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Réforme de l’assurance chômage : une trop lente évolution ? Par Caroline Diard, Enseignant-Chercheur.
Parution : mardi 19 octobre 2021
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Les réformes successives de l’assurance chômage peinent à s’imposer.

Une réforme qui peine à entrer en vigueur.

Un nouveau mode de calcul de l’allocation chômage est entrée en vigueur ce 1er octobre 2021. La réforme a été initiée dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018. 3 ans se sont écoulés et toutes les mesures ne sont pas encore entrées en application. En effet cette loi s’est traduite en 2 décrets datés du 26 juillet 2019 fixant les nouvelles règles de l’assurance-chômage.

La première entrée en vigueur avait eu lieu en novembre 2019 avant d’être suspendue afin de tenir compte de la crise liée au Covid-19. Certaines mesures, issues d’un autre décret en date du 30 mars 2021, sont néanmoins désormais applicables depuis le 1er juillet 2021 (notamment à la dégressivité des droits chômage pour les plus hauts revenus et bonus-malus pour les entreprises de sept secteurs).

Le nouveau mode de calcul de l’allocation chômage, qui devait entrer en vigueur a quant à lui été suspendu par le conseil d’état le 22 juin 2021. En effet, saisi par plusieurs syndicats contestant la réforme de l’assurance-chômage, le juge des référés du Conseil d’État a suspendu les règles de calcul du montant de l’allocation chômage qui devaient entrer en vigueur le 1er juillet. Ces nouvelles règles qui sont censées favoriser la stabilité de l’emploi en rendant moins favorable l’indemnisation du chômage des salariés ayant alterné contrats courts et inactivité semble en effet difficile à mettre en œuvre dans un contexte d’incertitude économique.

De nouvelles règles déjà en vigueur.

De nouvelles règles de calcul s’appliquent déjà depuis le 1er octobre 2021. Le jeudi 30 septembre 2021, le gouvernement a ainsi publié un décret pour mettre en œuvre la réforme de l’assurance chômage dès le 1er octobre sans attendre l’avis du conseil d’Etat. La haute juridiction doit donc encore se prononcer sur le fond.

La réforme est censée répondre à trois objectifs :
- lutter contre le recours abusif aux contrats courts ;
- faire en sorte que le travail paye plus que l’inactivité ;
- renforcer l’accompagnement des demandeurs d’emploi ;

L’histoire d’un dispositif paritaire de plus de 60 ans.

L’assurance chômage a été créé en 1958 conjointement par le patronat (CNPF) et plusieurs syndicats (CFTC, CGC et CGT-FO), sous l’impulsion du Général de Gaulle.

Il s’agit d’un régime conventionnel défini par voie d’accords négociés mis en œuvre par les Assédic sur le terrain et l’Unedic à la tête du réseau et dirigées par les représentants des employeurs et des salariés à parts égales. Il s’agit d’un système dit « paritaire ».

L’objectif était alors de créer « un régime d’allocations spéciales » aux travailleurs sans emploi afin de permettre aux salariés au chômage un revenu de remplacement (une allocation) et à les accompagner face aux transformations du marché du travail.

En 1967, une ordonnance généralise le système à l’ensemble des salariés du secteur privé à partir de 1968 et crée l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), pour accompagner les chômeurs vers un nouvel emploi.

Il s’agit d’un pilier de notre protection sociale dont la vocation n’a pas changé.

Des droits et des devoirs.

Les salariés involontairement privés d’emploi peuvent prétendre à des indemnités versées pendant une période pouvant aller jusqu’à 730 jours pour les personnes de moins de 53 ans, et majorées pour les personnes à partir de cet âge. Le salaire journalier de la période d’emploi qui précède l’indemnisation sert de base au calcul du montant de l’allocation versée par Pôle emploi. Le calcul est réalisé de 2 manières différentes : 40,4% du salaire journalier de référence (SJR) + une partie fixe de 12,12 euros (depuis le 01/07/2021) ; 57% du SJR (salaire journalier de référence). C’est le montant le plus élevé qui est retenu.

En contrepartie les allocataires doivent démontrer des efforts de recherche d’emploi et ne pas avoir démissionné. La démission est cependant considérée comme légitime dans 17 cas. Parmi ces cas on citera le mariage ou Pacs accompagné d’un changement de lieu de résidence, un conjoint qui change de lieu de résidence pour exercer un nouvel emploi salarié ou non, des violences conjugales, imposant un changement de résidence, une démission d’un nouveau contrat avant que ne se soient écoulés 65 jours travaillés, suite à un licenciement, une rupture conventionnelle ou une fin de CDD ; une démission après 3 années d’affiliation sans interruption, suivie d’un CDI auquel l’employeur met fin dans les 65 premiers jours travaillés.

Les articles 49 et 51 et de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ont élargi le champ des bénéficiaires en cas de démission. Ainsi les salariés qui démissionnent d’un contrat à durée indéterminé (CDI) et les travailleurs indépendants peuvent désormais être indemnisés, mais sous conditions. Cet élargissement représente une dépense supplémentaire de 440 millions d’euros par an pour l’Unedic.

De nouvelles dispositions.

On notera que la réforme s’applique à au personnes qui s’inscrivent à Pôle emploi ou rechargent leurs droits à partir du 1er octobre 2021. Pour les personnes qui sont en cours d’indemnisation, rien ne change jusqu’à l’épuisement des droits.

La réforme concerne :
- Les nouveaux allocataires ayant travaillé moins de six mois sur deux ans : l’ouverture des droits est effective à partir de quatre mois de travail au cours des 28 derniers mois ;
- Les "permittents" qui alternent contrats courts et chômage : le seuil de rechargement des droits passe à quatre mois ;
- Les allocataires avec de hauts revenus : pour les demandeurs d’emploi dont les revenus sont supérieurs à 4 500 euros bruts par mois, la réforme prévoyait initialement que l’allocation chômage était diminuée de 30% à partir du septième mois d’indemnisation par Pôle emploi. L’application de cette dégressivité est reportée à mars 2022.

Un réelle incitation à la reprise d’emploi ?

Prenons l’exemple d’une reprise à temps partiel : un demandeur d’emploi peut cumuler une partie de ses allocations avec son nouveau salaire, en fonction du montant de cette rémunération. Cette mesure garantit un niveau de revenu total mensuel (salaire + allocations) au moins équivalent à l’allocation seule. Elle évite une baisse brutale des revenus à la reprise d’un emploi [1].

Si le collaborateur retrouve ensuite un travail à temps plein il sera pénalisé si cet emploi est moins bien rémunéré. On imagine aisément la difficulté à se motiver pour reprendre un temps plein moins bien payé que le montant garanti par le cumul allocation / emploi à temps partiel.

Les réformes successives ont tenté de répondre de favoriser la reprise d’emploi et ont véritablement corrigé bien des incohérence mais peut-être qu’il reste encore des évolutions à apporter à travers de futures réformes. En effet, dans l’inconscient collectif, cela peut nuire à la reprise d’activité...

Caroline Diard Enseignant-Chercheur en Management des RH et Droit TBS Education