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Comment suis-je indemnisé en cas d’arrêt pour accident du travail ? Par Guilain Lobut, Avocat.
Parution : jeudi 2 septembre 2021
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Pour de nombreux salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison d’un arrêt pour accident du travail, il n’est pas toujours évident de savoir à quelle indemnisation prétendre, entre versement d’indemnités journalières par la sécurité sociale et complément de salaire par l’employeur. Cet article revient sur l’articulation des différents mécanismes d’indemnisation et sur les droits et devoirs du salarié pendant l’arrêt pour accident du travail.

Définition de l’accident du travail.

Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.

Déclaration d’accident du travail établie par l’employeur.

Vous devez déclarer l’accident de travail à votre employeur dans un délai de 24 heures à compter de sa survenance. Votre employeur doit ensuite déclarer l’accident à votre caisse d’assurance maladie dans les 48 heures à compter du jour où il en a été informé (dimanches et jours fériés non compris). Toutefois, si vous constatez que votre employeur n’a pas accompli cette démarche, vous pouvez déclarer vous-même l’accident dans un délai de 2 ans.

Transmission de votre arrêt de travail dans les 48 heures.

En cas d’arrêt de travail prescrit par votre médecin traitant, vous devez adresser sans délai et au maximum dans les 48 heures (votre convention collective ou votre contrat de travail peuvent toutefois prévoir un délai différent) :
- Les volets 1 et 2 de votre arrêt de travail à votre caisse d’assurance maladie, uniquement dans le cas où votre médecin n’a pas télétransmis l’arrêt de travail à la sécurité sociale ;
- Le volet 3 est à conserver et à présenter lors de chaque consultation médicale ultérieure ;
- Le volet 4 à votre employeur, par courrier recommandé et/ou par email, afin de conserver la preuve de l’envoi.

Avant d’accomplir ces démarches, pensez à conserver une copie de votre arrêt de travail.

En pratique, il est conseillé d’avertir votre employeur le plus tôt possible, afin de perturber le moins possible l’activité de l’entreprise.

Feuille d’accident du travail remise par l’employeur ou la caisse d’assurance maladie.

L’employeur ou la caisse d’assurance maladie doit vous remettre une feuille d’accident du travail qui vous permet de bénéficier de la prise en charge de vos soins à 100%, sans avoir à avancer de frais. Cette feuille d’accident du travail est valable pendant toute la durée du traitement et doit être présentée à chaque professionnel de santé consulté.

Attestation de salaire remise par l’employeur.

Lorsque l’employeur est avisé de votre arrêt de travail, il doit sans délai vous transmettre une attestation de salaire. Ce document indique notamment votre salaire du dernier mois précédant l’arrêt de travail.

Dès que vous recevez cette attestation de salaire, vous devez la transmettre à votre caisse d’assurance maladie qui vous versera alors, tous les 14 jours, des indemnités journalières de sécurité sociale.

Indemnités journalières versées par la sécurité sociale.

En cas d’arrêt de travail, la caisse d’assurance maladie vous verse des indemnités journalières de sécurité sociale.

Tant que la caisse d’assurance maladie n’a pas reconnu le caractère professionnel de l’accident, elle verse des indemnités journalières au titre d’un arrêt de travail pour maladie simple. Le montant de ces indemnités journalières est moins élevé (cf. article « Comment suis-je indemnisé en cas d’arrêt de travail pour maladie ? »). Au moment de la reconnaissance de l’accident du travail, la caisse d’assurance maladie effectuera une régularisation du montant des indemnités journalières dues.

Ces indemnités sont versées pendant toute la période d’arrêt de travail jusqu’à la guérison ou la consolidation (état stabilisé).

Il n’y a pas de délai de carence en cas d’arrêt pour accident du travail ou pour maladie professionnelle : vos indemnités journalières sont dues dès le premier jour d’arrêt de travail.

Leur montant dépend de votre salaire journalier de référence, calculé en divisant le montant de votre salaire brut perçu le mois précédant le début de l’arrêt maladie par 30,42 jours. Ce salaire journalier de référence ne peut pas dépasser 343,07 €.

Le montant de l’indemnité journalière est égal à :
- 60 % de votre salaire journalier de référence du 1er au 28ème jour d’arrêt de travail ;
- 80 % de votre salaire journalier de référence à compter du 29ème jour d’arrêt de travail.

L’indemnité journalière est enfin plafonnée au montant du gain journalier net, qui est égal au salaire journalier de référence diminuée de 21% de son montant.

Exemple : calcul de l’indemnité journalière avant et après le 29ème jour d’arrêt avec un salaire brut de 1 800 €

Salaire journalier de référence = 1 800 € / 30,42 jours = 59,17 €
Gain journalier net = 59,17 € - (21% x 59,17 €) = 46,75 €
Indemnité journalière brute jusqu’au 28ème jour = 59,17 € x 60% = 35,50 €
Indemnité journalière brute à compter du 29ème jour = 59,17 € x 80% = 47,34 €
Le montant de l’indemnité journalière brute dans le second cas est plafonné à 46,75 € car il est supérieur au gain journalier net.

