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Accident médical non fautif : indemnisation par l’ONIAM et seuils de gravité exigés. Par Caroline Carré-Paupart, Avocat.
Parution : vendredi 15 octobre 2021
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Dans cette affaire, il a jugé, malgré le fait que Madame B faisait valoir un syndrome dépressif post traumatique, une rupture avec son conjoint, et une image dégradée de sa personne, que les éléments fournis étaient insuffisants pour retenir la gravité des dommages subis et donc son indemnisation par l’ONIAM.

Les circonstances de l’accident médical.

Le 8 avril 2014, Mme B a été hospitalisée au centre hospitalier René Dubos de Pontoise, pour y subir des interventions en lien avec un cancer du sein dont elle était atteinte. Ces interventions ont été réalisées sous anesthésie générale, avec ventilation au masque.

Le 12 avril suivant, elle s’est présentée au service des urgences de l’hôpital, amenée par les pompiers, avec une paralysie faciale périphérique gauche qui a été évaluée par la suite comme de grade VI, soit la gravité maximale.

Malheureusement, les lésions sont demeurées irréversibles.

Par lettre du 17 juillet 2014, Mme B a saisi le centre hospitalier d’une lettre, par laquelle elle proposait l’engagement de discussions en vue de l’indemnisation des préjudices résultant des complications en lien avec l’intervention chirurgicale.

Par une lettre du 26 janvier 2015, le centre hospitalier a rejeté cette demande, en précisant que sa responsabilité n’était pas engagée.

Le rapport d’expertise médical.

Mme B a alors saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, le 23 mars 2015, afin qu’un Expert Médical soit désigné et qu’il puisse déterminer la nature et l’origine de son affection et que soit évaluée la qualité des soins reçus lors de son intervention chirurgicale.

Les experts ont rendu leur rapport le 25 juin 2016, concluant à un accident médical non fautif lors de l’intervention du 8 avril 2014.

Par ailleurs, les préjudices suivants ont été évalués :
- Un déficit Fonctionnel Permanent à 15%,
- Un arrêt de travail inférieur à 6 mois,
- Un préjudice esthétique évalué à 2/7.

L’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Versailles et son analyse.

Aux termes du II de l’article L1142-1 du Code de la santé publique :

« II. - Lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, de la durée de l’arrêt temporaire des activités professionnelles nationale un taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d’un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25%, est déterminé par ledit décret ».

Aux termes de l’article D1142-1 du même Code :

« Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l’article L1142-1 est fixé à 24%. / Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l’article L1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d’un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50%. / A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l’activité professionnelle qu’elle exerçait avant la survenue de l’accident médical, de l’affection iatrogène ou de l’infection nosocomiale ; 2° Ou lorsque l’accident médical, l’affection iatrogène ou l’infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d’ordre économique, dans ses conditions d’existence. En vertu des articles L1142-17 et L1142-22 du même Code, la réparation au titre de la solidarité nationale est assurée par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ».

Par cet arrêt rendu le 28 juin 2021, la Cour administrative d’appel de Versailles estime, qu’au regard du rapport d’expertise, quand bien même Madame B a été victime d’un aléa thérapeutique que les conditions d’une réparation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies, faute, pour la victime, de remplir la condition de gravité du dommage car les séquelles constatées ne peuvent pas être regardées comme des troubles particulièrement graves dans ses conditions d’existence, au sens et pour l’application des dispositions de l’article D1142-1 du Code de la santé publique.

En effet, et conformément aux textes précités, l’ONIAM n’intervient pour indemniser une victime d’un accident médical non fautif que si elle présente :
- un déficit fonctionnel permanent supérieur à 24% ou
- un arrêt d’activité (ITT) d’au moins 6 mois ou
- des troubles particulièrement graves, y compris d’ordre économique, dans ses conditions d’existence.

S’agissant de l’analyse des troubles particulièrement graves dans les conditions d’existence, le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation in concreto.

Dans cette affaire, il a jugé, malgré le fait que Madame B faisait valoir un syndrome dépressif post traumatique, une rupture avec son conjoint, et une image dégradée de sa personne, que les éléments fournis étaient insuffisants pour retenir la gravité des dommages subis et donc son indemnisation par l’ONIAM.

Maître Carré-Paupart