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Loi climat et immobilier : professionnels que retenir de cette réforme historique ? Par Fanny Quilan, Juriste.
Parution : lundi 18 octobre 2021
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Promulguée le 22 aout 2021 et publiée au Journal officiel du 24 aout 2021, la loi n°2021-1104 du 22 aout 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite "Loi Climat", comprend une partie des 149 propositions de la Convention citoyenne pour le climat retenues par le chef de l’Etat pour réduire les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. L’objectif posé en son article 1er est clair, atteindre les objectifs de l’Accord de Paris et ceux du Pacte vert pour l’Europe.
Article mis à jour par son auteure en septembre 2022.

Cet objectif passe notamment par celui d’une « rénovation énergétique performante », et globale (réalisée dans un délai fixe ce qui fera l’objet d’incitation financière), du parc immobilier ancien ainsi qu’il est prévu au Titre V "Se loger" Loi Climat.

De concert avec la récente réforme DPE, l’écologie s’ancre désormais dans l’immobilier ancien (et neuf par l’effet de la RE 2020 en vigueur le 1er janvier 2022).

L’article 155 de la loi Climat qui créé l’article L111-1, 17 bis du CCH, définit cet objectif.

Une « rénovation énergétique performante » suppose de remplir 3 critères : veiller à assurer des conditions satisfaisantes de renouvellement de l’air ; permettre le classement du bien en classe A ou B (C pour les biens anciennement classés F ou G) ; concentrer 6 postes de travaux à savoir : l’isolation des murs / planchers bas / toiture, le remplacement des menuiseries extérieures, la ventilation, la production de chauffage et d’eau chaude.

D’application stricte, la Cour des comptes évaluera annuellement la mise en œuvre des mesures prévues par la loi Climat, avec l’appui du Haut Conseil pour le climat. En outre, et tous les 3 ans, le Haut Conseil pour le climat évaluera l’action des collectivités territoriales en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’adaptation au changement climatique.

Un système d’évaluation permanente des effets de la loi est ainsi mis en place. L’impact sera donc fondamental sur l’ensemble du parc immobilier ancien, qu’il s’agisse de vente ou de location.

Maîtriser ces nouvelles règles sera élémentaire dans votre devoir de conseil, d’information et d’accompagnement client.

Trois objectifs sont à retenir pour la réussite de vos affaires immobilières.

I/ Objectif n°1 : L’éradication des passoires thermiques (E,F,G) & l’incitation aux travaux de rénovation.

a) Eradiquer les passoires thermiques.

Cet objectif introduit à titre préliminaire par la réforme DPE (opposable depuis le 1er juillet 2021), prévoyait à travers le Décret n°2020-1609 qu’à compter du 1er janvier 2022 les annonces immobilières devraient comporter une indication sur le montant des dépenses théoriques annuelles de l’ensemble des usages énergétiques.

Ce même décret précisait que les professionnels devront indiquer « Logement à consommation énergétique excessive » : en taille au moins égale à celle des caractères du texte de l’annonce, pour les logements excédant le seuil de 330 kilowattheures d’énergie primaire par mètre carré.

Pour ces logements (et seulement eux) il faudra mentionner l’obligation, sauf dérogation, de parvenir, au plus tard au 1er janvier 2028, à ce seuil fatidique.

Dans la continuité de la réforme DPE et pour parvenir à l’éradication progressive des passoires thermiques, les logements classés E, F, G, seront progressivement exclus du marché locatif par application de l’article 160 loi Climat, qui ajoute aux critères de la décence posés par l’article 6 de la loin°89-462 celui d’un seuil maximal de « consommation d’énergie finale par mètre carré et par an » (modification qui entrera en vigueur au 1er janvier 2023).

Ainsi, les articles 159 et 160 loi Climat prévoient un cheminement d’éradication en 4 étapes :

- Dès aout 2022 / janvier 2023, les propriétaires des logements classés G et F devront entreprendre la réalisation de travaux de rénovation énergétique s’ils veulent augmenter leur loyer. A défaut le loyer sera gelé, dans les conditions de l’art.159 Loi Climat, cela signifie : pas de majoration, pas de révision, pas de réévaluation, pas de complément de loyer dans les zones plafonnées, et enfin le loyer du nouveau contrat ne pourra excéder celui du précédent ;
- Dès 2025, les logements classés G ne pourront plus être loués ;
- Dès 2028, les logements classés F ne pourront plus être loués ;
- Dès 2034, les logements classés E ne pourront plus être loués.

