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[Maroc] La représentativité des femmes au sein du Conseil Communal. Par Elmostafa Hamdouche, Juriste.
Parution : lundi 27 septembre 2021
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Le Maroc a entrepris depuis le début du 21ème siècle un ensemble de mesures et de réformes législatives et réglementaires qui visent à protéger les droits des femmes, renforcer l’arsenal juridique pour donner aux femmes plus de représentativité au sein de la scène socio-politique, et surtout assurer plus d’équité entre les femmes et les hommes dans toutes les sphères de la vie socio-économique.

En effet, sur le plan administratif et politique, le royaume a connu une grande évolution afin de lutter contre l’aspect masculin prédominant au sein des institutions et de l’administration. Cette évolution s’est couronnée par l’adoption de la constitution de 2011 qui a consacré dans son article 19 le principe de la parité entre les hommes et les femmes. Ledit article prévoit notamment que

« L’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental, énoncés dans le présent titre et dans les autres dispositions de la constitution, ainsi que dans les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le Royaume et ce, dans le respect des dispositions de la Constitution, des constantes et des lois du Royaume. L’Etat marocain œuvre à la réalisation de la parité entre les hommes et les femmes. Il est créé, à cet effet, une Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination ».

A cet égard, il faut rappeler que les élections constituent la voie démocratique à travers laquelle les citoyens choisissent leurs représentants au sein de différentes institutions politiques. Toutefois et pour faciliter aux femmes l’accès au domaine politique à travers cette voie légale, qui sont les élections, le législateur a inventé plusieurs mécanismes juridiques et réglementaires ayant pour objectif de renforcer la représentativité des femmes à l’issu des élections. Ces mécanismes existent à la fois à priori avant les élections et a posteriori après les résultats de ces dernières.

Ainsi parmi les exigences imposées par le législateur marocain et qui s’inscrivent dans le cadre de cette volonté délibérée pour renforcer la représentativité des femmes, on trouve la condition préalable, pour toutes les listes qui se présentent aux élections communales de contenir une partie ne liste consacrée exclusivement aux femmes à hauteur du tiers du nombre de sièges de la circonscription en cause.

Ce quota permis ainsi de réserver un nombre de places non négligeables pour les femmes, surtout dans les circonscriptions conservatrices où les chances pour une femme de se porter directement candidat sont minimes.

Toutefois en pratique, il s’est révélé que même après leur réussite au sein des conseils communaux les femmes occupent rarement des postes de responsabilité, en raison des coalitions qui se forment entre les candidats ayant remportés les élections.

D’où la problématique suivante : dans quelle mesure le législateur marocain a prévu des dispositions qui assurent une représentative efficace des femmes au sein des conseil communaux ?

En effet, en lisant le sixième paragraphe de l’article 17 de la loi organique 113.14, on peut déduire que le législateur a imposé de consacrer le tiers de la liste des vice-présidents du conseil communal aux femmes, en prévoyant que

« Il faut œuvrer à ce que chaque liste de candidatures à la vice-présidence comprenne un nombre de femmes candidates non inférieur au tiers des postes de vice-présidents ».

Cependant deux questions se posent à cet égard et qui ont donné naissance à deux courants : un courant qui considère que ce paragraphe n’est pas obligatoire et un courant qui le considère comme étant impératif. Lequel d’entre les deux a donc raison ?

Tout d’abord, on constate que législateur a utilisé le terme « Il faut œuvrer », qui signifie que la règle prévue est une règle impérative et que sa violation entraîne normalement la nullité de la liste l’ayant transgressée.

Ensuite, le fait de donner à la règle du tiers prévue dans le cadre de l’article 17 susvisé, une force obligatoire est le prolongement logique de l’article 19 de la constitution marocaine et aussi du quota obligatoire qui s’impose aux listes électorales pour participer aux élections.

De ce fait, les candidats à la présidence des élections doivent impérativement respecter ladite règle en proposant une liste des vice-présidents dont le tiers est consacré aux femmes, sous peine de nullité, qui constitue la sanction logique de tout acte ou fait pris en violation d’une disposition réglementaire et législative obligatoire.

D’une autre part, lorsqu’on qualifie la règle du tiers prévue à l’article 17 de la loi 113.14 de règle impérative, cela vaut qu’aucune dérogation à ladite règle ne soit concevable. Surtout que dans certains cas, et pour se débarrasser d’une telle disposition certains candidats hommes imposent aux femmes de se retirer volontairement.

Raison pour laquelle nous considérons, que le législateur a voulu consacrer une représentativité stable aux femmes à travers l’article 17-6, et que les tribunaux administratifs doivent normalement prononcer la nullité de toute liste qui ne la respecte pas, en l’absence d’un motif valable et réel et non pas une seule renonciation guidée par des considérations personnelles.

D’ailleurs ce raisonnement juridique a été déjà affirmé par le Tribunal administratif de Rabat ayant annulée l’élection des vices présidents du conseil communal de Rabat en raison de la violation de l’article 17-6 de la loi 113-14, par un jugement n°4295 du 1er Octobre 2015.

De même, il est indispensable de réaffirmer que la Constitution marocaine a prévu dans le cadre de son préambule que les conventions ratifiées par le Maroc priment sur les lois nationales. A cet effet, le Maroc a ratifié plusieurs conventions qui imposent au royaume de prendre des mesures efficaces pour renforcer la représentativité des femmes. Il en est par exemple de l’article 3 de la convention internationale de lutte contre toutes les formes de discrimination contre les femmes.

Il en résulte que la règle prévue par l’article 17-16 de la loi 113.14 est une règle d’ordre public, et par conséquent une règle impérative qui s’imposent obligatoirement tant qu’aucun motif valable ne permis de s’y déroger (comme par exemple le fait de l’absence de femmes élues pour remplir le tiers parmi les vices présidents du conseil communal).

Des analyses qui précèdent-t-on peut tirer deux conclusions :

1- La règle prévue par l’article 17-6 de la loi 113.14 est une règle impérative et d’ordre public. Les parties ne peuvent s’y déroger que par un motif réel, comme l’absence de femmes pour remplir le quota exigé. A défaut, la seule volonté ou la renonciation personnelle des femmes élues ne permis pas de violer ladite règle car la volonté du législateur est d’assurer inévitablement une représentativité efficace et durable. Cela résulte d’un raisonnement logique qui s’explique par les dispositions constitutionnelles et aussi par les exigences préalables déjà imposées aux partis politiques pour participer aux élections, et qui visent notamment à renforcer la représentativité des femmes.

2- Les tribunaux administratifs et surtout la Cour de cassation doivent assurer une interprétation uniforme qui coupe la voie aux manipulations, qui consistent souvent à imposer aux femmes élues de se retirer, car à défaut, la règle demeurera toujours inefficace et sans aucun effet, et on n’aboutira jamais au degré de représentativité estimée et escomptée.

Elmostafa Hamdouche Juriste d'affaires