Village de la Justice www.village-justice.com

La procédure de discipline scolaire applicable aux collèges et lycées publics. Par Sandra Marques, Avocat.
Parution : vendredi 15 octobre 2021
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/procedure-discipline-scolaire-applicables-aux-colleges-lycees-publics,40460.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Le Défenseur des droits de l’enfant Monsieur Eric Delemar assistant la Défenseure des droits Madame Claire Hedon a récemment attiré l’attention des professionnels sur le fait que les chiffres de l’éducation nationale démontrent que dans la grande majorité des cas, la décision d’exclusion est déjà prise avant même la tenue du Conseil de discipline qui n’est finalement qu’une simple formalité administrative.

Au cours de sa scolarité, un élève peut être convoqué devant le Conseil de discipline scolaire de son collège ou de son lycée public (établissements publics d’enseignement du second degré) afin de répondre de ses fautes disciplinaires. Le Conseil de discipline peut ainsi être défini comme étant l’instance qui prononce les sanctions disciplinaires.

Sous peine de voir la décision rendue par le Conseil de discipline annulée, l’établissement public d’enseignement du second degré est tenu de respecter les règles fixées par le Code de l’éducation présentées de manière non exhaustive dans le présent article mais également les principes généraux du droit.

1. Décision d’engager une action disciplinaire.

Certaines fautes disciplinaires doivent nécessairement donner lieu à l’engagement d’une action disciplinaire tandis que d’autres sont laissées à la libre appréciation du Chef d’établissement.

Une action disciplinaire est ainsi automatiquement engagée lorsque l’élève :
- est l’auteur de violences verbales à l’égard d’un membre du personnel de l’établissement ;
- commet un acte grave à l’égard d’un membre du personnel ou d’un élève ;
- est l’auteur de violences physiques envers un membre du personnel de l’établissement [1].

Dans les autres cas, l’opportunité de l’action appartient au Chef d’établissement. Un membre de l’équipe éducative peut également solliciter la réunion du Conseil de discipline sans que sa demande ne constitue une obligation de saisine pour le Chef d’établissement. Le Chef d’établissement et l’équipe éducative sont tenus de rechercher, dans la mesure du possible, toute mesure de nature éducative avant d’engager une action disciplinaire [2].

2. Engagement d’une action disciplinaire : informations, convocations et droits.

2.1 Décision disciplinaire prise par le Chef d’établissement seul.

Lorsque le Chef d’établissement se prononce seul sur les faits qui ont justifié l’engagement de la procédure disciplinaire (cf. infra sanctions pouvant être prononcées par le Chef d’établissement seul), il informe sans délai l’élève des faits qui lui sont reprochés et du délai dont il dispose pour présenter sa défense oralement ou par écrit ou en se faisant assister par une personne de son choix. Ce délai, fixé par le Chef d’établissement, est d’au moins deux jours ouvrables [3].

Si l’élève est mineur, cette communication est également faite à son représentant légal afin que ce dernier produise ses observations éventuelles.

Dans tous les cas, l’élève, son représentant légal et la personne éventuellement chargée de l’assister pour présenter sa défense peuvent prendre connaissance du dossier auprès du Chef d’établissement.

2.2 Saisine du Conseil de discipline.

Lorsque le Chef d’établissement décide de saisir le Conseil de discipline, il en informe préalablement le Directeur académique des services de l’éducation nationale agissant sur délégation du Recteur d’académie si l’élève a déjà fait l’objet, au cours de l’année scolaire, d’une exclusion définitive.

Il est tenu de saisir le Conseil de discipline lorsqu’un membre du personnel de l’établissement a été victime de violence physique [4].

Le Chef d’établissement convoque par pli recommandé ou remise en main propre contre signature, au moins cinq jours avant la séance, dont il fixe la date [5] :
1° L’élève en cause ;
2° S’il est mineur, son représentant légal ;
3° La personne éventuellement chargée d’assister l’élève pour présenter sa défense.

