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Justice pénale : fiction d’une refonte radicale. Par Rabii Chekkouri, Avocat.
Parution : mardi 26 octobre 2021
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Le droit pénal français, de fond comme de forme, a connu depuis la Révolution, des réformes et des mises à jour constantes.
Notre fiction concerne essentiellement les règles de formes, c’est-à-dire le Code de procédure pénale : le rêve d’une réforme substantielle et radicale des règles classiques que nous connaissons depuis plusieurs siècles.

La notion du procès équitable, telle que préconisée par le bloc de constitutionnalité et par la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme, ne cesse d’évoluer et de présenter de plus en plus d’exigences d’exemplarité.

Dans cette optique, j’ai eu comme pure imagination une justice pénale beaucoup plus parfaite - à mon humble opinion - que celle que nous connaissons ; une justice menée essentiellement au sein des juridictions, en limitant radicalement les prérogatives de la police judiciaire.

Police judiciaire : quel rôle efficace pourrait-elle jouer ?

Depuis l’entrée en vigueur du Code d’instruction criminelle en 1811, la police occupe une place primordiale et déterminante en matière de justice pénale.

Les institutions de police et de gendarmerie nationales demeurent sous la tutelle du Ministère de l’intérieur.

La dénomination « police judiciaire » - commune pour la police et la gendarmerie - a été instaurée pour souligner sa subordination à l’autorité judiciaire, comme le rappelle l’article 13 du Code de procédure pénale : « La police judiciaire est placée, dans chaque ressort de cour d’appel, sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre de l’instruction (...) ».

A la lecture de cet article, nous pourrions nous demander à quel point cette conception de subordination est-elle toujours utile de nos jours.

En effet, le parquet et la chambre de l’instruction exercent un contrôle sur l’action des officiers de police judiciaire chargés initialement d’une enquête ou d’une délégation de pouvoir dans le cadre d’une information judiciaire (en vertu d’une commission rogatoire).

Aux termes de l’article 14 du CPP, la police judiciaire est « chargée de constater les infractions à la loi pénale ». Le terme « constater » traduit une prérogative primordiale dont on ne peut s’en passer.

Toutefois, d’autres missions conférées à la PJ peuvent être discutées, notamment les auditions, quelles soient libres ou dans le cadre d’une garde à vue.

1. Suppression des auditions policières :

La police et la gendarmerie nationales devraient se focaliser exclusivement sur les missions de terrains et d’investigation matérielles et techniques :
- L’interpellation en situation de flagrance ;
- Mener des perquisitions et saisir des pièces à conviction ;
- Mener des opérations techniques telles que les interceptions téléphoniques et électroniques ;
- L’analyse scientifique et technique des pièces à conviction, etc...

Ainsi, la suppression des tâches d’interrogatoires policiers permettrait une optimisation des efforts de la police judiciaire : les effectifs des deux institutions précitées seront concentrées davantage sur la lutte effective contre la délinquance et la criminalité.

En conséquence, tout ce qui relève du fond et de la technicité du droit, en l’occurrence les qualifications pénales et les auditions des protagonistes devraient être confié à des magistrats.

2. Elargissement des prérogatives du Parquet :

Suite à une interpellation et un placement en garde à vue par exemple, le suspect devrait être déféré immédiatement devant des magistrats.

Création d’un Parquet collégial :

L’audition du suspect sera effectuée en deux temps : une première fois devant un magistrat du parquet, et dans un second temps par un collège de trois magistrats du parquet (comme pour la garde à vue actuelle : dans une durée n’excédant pas 48h pour les infractions de droit commun et 96h ou 144h pour les infractions relevant du régime dérogatoire).

A l’issue de ces deux auditions, les magistrats délibèrent et rendent une décision de mise en mouvement de l’action publique ou de classement sans suite.

Le suspect gardera, bien entendu, les mêmes droits que ceux du placement en garde à vue, notamment l’assistance d’un avocat, d’un interprète, le droit de garder le silence, etc...

Il s’agirait en effet d’un « procès préliminaire » pour décider des poursuites.

De ce fait, des poursuites basées sur des procès verbaux policiers continueront toujours à soulever des difficultés pratiques et risquent ainsi de compromettre la défense.

Ainsi, les magistrats, compte tenu de leur sélection et leur formation, sont plus habilités à qualifier initialement les faits et à décider souverainement des poursuites à engager sans aucun apriori préalable.

Rabii Chekkouri Avocat au Barreau de Rabat www.rabiichekkouri.com