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Contrats de franchise en Espagne. Par Julio Rocafull Rodríguez et David del Valle Díez, Avocats.
Parution : mardi 19 octobre 2021
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Un accord de franchise est un contrat établi entre des entreprises (le franchiseur et le franchisé) dans le but de créer un réseau de distribution uniforme avec un investissement limité. Le contrat de franchise est principalement réglementé par le décret royal espagnol 201/2010 relatif à l’activité commerciale du régime de la franchise et à la communication des informations sur le Registre espagnol des franchiseurs, et par l’article 62 de la loi 7/1996, du 15 janvier 1996, sur le commerce de détail.

Obligation d’information précontractuelle en franchisage.

Il n’est pas nécessaire de consigner le contrat par écrit, mais la législation espagnole établit certaines normes d’obligation d’information précontractuelle, contraignant le franchiseur à un devoir de transparence. Le franchiseur doit ainsi fournir certaines informations au franchisé au moins 20 jours ouvrables avant la signature du contrat de franchise ou de tout autre accord préliminaire, ou paiement, de la part du franchisé potentiel.

Les informations fournies sont nécessaires pour que le franchisé puisse décider librement de son intégration dans le réseau de franchise. L’information précontractuelle est essentielle pour la formation du libre consentement requis pour l’opposabilité du contrat de franchise.

Le franchiseur est tenu par la loi espagnole de fournir au moins les informations suivantes :
- Données d’identification du franchiseur, notamment le nom, les informations relatives à l’inscription au registre des franchiseurs, la description du capital dans le dernier bilan de l’entreprise, etc.,
- Preuves de la propriété ou des accords de licence (notamment leur durée) concernant les marques utilisées par la franchise, y compris toute information concernant des réclamations contre la propriété ou l’utilisation de la marque susmentionnée,
- Description générale du secteur d’activité de la franchise,
- Expérience du franchiseur, notamment la date de création de la franchise, les principales phases de son évolution et le développement du réseau de franchise,
- Contenu et caractéristiques de la franchise, comprenant une présentation générale de l’activité et une explication de son savoir-faire et de l’assistance commerciale et technique fournie par le franchiseur. Le franchiseur doit donner au franchisé une estimation des dépenses et de l’investissement nécessaires pour l’installation d’un établissement standard.

Si le franchiseur fournit au franchisé potentiel des prévisions de chiffres d’affaires ou de résultats d’exploitation, celles-ci doivent être fondées sur des expériences ou des études suffisamment étayées,
- Structure et étendue du réseau de franchise en Espagne, notamment une description de l’organisation, et le nombre d’établissements en Espagne, en distinguant ceux qui sont exploités directement par le franchiseur de ceux qui fonctionnent sous le régime de transfert de franchise, avec l’indication de leur localisation, et le nombre de franchisés qui ont cessé d’appartenir au réseau en Espagne au cours des deux dernières années (y compris la cause de cette cessation),
- Eléments essentiels du contrat de franchise, notamment les droits et devoirs de chaque partie, la durée du contrat, les clauses de résiliation et de renouvellement, les conditions économiques, les clauses d’exclusivité et les éventuelles limitations imposées au franchisé pour le développement de son entreprise.

Principales clauses d’un contrat de franchise.

Les accords de franchise sont des contrats atypiques régis par le principe de la liberté contractuelle des parties. Le franchiseur et le franchisé peuvent établir les conditions dont ils conviennent, à condition qu’elles ne soient pas contraires à la législation espagnole, à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.

Le contrat de franchise est un accord commercial par lequel le franchiseur cède des droits pour la commercialisation de produits et/ou de services en échange d’un paiement par le franchisé. Les droits cédés par le franchiseur doivent inclure au moins l’un des éléments suivants :
- L’utilisation d’un même nom commercial ou autres droits de propriété intellectuelle et une présentation uniforme des locaux ou des moyens de transport,
- La communication de connaissances techniques ou de savoir-faire, qui doivent appartenir au franchiseur et être substantiels et uniques,
- La fourniture d’une assistance commerciale et technique pendant toute la durée de l’accord.

Propriété intellectuelle et savoir-faire.

Il est essentiel de spécifier les marques, les droits d’auteur, le savoir-faire et l’image d’entreprise du modèle commercial de la franchise qui font l’objet d’une cession dans l’accord de franchise. En cas de conflit entre les parties, le franchiseur doit être en mesure de fournir des preuves visant à déterminer le contenu de la propriété intellectuelle et du savoir-faire protégés [1].

