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Le rejet des demandes de redoublement de P.A.S.S peut être contesté devant le Tribunal administratif ! Par Bénédicte Rousseau, Avocate.
Parution : mardi 28 septembre 2021
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Refus de redoublement de la première année des études médicales : le juge administratif des référés a considéré que les avis rendus par la Commission d’examen des situations individuelles exceptionnelles (CESIE) ne sont pas souverains !

Pour de nombreux étudiants empêchés de passer en deuxième année de l’une 5 filières de santé MMOPK (Maïeutique, Médecine, Odontologie, Pharmacie et Kinésithérapie), en raison notamment de difficultés liées à la crise sanitaire relative à l’épidémie de Covid-19, les avis rendus par la Commission d’examen des situations individuelles exceptionnelles (CESIE) sur leurs demandes de redoublement de l’année de « P.A.S.S » (Parcours Accès Santé Spécifique) ou de passage en parcours « L.A.S » (Licence Accès Santé) ont été une déception…

Le juge des référés du Tribunal administratif de Versailles a considéré, par une ordonnance rendue le 20 septembre 2021, que les décisions prises sur avis de la CESIE par le président de l’université pouvaient faire l’objet d’un recours contentieux et donner lieu à un réexamen du dossier de l’étudiant.

Une dérogation exceptionnelle permet aux étudiants de redoubler leur première année de Médecine, Odontologie, Pharmacie ou Kinésithérapie.

L’article 1er de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé a réformé l’accès aux formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique, en supprimant le numerus clausus déterminant le nombre d’étudiants en première année commune aux études de santé (PACES) autorisés à poursuivre leur cursus médical en deuxième année.

Comme le prévoit le décret n° 2019-1125 du 4 novembre 2019, l’accès en deuxième année est désormais ouvert, depuis l’année universitaire 2020-2021, aux étudiants en parcours accès santé spécifique (PASS) et aux étudiants inscrits en licence accès santé (LAS), dans la mesure des capacités d’accueil de ces formations, déterminées chaque année par les universités.

Les dispositions combinées de ce décret et celles de l’arrêté du 4 novembre 2019 prévoient que les étudiants ne peuvent en principe être inscrits qu’une fois en PASS.

Toutefois, à titre dérogatoire justifié par la situation particulière liée à la crise sanitaire, un décret n°2021-934 du 13 juillet 2021 a prévu que :

« pour la seule année universitaire 2020-2021 le président de l’université met en place une commission d’examen des situations individuelles exceptionnelles dans le cadre de l’accès en deuxième année du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique. / Cette commission a pour objet de permettre […] sur demande d’un étudiant, un réexamen de situations individuelles lorsque des circonstances exceptionnelles liées notamment à son état de santé́, à ses conditions matérielles d’études ou à sa situation personnelle dûment justifiés, ont affecté les chances réelles et sérieuses dont disposait un étudiant d’accéder en deuxième année du premier cycle des formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie ou de maïeutique / […] ».

Dans ce contexte particulier, le décret n° 2021-934 du 13 juillet 2021 portant adaptation de certaines conditions d’accès aux formations de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique pour l’année universitaire 2020/2021 a créé une « Commission d’examen des situations individuelles exceptionnelles » (CESIE) au sein de chaque université, dont l’objet était de permettre un réexamen de chaque situation individuelle lorsque des circonstances exceptionnelles ont affecté les chances réelles et sérieuses dont disposait l’étudiant d’accéder en deuxième année d’études médicales en septembre 2021.

La CESIE, commission ad hoc dont la composition et les modalités de réunion et de saisine sont prévues par une décision prise par le président de chaque université, a dû être saisie par les étudiants concernés au plus tard le 23 août 2021.

La possibilité de contester la décision défavorable du président de l’université en suite de l’avis rendu par la CESIE.

Par une ordonnance rendue le 20 septembre 2021, le juge des référés du Tribunal administratif de Versailles a apporté plusieurs précisions sur les conditions dans lesquelles les décisions prises en suite de la réunion de cette commission doivent être notifiées aux étudiants qui n’ont pas été admis en deuxième année d’études médicales :

Tout d’abord, c’est le Président qui a le pouvoir de décision pour se prononcer sur les demandes présentées par les étudiants, de sorte qu’un refus de redoublement opposé par le président de la Commission d’examen des situations individuelles exceptionnelles est réputé pris par une autorité incompétente.

Ensuite, une simple liste d’émargement ne permet pas d’établir le résultat du vote au cours de laquelle la commission a donné son avis, ni même si un vote a bien eu lieu, de sorte que le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure suivie pour se prononcer sur la demande présente un caractère sérieux de nature à justifier la suspension de la décision rejetant la demande de redoublement présentée par l’étudiant.

Enfin, les circonstances exceptionnelles qui doivent être prises en compte par la CESIE sont liées soit à l’état de santé de l’étudiant (sans que ce soit nécessairement lié à l’épidémie de Covid-19), soit à ses conditions matérielles d’études ou à sa situation personnelle dûment justifiés, dès lors que ces circonstances ont affecté les chances réelles et sérieuses dont disposait l’intéressé d’accéder en deuxième année du premier cycle des formations de médecine.

La CESIE étant une commission ad hoc prévue par le décret du 13 juillet 2021, elle doit être distinguée d’un jury d’examen, de sorte que son avis ne devrait pas être considéré comme étant souverain selon le juge des référés.

Cette commission ne devrait par ailleurs pas pouvoir ajouter de critères à ceux prévus par le décret du 13 juillet 2013. Notamment, la circonstance que l’étudiant ne se serait pas présenté aux épreuves de rattrapage n’est pas un critère prévu par le décret du 13 juillet 2021.

Le juge des référés du Tribunal administratif de Versailles, dans son ordonnance du 20 septembre 2021, a donc logiquement retenu que

« le moyen tiré de ce que la commission a notamment fondé sa décision sur la circonstance que l’intéressé.e ne s’était pas présenté.e aux examens de rattrapage et a ainsi commis une erreur de droit présente, en l’état de l’instruction, un caractère sérieux ».

En conclusion, dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 20 septembre 2021, le juge des référés a enjoint au président de l’université de statuer sur la demande adressée à la commission d’examen des situations individuelles exceptionnelles dans un délai d’une semaine.

Les Commissions « CESIE » ayant rendu leurs avis à la fin du mois d’août 2021, il est encore temps d’envisager des recours contentieux en cas de décisions défavorables, étant précisé que le délai de recours expire en principe à l’issue d’un délai de deux mois [1] suivant la notification aux étudiants du refus de redoublement de la PASS ou de passage en LAS.

Ordonnance du TA de Versailles du 20 septembre 2021 [2].

Bénédicte ROUSSEAU Avocate en droit public et droit social
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