Le Chef d’établissement précise à l’élève cité à comparaître les faits qui lui sont reprochés et lui fait savoir qu’il peut présenter sa défense oralement ou par écrit ou en se faisant assister par une personne de son choix. Si l’élève est mineur, son représentant légal est également informé de la possibilité pour lui de produire ses observations

Les membres du Conseil de discipline, l’élève cité à comparaître, son représentant légal et la personne éventuellement chargée de l’assister pour présenter sa défense peuvent prendre connaissance du dossier auprès du Chef d’établissement. L’Avocat pourra généralement en obtenir copie par mail.

Le représentant légal de l’élève et, le cas échéant, la personne chargée de l’assister sont informés de leur droit d’être entendus, sur leur demande, par le Chef d’établissement et par le Conseil de discipline [6].

Dans les collèges et lycées publics, l’élève a donc automatiquement droit d’être assisté par un Avocat lors de son passage devant le Conseil de discipline ce qui ne sera pas forcément le cas en établissement privé sous contrat avec l’Etat, les règles étant fixées par le règlement intérieur.

3. Mesure conservatoire.

En cas de nécessité, le Chef d’établissement peut, à titre conservatoire, interdire l’accès de l’établissement à un élève pendant un délai de deux jours ouvrables lorsque le Chef d’établissement prononce seul la sanction [7] ou bien en attendant la comparution de l’élève devant le Conseil de discipline [8]. S’il est mineur, l’élève est remis à son représentant légal.

Si cette mesure ne présente pas le caractère de sanction selon le Code de l’éducation, elle constitue dans les faits une exclusion en attente de régularisation par le Conseil.

4. Déroulement de la séance du Conseil de discipline.

Le Conseil de discipline de l’établissement comprend quatorze membres [9] :

1° Le Chef d’établissement qui préside le Conseil ;
2° L’adjoint au Chef d’établissement ou, dans les établissements publics locaux d’enseignement, le cas échéant, l’adjoint désigné par le Chef d’établissement en cas de pluralité d’adjoints, qui préside le Conseil en cas d’absence du Chef d’établissement ;
3° Un conseiller principal d’éducation désigné par le conseil d’administration, sur proposition du Chef d’établissement ;
4° Le gestionnaire de l’établissement ;
5° Cinq représentants des personnels dont quatre représentants des personnels d’enseignement et d’éducation et un représentant des personnels administratifs, sociaux et de santé, techniques, ouvriers et de service ;
6° Trois représentants des parents d’élèves dans les collèges et deux dans les lycées ;
7° Deux représentants des élèves dans les collèges et trois dans les lycées.

Le jour J le président ouvre la séance et désigne un secrétaire de séance parmi les membres du Conseil de discipline. L’élève, son représentant légal, le cas échéant, la personne chargée d’assister l’élève sont introduits. Le président donne lecture du rapport motivant la proposition de sanction [10].

Le Conseil de discipline entend l’élève et, sur leur demande, son représentant légal et la personne chargée d’assister l’élève. Il entend également [11] :
1° Deux professeurs de la classe de l’élève en cause, désignés par le Chef d’établissement qui peut à cet effet consulter l’équipe pédagogique ;
2° Les deux délégués d’élèves de la classe de l’élève en cause ;
3° Toute personne de l’établissement susceptible de fournir des éléments d’information sur l’élève de nature à éclairer les débats ;
4° Les autres personnes convoquées par le Chef d’établissement, mentionnées à l’article D511-31 (la personne ayant demandé au Chef d’établissement la comparution de l’élève, les témoins ou les personnes susceptible d’éclairer le conseil de discipline sur les faits motivant la comparution de l’élève) et, si elles sont mineures, en présence de leur représentant légal.

Si les textes prévoient que « le président conduit la procédure et les débats dans le respect du contradictoire, avec le souci de donner à l’intervention du Conseil de discipline une portée éducative », le respect du contradictoire n’est bien souvent qu’une illusion d’où la nécessité pour l’élève de se faire assister par un Avocat.