Le locataire qui s’en réclamera pourra fixer un rendez-vous avec l’ARS [1] aux fins de constater l’indécence du logement au regard de cette nouvelle donnée.

Le locataire ne sera pas exonéré du paiement de son loyer, pour autant, le juge pourra geler le loyer, contraindre le propriétaire à l’exécution des travaux de rénovation, imposer la réduction de loyer, accorder des indemnités au locataire.

Le propriétaire de bonne foi qui, malgré toutes les diligences possibles ne pourra atteindre le niveau de performance exigé devra démontrer que cette impossibilité est liée : aux caractéristiques de l’immeuble en copropriété, ou, aux contraintes architecturales/patrimoniale du logement (art.160 loi Climat).

Ainsi, qu’il est indiqué, cette réforme aura une conséquence non négligeable pour la vente de biens locatifs.

L’engouement des investisseurs sera susceptible d’en pâtir, mais n’oubliez pas que des mesures fiscales incitatives existent !

b) Inciter aux travaux de rénovation énergétique.

Pour éviter l’effet « repoussoir », n’oubliez pas de prendre conseil auprès de « Faire » [2], ou par téléphone [3]. Vous pouvez également utiliser le Simulateur d’aides [Faire.fr].

C’est également l’occasion de rappeler à vos investisseurs que le dispositif Maprimerenov’ [4] a évolué au 1er juillet 2021, puisqu’il est désormais ouvert à tous les propriétaires, qu’ils soient occupants (résidence principale) ou bailleurs (Décret n°2021-911 du 8 juillet 2021).

A savoir également que Maprimerenov’ prévoit l’allocation d’un « bonus sortie de passoire » de 1 500 euros maximum, aux propriétaires qui effectuent des travaux permettant de sortir leur logement du statut de passoire thermique. Ce bonus est cumulable avec le « bonus Bâtiment Basse Conso’ » alloué dans les mêmes conditions aux propriétaires qui obtiendront une étiquette A ou B.

Les autres dispositifs applicables :

Aides aux travaux de rénovation
Dispositif Denormandie
Pour les investissements locatifs situés dans un quartier ancien dégradé et dont les travaux de rénovation représentent 25% du coût de l’opération.
Service en ligne
Taux de tva à 5.5%
Pour tous travaux d’un montant supérieur à 300 €, il faudra remettre à l’entrepreneur une attestation confirmant le respect des conditions d’application des taux réduits de TVA
Cerfa n°1301-SD travaux hors gros œuvre
Cerfa n°1300-SD (travaux gros œuvre).
Exonération taxe foncière
En fonction de votre Commune et/ou Département. Il faudra déposer une demande auprès du centre des finances publiques ou du centre des impôts.
Déposez avant le 1er janvier de la 1ère année à compter de laquelle l’exonération s’applique, une déclaration sur papier libre.
Ecopret à taux zéro par l’ANAH
Adressez à votre banque votre demande complétée des éléments : Formulaire entreprise ; Formulaire emprunteur ; Justificatif de résidence principale ; Dernier avis d’imposition ; Descriptif des travaux faisant apparaît le montant prévisionnel et des devis détaillés signés par le professionnel.
Trouver un professionnel RGE
Formulaire entreprise
Formulaire emprunteur

Les aides locales émanant de votre région.

Renseignement auprès de l’Agence local de l’énergie et du climat, et de l’ANAH.
Le prêt avance mutation consentie par un établissement de crédit à une personne physique pour financer des travaux de rénovation. Le remboursement ne sera exigible que lors de la mutation du bien.
[Ce prêt est de nouveau mis en lumière par l’effet de l’article 169 de la Loi Climat qui prévoit que l’Etat garantira aux banques le risque financier découlant de ce dispositif.]
Renseignez-vous auprès de votre Banque.
(C. consom. art. L315-2, al. 1)

II/ Objectif n°2 : Améliorer la connaissance de l’état énergétique des biens en renforçant l’information DPE.

a) L’édition d’un audit énergétique accompagnant le DPE d’un bien autonome passoire.