Les droits de marque en Espagne s’acquièrent par l’enregistrement auprès de l’Office espagnol des brevets et marques (OEPM) pour les marques espagnoles ou auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) pour les marques de l’Union européenne (MUE). La loi espagnole 17/2001 sur les marques prévoit des actions civiles et pénales pour faire valoir les droits de marque, telles que des mesures d’injonction, des actions visant à obtenir la cessation, la suppression des effets ou la réparation des dommages. La législation espagnole accorde également une protection aux marques non enregistrées. Le savoir-faire de la franchise peut également être protégé en tant que secret commercial et industriel du franchiseur.

La loi espagnole 3/1991, du 10 janvier 1991, relative à la concurrence déloyale prévoit des recours contre une divulgation non autorisée du savoir-faire du franchiseur. Il est également possible de protéger ses matériels, logiciels et sites Internet grâce à la loi espagnole sur le droit d’auteur.

En cas de résiliation du contrat, le contrat de franchise impose généralement la restitution de tout le matériel et mobilier contenant la propriété intellectuelle et le savoir-faire du franchiseur et interdit au franchisé de profiter dudit savoir-faire pour reproduire l’activité en dehors du réseau de franchise. De surcroît, le Tribunal suprême espagnol a qualifié ce comportement du franchisé de concurrence déloyale dans son arrêt 754/2005, du 21 octobre 2005.

Contrôle du franchiseur et compensation économique.

Bien que les parties soient juridiquement et économiquement indépendantes, un accord de franchise établit normalement un système de contrôle de gestion pour s’efforcer de protéger le fonds commercial et les marques de la franchise, et pour garantir la qualité des services et des produits fournis par tous les membres du réseau de franchise.

L’accord de franchise établit une relation contractuelle entre les parties, caractérisée par le contrôle et la surveillance du franchisé par le franchiseur pendant la durée du contrat.

Le contrat de franchise impose normalement des contraintes au franchisé pour que ce dernier se conforme au modèle commercial de la franchise et permet au franchiseur de contrôler le respect des instructions et des directives fournies dans les manuels et règlements de la franchise. Les contrats de franchise établissent généralement le droit du franchiseur d’effectuer des inspections et de visiter les locaux du franchisé pour vérifier le respect des règles commerciales et l’uniformité du réseau de franchise. La violation de ce droit d’inspection habilitera le franchiseur à résilier le contrat [2].

La plupart des accords de franchise calculent une partie de la rémunération du franchiseur sous forme d’un pourcentage sur les ventes, les revenus ou les bénéfices du franchisé, ce qui constitue une manière objective d’évaluer ses bénéfices réels. En conséquence, il est généralement établi un droit d’information pour le franchiseur et un droit d’accès et d’examen des documents comptables du franchisé, afin de vérifier la réalité des résultats de l’entreprise.

En ce qui concerne l’assistance technique et commerciale, elle nécessite une communication continue entre le franchiseur et le franchisé. Il est fortement recommandé au franchiseur de conserver la preuve de la prestation effective de cette assistance, et de délimiter l’assistance incluse dans la franchise, en la distinguant de tout service supplémentaire fourni sur un marché libre. L’arrêt du Tribunal suprême espagnol 164/1997, du 4 mars 1997, reconnaît le droit du franchisé de résilier le contrat en cas de violation des obligations d’assistance commerciale et de formation.

Enfin, en ce qui concerne les prix, le franchiseur ne peut pas imposer de prix de vente minimums aux franchisés, mais il peut les recommander et imposer des prix maximums. A titre exceptionnel, le franchiseur peut imposer des prix de revente fixes pour des campagnes spécifiques et limitées de lancement de nouveaux produits.

Droits d’exclusivité et non-concurrence.

Le circuit d’approvisionnement, qu’il concerne des produits ou des services, doit être précisé dans le contrat, ainsi que le fait que l’approvisionnement soit assuré par le franchiseur, par des fournisseurs de référence ou par une centrale d’achat ou de référence.

L’exclusivité de la fourniture des produits couverts par le franchiseur peut être totale ou partielle et doit être justifiée. Le règlement espagnol pour la défense de la concurrence (décret royal 261/2008) et le règlement d’exemption par catégorie de l’UE prévoient certaines exemptions à l’interdiction générique des accords et des pratiques concertées contenue dans les traités de l’UE et la législation espagnole. Les clauses d’exclusivité et de non-concurrence d’un contrat de franchise peuvent bénéficier de l’exemption de l’interdiction générale lorsqu’elles remplissent les conditions établies dans ces règlements.