5. Sanctions pouvant être prononcées.

Les sanctions pouvant être prononcées par le Conseil de discipline sont les suivantes [12] :
1° L’avertissement, sanction effacée du dossier administratif de l’élève à la fin de l’année scolaire en cours ;
2° Le blâme, sanction effacée du dossier administratif de l’élève à l’issue de l’année scolaire suivant celle du prononcé de la sanction ;
3° La mesure de responsabilisation consistant en la participation de l’élève, en dehors des heures d’enseignement, à des activités de solidarité, culturelles ou de formation à des fins éducatives pour une durée maximale de 24h, sanction effacée du dossier administratif de l’élève à l’issue de l’année scolaire suivant celle du prononcé de la sanction ;
4° L’exclusion temporaire de la classe durant laquelle l’élève est accueilli dans l’établissement, la durée de cette exclusion ne peut excéder huit jour, sanction effacée du dossier administratif de l’élève à l’issue de la deuxième année scolaire suivant celle du prononcé de la sanction ;
5° L’exclusion temporaire de l’établissement ou de l’un de ses services annexes. La durée de cette exclusion ne peut excéder huit jours. L’accord de l’élève, et, lorsqu’il est mineur, celui de son représentant légal, doit être recueilli en cas d’exécution à l’extérieur de l’établissement. Sanction effacée du dossier administratif de l’élève à l’issue de la deuxième année scolaire suivant celle du prononcé de la sanction.
6° L’exclusion définitive de l’établissement ou de l’un de ses services annexes.

Lorsqu’une sanction d’exclusion définitive est prononcée par le Conseil de discipline à l’encontre d’un élève soumis à l’obligation scolaire, le Recteur ou le Directeur académique des services de l’éducation nationale agissant sur délégation du Recteur d’académie, selon le cas, en est immédiatement informé et pourvoit aussitôt à son inscription dans un autre établissement ou centre public d’enseignement par correspondance.

En outre, il peut, compte tenu des circonstances ayant conduit à l’exclusion définitive de l’élève et des besoins spécifiques de ce dernier, procéder à son inscription, à titre transitoire et dans la limite d’une année scolaire, dans une classe relais de cet établissement ou d’un établissement tiers. Les classes relais, dont l’encadrement peut inclure des éducateurs spécialisés, comprennent des élèves présentant des problèmes de comportement et rencontrant des difficultés d’apprentissage. Elles sont créées par le recteur et favorisent la réintégration dans le cursus de formation. Leurs modalités de fonctionnement sont fixées par le ministre chargé de l’éducation et le ministre de la justice.

Les sanctions 1° à 5° peuvent être prises par le Chef d’établissement seul sans saisine du Conseil de discipline [13].

L’exclusion définitive de l’établissement ou de l’un de ses services annexes, sanction la plus importante, est quant à elle nécessairement décidée par le Conseil de discipline [14]. La saisine du Conseil de discipline (hors cas de saisine obligatoire) peut donc être motivée par la sanction que le Chef d’établissement souhaite voir prononcée à savoir l’exclusion définitive.

A l’exception de l’avertissement et du blâme, les sanctions peuvent être assorties d’un sursis dont la durée ne peut être inférieure à l’année scolaire en cours et ne peut excéder celle de l’inscription de la sanction au dossier administratif de l’élève ou s’agissant de l’exclusion définitive la fin de la deuxième année scolaire suivant le prononcé de la sanction.

Un élève peut demander l’effacement des sanctions inscrites dans son dossier administratif lorsqu’il change d’établissement.

Les sanctions sont effacées du dossier administratif de l’élève au terme de sa scolarité dans le second degré.

En cas de prononcé d’une exclusion temporaire de classe ou de l’établissement, le Chef d’établissement ou le Conseil de discipline peut proposer une mesure alternative consistant en une mesure de responsabilisation.

6. Décision du Conseil de discipline.

La décision du Conseil de discipline est prise en présence des seuls membres du Conseil ayant voix délibérative.

Tous les votes interviennent à bulletins secrets, à la majorité des suffrages exprimés. Les abstentions, les bulletins blancs et nuls ne sont pas comptés.

Les membres du Conseil de discipline et les personnes ayant pris part aux délibérations de celui-ci sont soumis à l’obligation du secret en ce qui concerne tous les faits et documents dont ils ont eu connaissance.

Le Président notifie aussitôt à l’élève et à son représentant légal la décision du Conseil de discipline. Cette décision est confirmée par pli recommandé le jour même.

