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Ils se devront assistance… jusqu’au jugement de divorce. Par Juliette Daudé, Avocate.
Parution : mercredi 15 septembre 2021
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Parmi la litanie des articles du Code civil que l’officier d’état civil récite devant les futurs époux, figure l’article 212 du code civil qui énonce que « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance ».
Rares sont les jeunes mariés qui s’interrogent, en pleine cérémonie, sur la consistance exacte du devoir de secours. S’ils le font, il est fort à parier qu’une image romantique se formera dans leur esprit, bien loin de la réalité de leurs nouvelles obligations.

Quid de ce devoir de secours lorsque les époux se séparent ? Quelle forme prend-il ?

Le devoir de secours est une obligation alimentaire ; il recouvre donc une réalité d’ordre matériel. Il s’agit de l’expression d’une solidarité financière entre les époux, qui se doit d’exister en cas de difficultés conjugales.
Le devoir de secours n’existe, stricto sensu, que dans le cadre du mariage. Toutefois, le code civil prévoit que les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à une aide matérielle et une assistance réciproques ; ce qui revient globalement à un devoir de secours. Les époux n’ont donc plus vraiment le monopole de ce devoir chevaleresque.

Lors de la vie commune, le devoir de secours implique que chaque époux doit contribuer aux charges du mariage en proportion de ses facultés respectives. Celui qui gagne mieux sa vie mettra donc un plus gros sous dans le pot commun.
En cas de séparation de fait, ce devoir de secours subsiste ; il n’est pas conditionné à une vie commune maritale. Il est dû à celui des époux qui se trouve dans le besoin après la séparation, du fait d’une conjecture qui lui est défavorable, quand il ne bénéficie plus du fonctionnement du couple. Toutefois, cet état de besoin, qui le place lui-même dans la situation de ne pas pouvoir assurer cette obligation vis-à-vis de son conjoint, ne doit pas résulter de ses propres agissements. Il en sera ainsi, à titre d’exemple, d’un conjoint violent, qui, suite au départ de son épouse à cause de son comportement violent, se retrouve dans le besoin, alors qu’il ne fait rien pour trouver un emploi stable.

Le devoir de secours peut prendre la forme, dans le cadre des mesures provisoires fixées au début de la procédure de divorce, soit :
- d’une pension alimentaire,
- de l’occupation à titre gratuit du domicile conjugal,
- de la prise en charge d’un ou plusieurs crédits du couple.

Pour fixer le montant de la pension alimentaire, le Juge doit veiller à maintenir le train de vie du créancier du devoir de secours : il prend alors en compte les besoins de la vie sociale intégrant les besoins élémentaires. Cela paraît bien évidemment injuste à celui qui doit le verser dans l’hypothèse où la procédure de divorce s’impose à lui, mais en la matière, le Juge aux Affaires Familiales ne prendra en considération que des éléments strictement financiers et nullement l’équité morale.
Cette pension alimentaire devra être versée pendant toute la procédure de divorce, et s’ajoute à une éventuelle contribution à l’entretien et l’éducation du ou des enfants.

L’occupation du logement à titre gratuit intervient lorsque les époux sont propriétaires d’un bien, commun ou indivis. Le Juge aux Affaires Familiales, toujours au stade des mesures provisoires, peut décider que l’époux qui est dans le besoin à cause de la séparation, occupera le bien immobilier, sans devoir à son conjoint une indemnité d’occupation. Cette occupation gratuite doit être chiffrée, afin que le magistrat puisse réaliser le montant de l’avantage octroyé. Il convient donc d’indiquer au Juge aux Affaires Familiales à combien s’élève la valeur locative du bien dont il est question.

Enfin, il peut aussi être décidé que le devoir de secours prenne la forme de la prise en charge de l’un ou de plusieurs des crédits du couple. Alors, lors de la liquidation du régime matrimonial des époux, il ne sera pas fait de comptes entre eux à ce titre. Cela signifie donc que, de facto, l’un des époux aura remboursé plus de crédit que l’autre, ce qui procure à l’époux déficitaire un avantage indéniable.

Ainsi, il peut être intéressant, au stade des mesures provisoires dans le cadre d’une procédure de divorce, de se pencher sur les différentes options offertes par le devoir de secours, que ce soit pour les besoins spécifiques du créancier mais aussi pour les facultés du débiteur. Il est aussi important d’avoir en tête que ce devoir de secours est annonciateur d’une prestation compensatoire, qui sera elle fixée par le jugement de divorce. Mais il s’agit alors d’un tout autre chapitre…

Juliette Daudé Avocate à la Cour Site: http://cabinet-avocat-daude.fr/