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[Point de vue] Pour en finir avec la question récurrente de la compétence du médiateur. Par Marie-Laure Vanlerberghe, Médiatrice.
Parution : vendredi 15 octobre 2021
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La formation des médiateurs est une question consubstantielle au développement de la médiation. Si la médiation en tant que concept est peu mise à mal ou contestée, les freins à son utilisation proviennent souvent du flou ou du doute sur les compétences du médiateur.

Introduction de Françoise Housty, Présidente fondatrice de Daccord Médiation :
Daccord-Médiation s’attache avec le collectif M21, la FFCM et l’ANM à s’assurer de ce que chacun de ses médiateurs répond à une exigence minimale de formation et respecte scrupuleusement les principes déontologiques.
Portant en cela la parole et la pratique de très nombreuses associations de médiateurs, le travail aujourd’hui initié en ce sens par les dites associations repose sur le souci d’ offrir au public une médiation sécure et de qualité. Un seul chemin possible : l’excellence de la formation.

Pour en finir avec la question récurrente de la compétence du médiateur.

Cette question revient souvent dans la bouche de professionnels du droit, inquiets de l’émergence d’une véritable « justice privée » en parallèle de la justice étatique.

Qu’est-ce que serait un médiateur compétent ?

Les textes relatifs à la compétence du médiateur sont peu parlant sauf en matière de médiation judiciaire.

L’article 131-5 du CPC exige que :
« La personne physique qui assure l’exécution de la mesure de médiation doit satisfaire aux conditions suivantes :
1° Ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation, d’une incapacité ou d’une déchéance mentionnée sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire ;
2° N’avoir pas été l’auteur de faits contraires à l’honneur, à la probité et aux bonnes mœurs ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d’agrément ou d’autorisation ;
3° Posséder, par l’exercice présent ou passé d’une activité, la qualification requise eu égard à la nature du litige ;
4° Justifier, selon le cas, d’une formation ou d’une expérience adaptée à la pratique de la médiation ;
5° Présenter les garanties d’indépendance nécessaires à l’exercice de la médiation.
 »

« …une formation ou une expérience adaptée à la pratique de la médiation » ce qui reste, il faut bien le convenir, peu explicite.

Alors essayons de répondre aux questions que pourraient se poser d’aucun qui envisage de recourir à la médiation sans souhaiter cependant et légitimement, que l’affaire alors transmise encoure un risque relationnel ou juridique.
Quel serait ce tiers, inconnu des prétoires, appelé le médiateur dont les compétences requises seraient « floues » ?

1. Un médiateur non professionnel du droit pourrait-il valablement conduire une médiation et construire une sortie de conflit pérenne et juridiquement sécurisé ?

Affirmer l’inverse témoignerait d’une appréhension tronquée de ce que produit le processus de médiation.

Dans le cabinet de médiation, le médiateur ne fait pas de Droit, ni ne dit le Droit.
Les parties expriment librement leurs besoins et leurs intérêts parce qu’elles ont la libre disposition de leurs droits et donc sont admises à choisir elles-mêmes leurs solutions pour sortir et résoudre leurs conflits (En dehors des droits minoritaires dont le justiciable n’a pas libre disposition car d’ordre public, matière pour lesquelles la loi requiert des compétences spécifiques pour les médiateurs ex. médiation de la consommation, ex. certaines médiations familiales).

Par ailleurs, l’essence de la justice est avant tout d’apaiser et de pacifier une relation conflictuelle. L’office du juge consiste, dans un premier temps, de tenter de concilier autant que faire se peut les parties.

Ajoutons que dans la pratique, les avocats, conseils des parties sont présents en médiation et restent le gardiens des intérêts juridiques de leurs clients. Ils sont sollicités par le médiateur pour mettre en forme et articuler l’accord des parties issu de la médiation.

La compétence du médiateur n’est pas donc pas exclusivement liée à sa connaissance du droit ou au fait qu’il est lui-même, professionnel du droit.

2. Le médiateur qui aurait une connaissance particulière ou une expertise métier en lien avec l’objet du litige faciliterait l’issue de la médiation ?

Le risque pour un « expert-métier » est d’orienter les discussions en fonction de la perception qu’il a du problème exposé en sa qualité de « tiers sachant » et de perdre le recul nécessaire au travail de réflexivité du médiateur fragilisant ainsi sa posture et la neutralité requise.

Des questions techniques se posent tous les jours dans les prétoires aux juges, aux avocats, aux parties. Lorsqu’une réponse à ses interrogations est utile à la recherche de la « vérité » et pourrait permettre de l’aider à la décision, il est habituel que les avocats ou le juge lui-même sollicitent la désignation d’un technicien sachant, d’un expert judiciaire.

De la même manière, en médiation, les textes autorisent l’intervention d’un tiers-sachant, choisi par les parties, lequel les éclairera par des réponses techniques.

Le médiateur, tout sachant qu’il serait, est soumis au « silence » par la neutralité, l’indépendance et l’impartialité de sa fonction.

Enfin, la pratique de la médiation révèle souvent que la solution ne réside pas seulement dans un aspect purement technique du litige.

L’idée de la pensée complexe chère à Edgar Morin nous fait entendre que toute chose à de nombreuses origines, causes, ramifications, résonnances. Que les individus sont uniques et multiples, formant des éco-systèmes différents en interaction et construisant des organisations complexes qu’il convient de décrypter, comprendre et décrire pour mieux les relier.

La mission du médiateur est d’amener les parties à trouver leur solution et non de trouver ou orienter la solution à leur place. Pour ce faire, le médiateur doit être formé aux techniques et outils de la médiation qui s’entendent de multiples matières pour lesquelles la communication est essentielle. C’est à ce prix que les relations conflictuelles peuvent alors se réguler dans un espace de médiation.

Un médiateur compétent est donc avant tout un médiateur formé à la médiation.

Ce qui importe de comprendre est que la formation du médiateur s’accompagne d’efforts subséquents pour quérir des compétences dans des champs autres que ceux qu’il maitrise par son métier d’origine.
La force de la formation à la médiation est son ouverture pluridisciplinaire destinée à construire puis à asseoir la posture essentielle de non-jugement.

Être médiateur et faire le médiateur s’entend donc d’efforts dans l’acquisition d’un savoir-être et d’un savoir-faire qui nécessite parfois de longues années d’apprentissage en sus d’une formation solide.

Contrairement à l’idée répendue, la médiation n’est pas l’exercice d’une fonction qui serait accessoire à une profession.

La médiation est un métier.

Marie-Laure Vanlerberghe Commissaire de Justice Honoraire - médiatrice associée à minutemediation.fr