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Passe sanitaire et droits des salariés. Par Sarah Garcia et Dominique Riera, Avocats.
Parution : vendredi 3 septembre 2021
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Le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire a été adopté définitivement par le Parlement le 25 juillet 2021. Le texte a été publié au Journal officiel du 6 août et un décret d’application du 7 août 2021 est également paru au Journal officiel du 8 août.

La loi proroge jusqu’au 15 novembre 2021 le régime transitoire de gestion de la sortie de crise sanitaire, prévu par l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 et elle instaure la vaccination obligatoire contre la Covid-19 des personnes exerçant leur activité auprès de publics fragiles et l’extension du pass sanitaire à de nouveaux lieux et évènements et aux salariés qui y travaillent. Il s’agit de faire le point sur les droits et obligations des salariés.

I- Les modalités d’application du pass sanitaire.

A- En quoi consiste le pass sanitaire.

Le pass sanitaire (ou passe sanitaire) consiste en la présentation numérique (via l’application TousAntiCovid) ou papier avec un QR code à scanner, d’une preuve sanitaire, parmi les 3 suivantes :
- Soit le résultat d’un examen de dépistage d’au moins 72 heures,
- Soit un justificatif d’un statut vaccinal concernant la Covid,
- Soit un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la Covid-19, valide 6 mois délivré sur la présentation d’un document mentionnant un résultat positif à un examen de dépistage RT-PCR ou à un test antigénique réalisé plus de 11 jours et moins de 6 mois auparavant.

B- Quels sont les salariés concernés ?

La liste des personnes qui doivent détenir un simple pass sanitaire est visée à l’article 1er de la loi du 5 aout 2021.

Ainsi, à compter du 30 août 2021 et jusqu’au 15 novembre 2021, les salariés, bénévoles, prestataires, intérimaires, sous-traitants qui interviennent dans les établissements où il est demandé aux usagers sont concernés par l’obligation de présentation du pass sanitaire, sauf lorsque leur activité se déroule :
- dans des espaces non accessibles au public (exemple : bureaux)
- en dehors des horaires d’ouverture au public.

Les personnels effectuant des livraisons ne sont pas soumis à l’obligation du pass sanitaire ainsi que ceux effectuant des interventions d’urgence.

Par des interventions urgentes sont visées des interventions pour effectuer des missions ou des travaux dont l’exécution immédiate est nécessaire pour le bon fonctionnement de l’établissement concerné (travaux pour réparer des accidents ou dommages survenus au matériel, installations ou bâtiments ou bien pour organiser des mesures de sauvetage par exemple).

Des cas particuliers se présentent :

Salariés de moins de 18 ans.

L’obligation de présentation du pass sanitaire est applicable aux mineurs de plus de 12 ans à compter du 30 septembre 2021.

Dès lors, les salariés de moins de 18 ans ne seront pas tenus de présenter un pass sanitaire avant cette date.

A partir de cette date, ils devront présenter un pass sanitaire dans les mêmes conditions que les salariés majeurs.

Personnels des restaurants.

Le pass sanitaire est une obligation pour les salariés des bars, cafés et restaurants, à l’exception des cantines, restaurants d’entreprise relais routiers, ainsi que lors des services en chambres et des petits- déjeuners dans les hôtels.

Le pass sanitaire ne peut être exigé des salariés qui exercent dans le cadre de la vente à emporter de plats préparés.

C’est en revanche une obligation pour les salariés des restaurants disposant uniquement d’une terrasse.

Restaurants collectifs.

La restauration collective est exclue du champ d’application du pass sanitaire, qu’il s’agisse des salariés qui y exercent ou des professionnels qui s’y rendent pour déjeuner.

Salariés du transport.

Les déplacements longue distance, pour lesquels la détention d’un pass sanitaire est requise, sont ceux nécessitant le recours aux transports publics interrégionaux et ceux effectués à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou des collectivités ultramarines, effectué en TVG ou en Intercités, avion ou car.