La notification mentionne les voies et délais d’appel.

En effet, les établissements d’enseignement préfèrent le plus souvent se « débarrasser » d’un élément perturbateur en ayant recours à l’exclusion de manière quasi systématique alors même qu’un travail de fond avec l’élève serait envisageable.

L’intervention plus fréquente d’Avocats au sein des Conseils de discipline pourrait peut-être permettre une remise en question de cette pratique.

7. Principes généraux du droit applicables.

Différents principes généraux du droit trouvent à s’appliquer à la procédure de discipline scolaire :
1) Le principe de légalité des fautes et des sanctions imposant de mentionner au règlement intérieur de l’établissement les fautes et sanctions conformes pour ces dernières aux dispositions de l’article R511-13 du Code de l’éducation ;
2) La règle « non bis in idem » selon laquelle un élève ne peut pas faire l’objet de plusieurs sanctions pour un même fait ;
3) Le principe du contradictoire devant permettre à l’élève, son représentant légal et la personne éventuellement chargée de l’assister de prendre connaissance du dossier et de pouvoir faire valoir ses arguments lors du Conseil de discipline ou auprès du Chef d’établissement ;
4) Le principe de proportionnalité devant conduire au prononcé d’une réponse éducative adaptée avec gradation des sanctions en fonction de la nature de la faute commise ;
5) Le principe d’individualisation impliquant de prendre en compte le degré de responsabilité de l’élève. Les sanctions collectives sont ainsi prohibées ;
6) L’obligation de motivation de la décision prononcée par le Chef d’établissement ou le Conseil de discipline qui doit être écrite et comporter une motivation claire et précise.

La violation de ces principes pourra justifier l’exercice des voies de recours à l’encontre de la décision rendue.

8. Recours.

La décision du Conseil de discipline peut être déférée au Recteur de l’Académie, dans un délai de huit jours à compter de sa notification écrite, soit par le représentant légal de l’élève, ou par ce dernier s’il est majeur, soit par le Chef d’établissement. Là encore, l’élève a la possibilité d’être assisté par un Avocat.

Le Recteur d’Académie décide après avis d’une commission académique de confirmer ou bien d’annuler la décision du Conseil de discipline. Dans les faits, la réintégration de l’élève au sein de l’établissement est parfois néfaste pour lui de sorte qu’il peut être demandé une modification de la motivation de la décision (exemple : Violence au lieu d’agression lorsqu’il s’agissait en réalité d’une bagarre ; vente au lieu de racket).

Cette modification permet bien souvent de soulager les parents et l’élève qui ressentent un vif sentiment d’injustice.

Il est ensuite possible de former (après recours préalable obligatoire auprès du Recteur) un recours contentieux contre cette nouvelle décision du Recteur d’Académie devant le Tribunal administratif dans les deux mois.

Lorsque la sanction a été prise par le Chef d’établissement seul, un recours administratif est possible contre la décision prise dans un délai de deux mois à compter de la notification soit devant le Chef d’établissement lui-même (recours gracieux) soit devant le Recteur (recours hiérarchique). Il sera ensuite possible de contester cette nouvelle décision dans les deux mois. Ce recours administratif n’est toutefois pas un préalable obligatoire. Il est donc possible de saisir directement le Tribunal administratif dans le même délai de deux mois.

Sandra MARQUES Avocat Barreau de Lyon

[1Article R421-10 Code de l’éducation.

[2Article R511-12 Code de l’éducation.

[3Article R421-10-1 Code de l’éducation.

[4Article R421-10 Code de l’éducation.

[5Article D511-31 Code de l’éducation.

[6Article D511-32 Code de l’éducation.

[7Article R421-10-1 Code de l’éducation.

[8Article D511-33 Code de l’éducation.

[9Article R511-20 Code de l’éducation.

[10Articles R511-36 et suivants Code de l’éducation.

[11Article R511-39 Code de l’éducation.

[12Article R511-13 Code de l’éducation.

[13Article R511-14 Code de l’éducation.

[14Article R511-14 Code de l’éduction.

Comentaires: