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La délégation de l’autorité parentale. Par Gauthier Lecocq, Avocat.
Parution : jeudi 21 octobre 2021
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Focus sur les règles relatives à la délégation de l’autorité parentale.

Il existe deux types de délégation de l’autorité parentale :

I- Qu’est-ce que la délégation volontaire de l’autorité parentale ?

A- Quelles sont les conditions de la délégation volontaire ?

Selon l’article 377, alinéa 1, du Code civil, un parent ou les deux peuvent volontairement demander une délégation totale ou partielle de leur autorité parentale, dès lors que les circonstances l’exigent.

Ces circonstances sont appréciées par les juges du fond.

En outre, la délégation ne sera concevable que dans les cas où celle-ci est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant [1].

Le ou les parents demandant la délégation choisissent le délégataire lequel doit être un tiers, un membre de la famille, un proche digne de confiance ou encore un établissement agréé pour l’accueil des enfants ou le service d’Aide Sociale à l’Enfance (ASE).

Le plus souvent le délégataire est une personne déjà présente au domicile de l’enfant.

Dans ces conditions, les juges du fond apprécient au regard des circonstances si le proche en question est effectivement digne de confiance.

Le délégataire peut toutefois être étranger à la famille pourvu qu’il ait tissé de véritables liens d’affection avec l’enfant (par ex : le compagnon ou la compagne du parent participant au quotidien de l’enfant).

Attention ! Le Juge aux affaires familiales devra refuser la délégation, s’il considère que la personne choisie en qualité de délégataire n’offre pas toutes les garanties nécessaires pour le bien-être de l’enfant.

B- Quelle est la procédure à engager ?

Selon les dispositions de l’article 376 du Code civil, la délégation ne peut résulter que d’une décision judiciaire.

Le Juge compétent pour connaître d’une telle demande est le Juge aux affaires familiales près le Tribunal Judiciaire du lieu où demeure l’enfant mineur.

La demande est formée conjointement par les deux parents ou par un seul d’entre eux.

Le Juge aux affaires familiales est saisi par une requête qui est soit adressée ou remise directement à son greffe, soit adressée au procureur de la République compétent qui la transmet ensuite au Juge aux affaires familiales.

La requête doit impérativement, à peine d’irrecevabilité, indiquer le lieu où demeure le mineur, le lieu où demeurent les titulaires de l’autorité parentale, ainsi que le motif de la requête.

Attention ! Si la demande est le fait d’un seul parent, alors l’autre parent doit nécessairement être appelé en la cause.

S l’autre parent exerçant conjointement l’autorité parentale s’oppose à la procédure de délégation, le Juge aux affaires familiales ne peut passer outre son refus.

Mais s’il n’exerce pas conjointement l’autorité parentale, ce dernier est en droit de s’opposer à la délégation au titre de son droit de surveillance.

Cependant, dans cette hypothèse, son seul refus ne lit pas le juge.

A l’occasion de la procédure, le parent qui s’oppose à la délégation peut solliciter le transfert de l’exercice de l’autorité parentale à son seul profit.

Par ailleurs, si l’audition de l’enfant n’est pas obligatoire, celui-ci peut demander à être entendu par le Juge aux affaires familiales.

Le requérant, les parents du mineur, la personne ou le service auxquels l’enfant a été confié sont convoqués à l’audience au moins 8 jours avant la date de celle-ci.

Lors de l’audience, le Juge aux affaires familiales entend les pères et mères, le tuteur ou la personne ou le représentant du service auquel l’enfant a été confié, ainsi que toute personne dont l’audition lui paraît utile.

Le Juge aux affaires familiales procède ou fait procéder, même d’office, à toutes les investigations qu’il considère utiles (par ex : une enquête sociale, une expertise médico-psychologique, etc.).

Le Ministère public recueille également les renseignements jugés utiles concernant la situation familiale de l’enfant et la moralité des parents.

Toutes les parties peuvent former appel à l’encontre de la décision rendue dans un délai de 15 jours à compter de sa notification.

II- Qu’est-ce que la délégation forcée de l’autorité parentale ?

A- Quelles sont les conditions de la délégation forcée ?