C- Les secteurs soumis au pass sanitaire.

Il s’agit notamment des lieux de loisirs ( salles d’auditions, de conférences, de projection, de réunions ; salles de concert et de spectacle ; cinémas ; musées et salles d’exposition temporaire ; festivals ; événements sportifs (manifestations sportives amateurs en plein air) établissements sportifs clos et couverts…), des lieux de convivialité (discothèques, clubs et bars dansants bars, cafés et restaurants, à l’exception des cantines, restaurants d’entreprise, ventes à emporter et relais routiers, ainsi que lors des services en chambres et des petits déjeuners dans les hôtels..), des lieux de santé (Hôpitaux pour les personnes se rendant à des soins programmés, sauf décision contraire du chef de service ou de l’autorité compétente quand l’application du pass peut nuire à l’accès aux soins ; les établissements de santé pour les personnes rendant visite à des personnes malades et établissements médico-sociaux pour les personnes rendant visite aux adultes résidents, sauf urgences et accès pour un dépistage de la Covid-19), des transports publics longue distance (Transports de longue distance, à savoir les trains à réservation (par exemple, TGV), les vols nationaux ou encore les cars interrégionaux).

Grands contres commerciaux supérieurs à 20 000 m2 : Selon une liste définie par le préfet de département, là où la circulation du virus est très active.

II- Du contrôle a la suspension du contrat de travail.

A- Contrôle du pass sanitaire par l’employeur.

A partir du 30 août 2021, le pass sanitaire sera obligatoire pour les personnes travaillant dans les lieux soumis à cette obligation.

Les employeurs devront donc demander à leurs salariés de leur présenter leur pass sanitaire valide.

L’employeur qui ne contrôle pas le pass sanitaire, risque une mise en demeure de mettre en place des mesures de contrôle dans les 24 heures.

S’il ne le fait pas, une fermeture administrative de 7 jours maximum peut-être prononcée.

Si l’employeur manque à ses obligations de contrôle plus de 3 fois, dans un délai de 45 jours, il risque 1 an de prison et 9 000 euros d’amende.

1- Suspension du contrat de travail en cas d’absence de pass sanitaire.

En cas de non-présentation du pass sanitaire (refus de présentation ou pass sanitaire non valide), l’employeur doit notifier au salarié, par tout moyen le jour même, la suspension de son contrat ou de ses fonctions.

Ainsi, le salarié qui ne présente pas le pass vaccinal obligatoire à son employeur, ne pourra plus exercer son activité tant qu’il ne fournira pas les justificatifs.

Le fait de ne pas respecter l’interdiction d’exercer son activité (donc le fait d’aller travailler sans fournir les justificatifs demandés), est puni de l’amende prévue pour les contraventions de 4èmeclasse soit 135 euros.

La suspension du contrat de travail ou des fonctions entraîne également la suspension de la rémunération. Le salarié ne sera donc pas payé et ne pourra pas travailler en attendant la régularisation de sa situation.

Si l’employeur est d’accord, le salarié peut utiliser ses jours de congés payés ou ses jours de repos (RTT...) pour éviter la suspension de son contrat et l’absence de rémunération.

2- Autorisation d’absence pour se rendre à un rdv lié à la vaccination.

L’article 17 instaure une autorisation d’absence sans perte de congés ni de rémunération pour un salarié se rendant à un rendez-vous lié à sa vaccination.

Ainsi, les salariés et les stagiaires bénéficient d’une autorisation d’absence pour se rendre aux rendez-vous médicaux liés aux vaccinations contre la covid-19.

Une autorisation d’absence peut également être accordée au salarié ou au stagiaire qui accompagne le mineur ou le majeur protégé dont il a la charge aux rendez-vous médicaux liés aux vaccinations contre la covid-19.

Ces absences n’entraînent aucune diminution de la rémunération et sont assimilées à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par les intéressés au titre de leur ancienneté.