Dans la continuité du paragraphe précédent et pour parvenir à l’éradication progressive des passoires thermiques, l’article L126-28-1 du CCH (non encore en vigueur) créé par l’article 158 la loi Climat prévoit de doubler le DPE d’un audit énergétique. Ce cheminement se fera en 3 étapes :
- Dès le début de l’année 2023, le DPE des biens autonomes (hors copropriété) classés G & F devra comprendre un audit énergétique formulant des propositions de travaux ;
- Dès janvier 2025 (report possible), le DPE des biens autonomes (hors copropriété) classés E devra comprendre un audit énergétique formulant des propositions de travaux ;
- Dès janvier 2034 (report possible), le DPE des biens autonomes (hors copropriété) classés D devra comprendre un audit énergétique formulant des propositions de travaux.

b) Entrée en vigueur du carnet numérique prévu par la loi ELAN.

Rappelons que parallèlement à cet audit, le « carnet numérique du logement » créé par la loi Elan et dont l’entrée en vigueur a été retardée faute de décret, entrera en vigueur dès 2023 par l’effet de l’article 167 loi Climat.

Ce carnet sera établi lors de la construction ou de la rénovation de logements qui feront l’objet d’une demande de permis ou de déclaration préalable déposé à compter du 1er janvier 2023, ou à défaut (de PC / DP) lorsque les travaux feront l’objet d’un devis accepté à compter du 1er janvier 2023, ou à défaut (de PC / DP / devis) lorsque les travaux débuteront à compter du 1er janvier 2023. Ce carnet est communiqué par le constructeur au propriétaire sous format papier ou numérique, et communiqué par le vendeur à l’acquéreur lors de la mutation du bien concerné. Ce carnet ne sera pas opposable.

Enfin, n’oublions pas le certificat de conformité des installations de chauffage au bois si le bien est situé dans le périmètre d’un plan de protection de l’atmosphère.

c) Les différentes dénominations des classes énergétiques.

Ajoutons enfin, que les niveaux de performance énergétique du DPE, actuellement qualifiés par une lettre (de A à G) porterons également un nom (art.L148 Loi Climat - art. L173-1-1 CCH) :

DPE
Classe AExtrêmement performant
Classe B Très performant
Classe C Assez performant
Classe D Assez peu performant
Classe E Peu performant
Classe F Très peu performant
Classe G Extrêmement peu performant

III/ Objectif n°3 : S’adapter au changement climatique dans les territoires situés en trait de côte et alerter l’acquéreur.

Les articles 236 et 244 de la loi Climat modifient l’article L125-5 du code de l’environnement. Cette modification entrera en vigueur le 1er janvier 2023.

S’agissant d’une part de l’article 236, l’état des risques qui avait été déjà changé à de multiples reprises par le passé contiendra désormais des précisions quant aux risques miniers et aussi des indications lorsque le bien est situé dans une zone menacée par le recul du trait de côte (avancée de la mer sur les terres qui menace à terme les ouvrages).

Cet état des risques continuera d’être produit lors de la vente ou de la location, mais deux précautions supplémentaires seront prises :
- 1ère précaution : dès le stade de la publicité, quel que soit le support (vitrine, internet) il faudra indiquer le moyen d’accéder à l’état des risques concernant le bien ;
- 2ème précaution : cet état des risques devra être remis au candidat potentiel dès la première visite du logement.

Cet état des risques sera porté au contrat de vente, et à celui de location. A défaut, le délai de rétractation SRU prévu à l’article L271-1 du CCH ne commencera à courir qu’à compter du lendemain de sa communication à l’acquéreur.

Une cartographie des zones impactées par le recul du trait de côte sera mise en place et prise en considération dans les documents d’urbanisme. Il en résultera des restrictions possibles à la constructibilité selon que la zone sera exposée au recul du trait de côte à l’horizon de 30 ans ou à l’horizon de 30 à 100 ans. Ces sujétions seront portées au contrat de vente, et à celui de location.

L’acquéreur informé qui réitèrera l’opération de vente dans ces conditions sera censé avoir accepté le risque, puisque de jurisprudence constante « les conséquences d’un engagement librement souscrit et déclaré valable ne constituent pas un préjudice réparable ».

S’agissant d’autre part de l’article 244, il est applicable aux biens situés dans les zones à risque de recul du trait de côte. Il instaure un nouveau droit de préemption de la personne publique afin de pouvoir se substituer à tout acquéreur d’un bien qui serait menacé par l’érosion et l’avancée de la mer et dont le bien serait irrémédiablement voué à disparaître.

Fanny Quilan Responsable juridique du réseau immobilier AXO

[3Au n°0 808 800 700.