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Atteintes à la vie : les enjeux essentiels de qualifications. Par François Buthiau, Avocat.
Parution : vendredi 24 septembre 2021
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En matière d’atteintes à la vie se pose très fréquemment la question de la qualification à retenir entre les différentes retenues par le Code pénal (meurtre, assassinat, coups mortels, etc). Ce choix, essentiel pour la détermination de la peine applicable, se joue très souvent dès la phase d’instruction préparatoire.

Le Code pénal distingue les atteintes volontaires des atteintes involontaires à la vie (Articles 221-1 et s., Chapitre 1er, Titre II, Livre II).

Les deux principales infractions incriminées au titre des atteintes volontaires, outre celle d’empoisonnement, sont celles de meurtre et d’assassinat.

Le fait de donner volontairement la mort à autrui constitue un meurtre (article 221-1 du Code pénal) : il est puni de 30 ans de réclusion criminelle.

Il suppose la réunion d’un élément matériel, soit un acte positif ayant entrainé la mort d’une personne en vie, ou de nature à pouvoir l’entrainer, et un élément moral, la volonté de donner la mort à autrui.

Au-delà de la constatation de l’élément matériel, l’élément intentionnel constitue très fréquemment un enjeu majeur des procédures dans lesquelles une personne est poursuivie pour avoir donné la mort à autrui.

Car de sa caractérisation et également de sa nature va dépendre la qualification retenue et partant le régime de peines qui s’y attache.

En premier lieu, se pose donc la question de la caractérisation même de l’élément moral, à savoir du fait que l’auteur a ou non voulu par son acte entrainer la mort d’autrui.

A défaut, un tel acte pourrait être qualifié d’homicide involontaire (article 221-6 du Code pénal) ou de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner (article 222-7), dont les peines sont nettement moindres que celles de meurtre par exemple, respectivement trois et quinze ans.

A l’inverse, lorsque l’intention criminelle apparaît acquise et n’est donc pas discutable, se pose la question de la nature de celle-ci.

Le meurtre commis avec préméditation ou guet-apens constitue en effet un assassinat (article 221-3). Il est puni de la réclusion criminelle à perpétuité.

La distinction entre les deux qualifications est ainsi celle de la préméditation, qui peut se définir comme le dessein mûri et réfléchi d’accomplir l’infraction. Elle implique l’antériorité de l’intention et sa persistance jusqu’à la réalisation de l’acte là où, en l’absence de préméditation, la volonté de donner la mort doit être survenue au moment précis de l’acte, de manière immédiatement antérieure à celui-ci.

Ainsi, compte tenu des conséquences très importantes en matière de peines applicables, minorées ou aggravées, l’élément intentionnel est très fréquemment débattu en Cour d’assises.

Il en est ainsi de l’existence même de l’intention, par exemple dans le cadre de violences : ces violences ont-elles été exercées avec une volonté de tuer ou cette volonté se déduit-elle nécessairement des actes commis ? Il en est également ainsi de la profondeur de l’intention lorsqu’elle est caractérisée : l’auteur des faits a-t-il eu le dessein de donner la mort en amont de l’accomplissement de son acte et de sa mise en présence de la victime ?

Ces questions sont débattues à l’aune des actes d’enquête et des nombreuses expertises qui peuvent être réalisées. L’accusation ou la partie civile auront naturellement souvent une position d’aggravation, tendant à soutenir la qualification la plus sévère, à la différence bien entendu de la défense.

Il apparaît toutefois que le véritable débat sur la qualification est antérieur au procès sur le fond. Il se tient en premier lieu et avant tout devant le juge d’instruction et éventuellement devant la Chambre de l’instruction.

Une fois l’instruction close et l’affaire renvoyée devant une Cour d’assises selon une qualification précise, il est souvent très difficile de prétendre voir retenir une qualification différente, surtout si l’instruction a été conduite en profondeur et avec précision.

La phase d’instruction apparaît ainsi comme fondamentale dans l’exercice de la défense, d’autant qu’elle s’y voit reconnaître des droits étendus. Pourtant, l’instruction reste encore parfois insuffisamment considérée au profit d’une stratégie de défense exclusivement devant la Cour d’assises alors que cela peut être déjà trop tard. La réflexion est identique pour la partie civile.

Il convient donc dans des affaires d’atteintes à la vie, comme dans bien d’autres d’ailleurs, de concentrer toute son attention à la phase primordiale qu’est l’instruction.

François Buthiau Avocat à la Cour Barreau de Paris https://bsavocats.net/2022/09/01/avocat-successions/ https://bsavocats.net www.buthiau-simoneau.com