3- Entretien avec le salarié si la suspension dure plus de 3 jours.

Si la suspension dure plus de 3 jours, normalement travaillés, (donc si le salarié ne présente pas le pass sanitaire dans les 3 jours), l’employeur doit le convoquer à un entretien.

Cet entretien a pour but de chercher un moyen pour régulariser la situation : possibilité d’affectation temporaire sur un autre poste non soumis au pass sanitaire par exemple, expliquer les possibilités pour se faire vacciner ou tester.

4- Régularisation.

Parmi les moyens de régularisation figurent l’affectation temporaire à un poste non-soumis à l’obligation du pass sanitaire si les besoins et l’organisation de l’entreprise le permettent ou le télétravail, lorsque les missions sont éligibles à ce mode d’organisation de travail.

A l’issue et dans le cas d’une situation de blocage persistante, les procédures de droit commun concernant les contrats de travail peuvent s’appliquer.

5- Absence de régularisation.

En l’absence d’une solution permettant la régularisation, le contrat de travail est suspendu.

La suspension, qui s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié remplit les conditions nécessaires à l’exercice de son activité.

Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par le salarié au titre de son ancienneté.

Pendant cette suspension, le salarié conserve cependant le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit.

6- Suspension du contrat de travail pendant plus de 3 jours.

Si le contrat de travail du salarié est suspendu par l’employeur comme le prévoit la loi, la durée de la suspension du contrat de travail n’est pas assimilable à une période de travail effectif.

Aussi, aucun congé payé ni droit légal ou conventionnel ne pourra être généré durant cette période.

Si le salarié exerce son activité dans plusieurs lieux, il est soumis à l’obligation vaccinale ou la production du pass sanitaire uniquement pour des lieux ou activités relevant du champ défini par la loi.

La suspension du contrat de travail du salarié refusant de produire ses justificatifs ne vaut que pour les lieux pour lesquels ses justificatifs sont exigés, au prorata du temps de travail que le salarié aurait dû effectuer dans ces lieux.

B- Situations particulières.

1- Mandat des représentants du personnel.

La suspension du contrat de travail d’un représentant du personnel est sans effet sur ses mandats.

Pour concilier la liberté syndicale et le respect des obligations prévues par la loi, l’employeur peut aménager les modalités d’exercice du dialogue social, notamment en facilitant les échanges à distance.

2- Salariés en CDD.

La règle édictée à l’article L 1243-6 du Code du travail, selon laquelle la suspension du CDD ne fait pas obstacle à l’échéance du terme continue à s’appliquer.

Si le contrat comprend une date de fin définie et que le terme prévu survient pendant la période de suspension, le contrat prend fin à la date prévue, sans être prolongé de la durée de la suspension.

Si, en revanche, le contrat n’est pas de date de fin définie, c’est la réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu qui constitue le terme du contrat. Si cet objet est réalisé pendant la période de suspension, le contrat prend fin dès la réalisation de cet objet (par exemple, s’agissant d’un contrat saisonnier, dès la fin de la moisson, etc.).

3- Apprenti ou salarié en contrat de professionnalisation.

Comme les autres salariés, les alternants, apprentis ou salariés en contrat de professionnalisation, sont concernés par l’obligation vaccinale ou le pass sanitaire selon leur secteur d’activité.

Le pass sanitaire n’étant toutefois applicable aux mineurs qu’à partir du 30 septembre, celui-ci ne pourra pas être exigé par l’employeur avant cette date.

A défaut de respecter ces exigences ou de mobiliser une solution alternative, il leur sera interdit de poursuivre leur activité au sein de l’entreprise et leur contrat de travail pourra alors être suspendu.

Cependant, la suspension du contrat de travail d’un alternant ne doit pas avoir pour conséquence de le priver du bénéfice de la formation dispensée par le centre de formation des apprentis (CFA) ou l’organisme de formation afin d’éviter d’obérer ses possibilités de validation de sa formation. C’est pourquoi, la suspension du contrat de travail se limite au temps passé en entreprise, à l’exclusion du temps de formation assuré par le CFA ou l’organisme de formation.