Selon l’article 377, alinéa 2, du Code civil, une délégation totale ou partielle de l’autorité parentale peut être demandée en cas de :
- désintérêt manifeste des parents : il doit exister au jour de la demande, être manifeste et résulter d’un comportement volontaire des parents ;
- ou s’ils se trouvent dans l’impossibilité d’exercer toute ou partie de l’autorité parentale : il s’agit des cas d’absence, d’éloignement géographique ou d’incapacité physique de manifester leur volonté ;
- ou si un parent est poursuivi ou condamné pour un crime commis sur la personne de l’autre parent ayant entraîné la mort de celui-ci.

Peuvent solliciter une délégation à leur profit :
- un membre de la famille, même si l’enfant ne vit pas chez lui,
- la personne ou l’institution qui a recueilli l’enfant : cette situation résulte soit d’une remise volontaire par les parents, soit d’un placement décidé par le Juge,
- Le procureur de République peut également demander la délégation au profit avec l’accord du tiers candidat à la délégation.

En tout état de cause, le Juge aux affaires familiales doit s’assurer que les conditions d’accueil sont satisfaisantes, notamment sur le plan affectif.

A défaut, il doit refuser la délégation et ne peut pas désigner un autre délégataire.

B- Quelle est la procédure à engager ?

La procédure est identique à celle d’une délégation volontaire.

Le demandeur est ici le tiers qui a recueilli l’enfant ou le membre de la famille.

Les deux parents doivent être appelés en la cause, mais le Juge aux affaires familiales peut passer outre leur opposition.

III- Quels sont les effets de la délégation de l’autorité parentale ?

La décision autorisant la délégation opère un transfert de l’exercice de l’autorité parentale (et non un retrait) et ce, jusqu’à la majorité de l’enfant, date à laquelle la délégation disparaîtra.

A- Le cas de la délégation totale.

A défaut de précision contraire du jugement, la délégation de l’autorité parentale est totale.

Les pouvoirs du délégataire sont importants, dans la mesure où :
- il prend seul toutes les décisions, usuels ou graves, au sujet de l’enfant ;
- il consent, le cas échéant, au mariage ou à l’émancipation de l’enfant ;
- si la délégation a été imposée par le Juge aux affaires familiales, il reçoit l’administration légale et peut donc représenter l’enfant et gérer son patrimoine.

Le délégataire est tenu à certaines obligations, et est notamment civilement responsable de l’enfant.

Il doit pourvoir à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, avec la possibilité de solliciter le remboursement de tout ou partie des frais engagés si l’enfant est par la suite restitué à ses parents [2].

Attention ! Le parent délégué conserve le droit de consentir à l’adoption de son enfant, l’obligation de contribuer à l’entretien et à l’éducation de l’enfant, ou encore la possibilité de faire valoir son droit à aliments.

B- Le cas de la délégation partielle

Si le Juge aux affaires familiales décide d’une délégation partielle de l’autorité parentale, celui-ci doit alors en préciser l’étendue.

Le délégataire et le parent agissent donc comme seuls titulaires de l’autorité parentale dans les domaines prévus.

C- Le cas de la délégation-partage.

Selon l’article 377-1, alinéa 2, du Code civil, le jugement de délégation peut prévoir, pour les besoins de l’éducation de l’enfant, que les père et mère, ou l’un deux, partageront tout ou partie de l’exercice de l’autorité parentale avec le tiers délégataire.

La délégation-partage n’emporte pas un partage distributif des attributions, mais bien un exercice conjoint : elle nécessite donc l’accord du parent délégant et de l’autre parent, dès lors qu’il exerce lui-aussi l’autorité parentale.

Il faut bien comprendre que l’autorité parentale est ici exercée par trois personnes : le père, la mère et le délégataire.

Dans cette hypothèse, les actes usuels sont valablement effectués par le délégant et le délégataire, toutefois les actes importants doivent recueillir un consensus.

Le délégataire n’est pas responsable des actes de l’enfant mineur, il ne reçoit pas l’administration légale, et n’est pas tenu de contribuer à l’entretien et à l’éducation de l’enfant.

Enfin, le Juge aux affaires familiales est compétent pour trancher les conflits qui peuvent survenir entre le délégant et le délégataire.

Gauthier Lecocq Avocat au barreau de Versailles Cabinet Bariseel-Lecocq & Associés Aarpi Inter-Barreaux

[1Cass., Civ. 1ère, 24 février 2006, n°04-17.090.

[2Article 377-2, alinéa 2, du Code civil.