et Résilience 2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et qui permet enfin l’ouverture à la concurrence des pièces détachées automobiles.

Pour rappel, les pièces détachées visibles automobiles (ailes, capots, pare-chocs, pare-brise, feux, rétroviseurs etc ..) sont protégées, en France, au titre du droit des dessins et modèles et du droit d’auteur. Aussi, seul le constructeur automobile peut fournir ces pièces aux différents réparateurs, lui octroyant ainsi un monopole légal sur les ventes de pièces puisque ces réparateurs sont contraints de s’approvisionner auprès des distributeurs du réseau constructeur.

Dès 2012, l’Autorité de la Concurrence préconisait l’ouverture progressive et maitrisée du marché des pièces de rechange visibles destinées à la réparation. Cette orientation, appelée « clause de réparation » ayant déjà été adoptée en droit par de nombreux pays de l’Union Européenne.

La Fédération de la Distribution Automobile (FEDA) a œuvré également, dès 2017, auprès du gouvernement et des parlementaires pour obtenir l’ouverture à la concurrence des pièces détachées visibles, dites « captives ».

En 2019, le Premier Ministre, Edouard Philippe, s’engageait à mener à bien cette réforme, son intérêt étant de conduire à une baisse des prix de ces pièces au bénéfice du consommateur tout en maintenant le dynamisme de la filière automobile.

La libération des pièces détachées a été insérée une première fois dans la Loi d’Orientation des Mobilités en 2019, puis dans la Loi ASAP de 2020, mais censurée à deux reprises par le Conseil Constitutionnel.

C’est ce même dispositif, repris dans le projet de loi Climat et Résilience dans un amendement Sénatorial que le Conseil Constitutionnel vient de valider, le 13 aout 2021.

Ainsi, la Loi Climat et Résilience procède à une modification du droit des dessins et modèles et du droit d’auteur.

En effet, à compter du 1er janvier 2023, la vente de pièces détachées automobiles visibles sera partiellement ouverte à la concurrence.

Ainsi, l’ensemble des équipementiers, qu’ils soient de « première monte » (ayant fabriqué le vitrage pour les véhicules neufs) ou indépendants, pourront commercialiser les pièces de vitrage.

Pour toutes les autres pièces détachées visibles (rétroviseurs, optique, carrosserie), les équipementiers pourront produire et commercialiser ces pièces à l’issue d’une période de 10 ans à compter de l’enregistrement du dessin ou du modèle de la pièce, contre 25 ans jusqu’à lors !

Le monopole quasi-total des constructeurs prendra donc fin le 1er janvier 2023.

Mais concrètement, que deviennent les dessins et modèles déjà déposés ? Cette loi aura-t-elle un effet rétroactif ?
Il n’est pas prévu d’effet rétroactif de la Loi sur la durée des modèles enregistrés. La durée de protection de 10 ans ne concerne donc que les modèles déposés à compter du 1er janvier 2023.
Dès janvier 2023, la durée de protection des modèles déposés à compter du 1er janvier 2023, sera de 10 ans pour toutes les pièces détachées à des fins de réparation.

L’équipementier qui a fabriqué la pièce de « première monte » pourra concurrencer le constructeur pour vendre des pièces de rechange. Les autres équipementiers devront donc attendre que les dessins et modèles portant sur les pièces de rechange (autre que vitrage) aient plus de 10 ans et tombent dans le domaine public, pour pouvoir les reproduire et les vendre sans risque de contrefaçon.

Une harmonisation Européenne se dessine à présent en vue d’une libéralisation totale de l’ensemble du marché des pièces détachées, comme cela existe déjà, en droit, dans une grande partie des États membres, et dans les faits aux États-Unis.

Ingrid ZAFRANI Avocat à la Cour