Pour obtenir le montant de l’indemnité journalière nette versée, il faut enfin déduire certaines contributions sociales : la CSG (6,2%) et la CRDS (0,50%).

Indemnités complémentaires versées par l’employeur.

En cas d’arrêt pour accident du travail, le Code du travail prévoit, pour tout salarié ayant un an d’ancienneté et dès le premier jour d’absence, un maintien de salaire égal à 90% de la rémunération mensuelle brute pendant les 30 premiers jours et de 66,66 % pendant les 30 jours suivants [1].

Chacune de ces périodes est augmentée de 10 jours par tranche de 5 ans d’ancienneté acquise, sans que chacune d’elles ne puisse dépasser 90 jours (exemple : entre 6 et 10 ans d’ancienneté, chacune des deux périodes d’indemnisation est égale à 40 jours).

Cette indemnisation est valable pour une période de 12 mois glissants.

Votre convention collective ou un accord d’entreprise peuvent toutefois prévoir une indemnisation plus avantageuse, notamment un maintien de salaire à 100%.

Le montant que vous verse concrètement l’employeur dépend de l’application ou non de ce qu’on appelle « la subrogation de l’employeur » dans les droits du salarié :
- En l’absence de subrogation, vous percevez directement les indemnités de la sécurité sociale et votre employeur vous verse des indemnités complémentaires, déduction faite du montant des indemnités versées par la sécurité sociale.
- En cas de subrogation, vous ne percevez pas les indemnités de la sécurité sociale qui sont versées à votre employeur. Celui-ci vous verse alors votre maintien de salaire « intégral », sans déduction du montant des indemnités versées par la sécurité sociale.

Sorties et déplacements éloignés du domicile pendant l’arrêt de travail.

Votre médecin traitant peut autoriser ou non des sorties en dehors du domicile. En cas de sorties autorisées, votre arrêt de travail peut mentionner une restriction des horaires de sortie. Dans ce dernier cas, vous devez être présent à votre domicile de 9h à 11h et de 14h à 16h, sauf en cas de soins ou d’examens médicaux [2].

Il est possible de quitter votre département ou de séjourner à l’étranger pendant votre arrêt de travail à condition que votre médecin traitant vous le permette et que vous en demandiez l’autorisation à votre caisse d’assurance maladie au moins 15 jours avant la date de départ envisagée. En cas d’acceptation, vous devrez communiquer à la caisse d’assurance maladie l’adresse de votre lieu de séjour.

Contrôle médical.

Pendant la durée de votre arrêt de travail, votre employeur peut mandater un médecin contrôleur pour procéder à une contre-visite médicale. De même, le médecin conseil de votre caisse d’assurance maladie peut effectuer un contrôle médical à votre domicile.

Si ces médecins estiment que votre arrêt de travail n’est pas justifié ou si vous ne vous rendez pas disponible pour cette visite de contrôle, les indemnités journalières de la sécurité sociale et les indemnités complémentaires de l’employeur peuvent être suspendues.

Exercice d’une autre activité pendant l’arrêt de travail : attention à l’obligation de loyauté.

Pendant l’arrêt de travail, le salarié reste tenu à une obligation de loyauté envers son employeur. Toutefois, l’exercice d’une autre activité professionnelle pendant cette période ne constitue pas, en lui-même, un manquement à cette obligation de loyauté [3].

Deux situations doivent être distinguées :
- Si vous exercez une activité concurrente, le préjudice est nécessairement causé à l’égard de votre employeur [4] ;
- Si vous n’exercez pas une activité concurrente, votre employeur doit alors rapporter la preuve d’un préjudice [5]. La Cour de cassation a très récemment précisé que ce préjudice ne peut résulter du seul versement par l’employeur d’indemnités complémentaires durant l’arrêt de travail [6].

Quoi qu’il en soit, dans le cas où vous souhaiteriez exercer une autre activité pendant votre arrêt de travail, il est nécessaire, afin d’éviter tout risque de licenciement, de bien vérifier et respecter les obligations issues des différentes clauses de votre contrat de travail (non-concurrence, exclusivité, obligation de loyauté) et de vous demander si l’exercice de cette activité pourrait nuire d’une manière ou d’une autre à l’activité de votre employeur.

Guilain Lobut Avocat au barreau de Paris Email: [->gl@lobut-avocat.com] Site: guilainlobutavocat.fr

[1Art. L. 1226-1 et D. 1226-1 et suivants du Code du travail.

[2Art. R. 323-11-1 du Code de la sécurité sociale.

[3Cass. Soc. 4 juin 2002, n° 00-40.894.

[4Cass. Soc. 28 janvier 2015, 13-18.354.

[5Cass. Soc. 12 octobre 2011, n° 10-16.649.

[6Cass. Soc. 26 février 2020, n° 18-10.017.