Si une clause n’est pas couverte par ces règlements de minimis, cela signifie uniquement que l’exemption ne s’applique pas, mais il conviendra de déterminer dans chaque cas si la clause est proportionnée et justifiée pour protéger les intérêts légitimes des parties, et si elle ne produit pas un effet restrictif sur la concurrence qui n’est pas suffisamment compensé par les bénéfices que cette clause génère pour l’efficacité du contrat et du marché en général.

Il est notamment interdit de restreindre les approvisionnements croisés entre franchisés en services et produits du réseau. Une clause d’approvisionnement exclusif de plus de 5 ans, lorsque les produits que le franchisé doit nécessairement acheter en exclusivité représentent plus de 80% de ses achats totaux, peut également violer les règles de non-concurrence applicables en Espagne et être considérée comme nulle.

Une clause de non-concurrence est valide, légale et exécutoire en Espagne.

Cependant, le règlement (UE) n° 330/2010 concernant l’application du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées établit certaines exigences pour ce type de clauses restrictives.

Le règlement de l’UE exempte de l’interdiction de l’article 101.1 du TFUE les clauses de non-concurrence incluses dans un contrat de franchise imposées au franchisé qui lui interdisent de développer des activités concurrentes à celles de la franchise pendant la durée du contrat, lorsque cela est nécessaire pour maintenir l’identité commune et la réputation du réseau franchisé, ainsi que dans les locaux où était situé l’établissement franchisé et dont la durée n’excède pas un an à compter de la fin de l’accord de franchise.

Les clauses de non-concurrence concernant les ventes passives en dehors du territoire d’exclusivité ne sont pas recevables. Ainsi, le franchisé peut vendre des produits sur Internet même si l’acquéreur se trouve en dehors de son territoire d’exclusivité, à condition que le franchiseur ne fasse qu’exécuter une demande formulée par le client sans que le franchisé ait participé activement à la promotion de cette demande par le biais d’e-mails, de visites ou de campagnes publicitaires en dehors du territoire exclusif, etc.

Droit de premier refus et droits de préemption.

Le franchiseur est normalement désireux de contrôler le transfert de l’entreprise ou des actions de l’entreprise franchisée, étant donné la nature intuitu personae et collaborative de ce type d’accords. Les accords de franchise prévoient généralement l’obligation d’obtenir le consentement préalable du franchiseur pour la vente de l’entreprise, des droits de premier refus et des droits de préemption. Ces concepts juridiques limitent la liberté de vente du franchisé pour permettre au franchiseur d’exercer un contrôle sur les candidats à l’entrée dans le réseau de franchise et de maintenir les normes de qualité et d’uniformité nécessaires pour protéger le fonds commercial de l’entreprise.

En cas de fermeture de l’établissement du franchisé, le contrat de franchise et le contrat de location des locaux comportent généralement un droit de cession du contrat de location au franchiseur. Cela vaut particulièrement dans le cas d’emplacements emblématiques ou pertinents, que le franchiseur est spécialement désireux de conserver car ils font partie de l’image de la franchise.

Non-obligation de s’inscrire au Registre des franchiseurs.

Le décret royal espagnol 201/2010 a établi un Registre des franchiseurs dépendant de la Direction générale espagnole de la politique commerciale du ministère de l’Industrie, du Tourisme et du Commerce. Toutefois, le décret-loi royal 20/2018, du 7 décembre 2018, relatif aux mesures urgentes visant à stimuler la compétitivité économique dans le secteur de l’industrie et du commerce en Espagne, a supprimé l’obligation de s’inscrire au Registre espagnol des franchiseurs dans les trois mois suivant la date de début de l’activité.

La nouvelle législation a également supprimé les sanctions infligées aux franchiseurs pour non-enregistrement ainsi que l’obligation de mettre à jour tout changement concernant les informations enregistrées et de communiquer les informations relatives aux fermetures ou ouvertures de leurs propres établissements ou de leurs établissements franchisés survenues au cours de l’année précédente.

Julio Rocafull Rodríguez & David del Valle Díez Département Commercial & Entreprise, AGM Avocats.

[1Arrêt 7/2014, du 10 janvier 2014, du Tribunal provincial de Madrid.

[2Arrêt 437/2012, du 4 septembre 2012, du Tribunal provincial de Madrid.