En conséquence, les opérateurs de compétences continueront d’assurer le financement des formations dispensées par les CFA et les organismes de formation concernés lorsque le contrat de travail de l’apprenti ou du salarié en contrat de professionnalisation aura été suspendu en raison de l’absence de pass sanitaire ou de respect de l’obligation vaccinale.

4- Salarié en activité partielle.

Si le salarié est placé en activité partielle à 100%, l’employeur n’est pas fondé à lui demander la présentation d’un pass sanitaire ou d’un justificatif de vaccination.

Si le salarié est en activité partielle pour une partie seulement de son activité soumise à l’obligation de présentation du pass sanitaire ou de l’obligation vaccinale, il devra pour cette partie-là, présenter les justificatifs nécessaires. A défaut, la suspension du contrat et de sa rémunération ne portera que sur l’activité concernée par le refus de présentation des justificatifs et non celle chômée et indemnisée au titre de l’activité partielle.

C- Les alternatives.

1- La modification du contrat de travail.

Lorsque la modification de l’affectation du salarié emporte une modification de son contrat de travail (changement de qualification, baisse de la rémunération, volume de la prestation de travail et, dans certains circonstances, changement de lieu d’affectation), celle-ci doit être acceptée par le salarié et consignée par un avenant.

Si la modification de l’affectation n’emporte qu’un simple changement des conditions de travail du salarié et n’a pas d’impact sur son contrat de travail, elle ne nécessite pas l’accord du salarié et aucun formalisme n’est prévu sauf dispositions conventionnelles spécifiques. L’employeur et le salarié peuvent cependant utilement retracer par écrit les modifications de l’affectation du salarié.

2- Affectation à un nouveau poste.

L’employeur a la faculté de proposer au salarié une nouvelle affectation sur un poste qui ne nécessite pas de présenter un pass sanitaire, en fonction de l’organisation de l’entreprise et des besoins de postes à pourvoir.

En revanche, même s’il ne s’agit pas d’une obligation, tout doit être mis en œuvre pour régulariser la situation et, en cas de contentieux, la recherche d’affectation sera un des éléments que le juge pourra prendre en compte.

3- Télétravail.

En principe, l’employeur ne peut pas imposer le télétravail.

Toutefois, en période d’urgence sanitaire, comme actuellement et jusqu’au 15 novembre, l’employeur peut imposer à son salarié de télétravailler un certain nombre de jours par semaine si ses activités sont éligibles à ce mode de travail.

Pour les salariés qui ne sont pas soumis au pass sanitaire, l’absence de pass ne peut pas justifier une suspension de contrat ou une sanction.

L’employeur ne peut pas non plus, dans ce cas, imposer à ses salariés de se faire vacciner ou de faire un test PCR pour se rendre au travail.

En revanche, même s’il ne s’agit pas d’une obligation, tout doit être mis en œuvre pour régulariser la situation et, en cas de contentieux, la recherche d’affectation sera un des éléments que le juge pourra prendre en compte.

III- Consultation du comité social et économique pour mettre en place le pass sanitaire.

Dans les entreprises et établissements d’au moins 50 salariés concernées par le pass sanitaire, l’employeur doit informer le CSE, sans délai et par tout moyen, des mesures de contrôle mises en œuvre pour s’assurer du respect des nouvelles obligations.

Par dérogation au principe selon lequel la consultation du CSE doit être préalable à la mise en œuvre des mesures de contrôle, l’avis du CSE peut ici intervenir après que l’employeur a mis en œuvre ces mesures, au plus tard dans le mois qui suit la communication par l’employeur des informations sur lesdites mesures.

Me Sarah Garcia Docteur en droit - Avocat à la cour https://www.garcia-avocat-paris.fr Me Dominique Riera Avocat à la cour - Barreau de Paris Selarl Riera
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