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Homoparentalité : une adoption sans consentement ? Par Caroline Elkouby Salomon, Avocat.
Parution : mardi 28 septembre 2021
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L’enfant issu d’une PMA et dont les mères, auparavant mariées, se sont séparées, peut-il être adopté et à quelles conditions, lorsque la mère biologique, ne veut plus consentir à l’adoption ? C’était la question au cœur de l’affaire traitée par le Tribunal de Béthune qui a rendu une décision le 07 juillet 2021.

Le droit.

En l’état du droit actuel, la seule solution offerte aux parentes pour établir une filiation de l’enfant à l’égard de celle qui ne l’a pas porté, est l’adoption plénière de l’enfant du conjoint. L’article 345-1 du Code civil le permet lorsque l’enfant n’a de filiation établie qu’à l’égard de ce conjoint et sous réserve de son consentement.

Le tribunal peut-il faire fi de l’exigence de consentement ? En principe non. Il existe cependant l’article 348-6 du Code civil qui prévoit que le refus de consentir peut être jugé « abusif », lorsque le parent qui refuse « s’est désintéressé de l’enfant au risque d’en compromettre la santé ou la moralité ».

La décision.

Dans la présente affaire, le Tribunal constate que le refus d’adoption par sa conjointe priverait l’enfant de faire coïncider sa filiation juridique avec ses liens affectifs filiaux, mais l’empêcherait également de s’inscrire dans une famille et de bénéficier des droits attachés à la filiation. Dès lors, l’intérêt supérieur de l’enfant serait ainsi mis à mal.

Le tribunal a, en outre, dit que le refus de consentir à l’établissement de la filiation de l’enfant avec sa « mère sociale » (qui apportait des éléments justifiant ce statut) était de nature à compromettre son équilibre psychologique et qu’en ce sens, la mère biologique compromettait sa santé ou sa moralité au sens de l’article 348-6 du Code civil.

Le refus de sa mère biologique a donc été jugé abusif et l’adoption a été prononcée.

D’autres décisions.

Cette décision s’inscrit dans la ligne d’une autre décision du Tribunal de Lilles qui, dans une espèce similaire, relève que

« le législateur n’a pas prévu de mode d’établissement de la filiation spécifique pour l’enfant né au sein d’un couple de même sexe, de sorte que l’adoption constituait en l’état du droit positif le seul moyen pour le conjoint n’ayant pas accouché, de voir reconnaître son statut de parents à l’égard de l’enfant issu du projet parental ».

La Cour de cassation (n°648 du 4 octobre 2019 (10-19.053) Assemblée plénière) avait déjà raisonné de la sorte s’agissant de la demande de transcription d’un acte de naissance d’un enfant né d’une GPA en estimant que l’intérêt supérieur de l’enfant et le droit à voir sa filiation établie sur le fondement de l’article 8 de la CEDH devait conduire à accepter la transcription de la filiation à l’égard de la mère d’intention. Elle explique qu’en tout état de cause, un mode de filiation doit permettre l’établissement de la filiation invoquée.

Pour l’instant ces décisions n’ont pas fait l’objet d’appel.

Caroline ELKOUBY SALOMON Avocat au Barreau de Paris Spécialisée en droit de la famille, des personnes et du patrimoine Associée du cabinet BES Avocats www.bes-avocats.com