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Le crédit d’impôt « Métiers de l’art » : bijoux fiscal méconnu des entreprises. Par Basile Ippolito, Fiscaliste.
Parution : lundi 25 octobre 2021
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Souvent méconnu des entreprises, le crédit d’impôt métiers de l’art prévu à l’article 244 quater O du Code général des impôts (CGI) est un dispositif avantageux permettant de défiscaliser les investissements et une fraction de la masse salariale annuelle d’une entreprise sous diverses conditions.

Le crédit d’impôt en faveur des métiers d’art, prévu à l’article 244 quater O du Code général des impôts (CGI), a été prorogé jusqu’au 31 décembre 2022 par l’article 139 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

Peuvent bénéficier du crédit d’impôt en faveur des métiers d’art prévu à l’article 244 quater O du Code général des impôts (CGI) :

- Les entreprises dont les charges de personnel afférentes aux salariés qui exercent un des « métiers d’art » énumérés dans un arrêté du ministre chargé des petites et moyennes entreprises [1], représentent au moins 30% de la masse salariale totale.

La doctrine fiscale a précisé que les métiers d’art visés par ce tableau sont ceux qui sont mentionnés dans la colonne « métiers » du tableau figurant en annexe de l’arrêté et non ceux indiqués dans la colonne « spécialités » de ce même tableau [2].

Les métiers de l’art sont divers et variés et la liste dressée par l’arrêté est longue. On citera notamment les suivants : « Escaliéteur, Ardoisier, Chaumier, Fabricant de carreaux, Fabricant de bardeaux ou de lattes, Fontainier, Murailler, Rocailleur, Marbrier, menuisier treillageur, métallier, Parqueteur, Tailleur de pierre, Ebéniste, Encadreur, Fabricant de compositions et décors végétaux stables et durables, graveur, Mosaïste, Mouleur, Fabricant d’abat-jour, Bijoutier, Décorateur en résine, Joaillier, Orfèvre, Céramiste, verrier, brodeur, etc…) ».

Conditions d’attribution du crédit d’impôt « Métiers de l’art » :

Les conditions suivantes doivent être remplies par l’entreprise pour pouvoir bénéficier de l’article 244 quater O du Code général des impôts :

- L’entreprise doit exercer une activité de production de biens meubles corporels relevant d’un métier de l’art au sens de l’article 244 quater O. La liste des métiers de l’art est dressée par l’Arrêté du 24 décembre 2015 fixant la liste des métiers d’art, en application de l’article 20 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat [3] ;
- Plus de 30% de la masse salariale doit exercer un métier de l’art ;
- Être imposées à l’impôt sur les bénéfices d’après leur bénéfice réel.

Concernant l’assiette du crédit d’impôt « Métiers de l’art » :

Les dépenses éligibles au crédit d’impôt en faveur des métiers d’art sont :

- Les salaires et charges sociales afférents aux salariés directement affectés à la création d’ouvrages réalisés en un seul exemplaire ou en petite série ou directement affectés à l’activité de restauration du patrimoine. Important, à l’occasion d’un récent rescrit de mars 2021, l’administration fiscale a précisé que « sont comprises dans l’assiette du crédit d’impôt en faveur des métiers d’art prévu à l’article 244 quater O du Code général des impôts, les cotisations sociales obligatoires, c’est-à-dire les cotisations patronales légales ou conventionnelles à caractère obligatoire versées par l’entreprise, assises sur des éléments de rémunération éligibles au crédit d’impôt et ouvrant directement droit, au profit des personnels concernés ou leurs ayant-droits, à des prestations et avantages » ;
- Les dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l’état neuf qui sont directement affectées à la création d’ouvrages précités et à la réalisation de prototypes ou directement affectées à l’activité de restauration du patrimoine ;
- Les frais de dépôt des dessins et modèles relatifs aux ouvrages réalisés en seul exemplaire ou en petite série ou relatifs à l’activité de restauration du patrimoine ;
- Les frais de défense des dessins et modèles, dans la limite de 60 000 euros par an ;
- Les dépenses liées à l’élaboration d’ouvrages réalisés en un seul exemplaire ou en petite série ou à l’activité de restauration du patrimoine confiées par les entreprises éligibles au crédit d’impôt à des stylistes ou bureaux de style externes

Le calcul du crédit d’impôt « Métiers de l’art » :

Le crédit d’impôt est calculé en faisant le produit du montant des dépenses éligibles, après déduction des subventions publiques éventuellement perçues pour financer des dépenses éligibles, par un taux.

Taux de droit commun : Ce taux de droit commun est égal à 10% des dépenses éligibles.

Taux majoré : Cependant, ce taux est porté à 15% pour les dépenses éligibles exposées par les entreprises portant le label « entreprise du patrimoine vivant ».

Plafonnement du crédit d’impôt « Métiers de l’art » :

Le crédit d’impôt est plafonné à 30 000 euros par an et par entreprise.

Il s’agit d’un aide des minimis (plafonnement global des aides de minimis : 200 000 euros sur trois exercices fiscaux / Attention : il convient de se placer au 31 décembre de l’année au titre de laquelle le crédit a été octroyé, peu importe la date de clôture de l’exercice. Cette date correspond en effet à la date d’octroi de l’aide qui constitue le fait générateur du crédit d’impôt).

Concernant le paiement du crédit d’impôt « Métiers de l’art » :

Si la société est assujettie à l’Impôt sur les sociétés : le crédit d’impôt est imputé sur l’impôt sur les bénéfices dû par le contribuable ou l’entreprise au titre de l’année au cours de laquelle les dépenses éligibles ont été exposées [4].

Si la société est assujettie à l’impôt sur le revenu : Pour les sociétés de personnes et les groupements assimilés, le montant du crédit d’impôt calculé et plafonné au niveau de la société de personnes ou du groupement est réparti entre les associés proportionnellement à leurs droits dans ces sociétés ou ces groupements, et à condition qu’il s’agisse de personnes morales ou de personnes physiques participant à l’exploitation au sens du 1° bis de l’article 156 du CGI.

Le crédit d’impôt est également plafonné au niveau de chacun des associés, de sorte que la somme des crédits d’impôt en faveur des métiers d’art dont il bénéficie ne puisse excéder le plafond relatif aux aides de minimis [5].

Subsidiarité du crédit d’impôt « Métiers de l’art » :

Subsidiarité du crédit d’impôt : Le crédit d’impôt en faveur des métiers d’art s’impute sur l’impôt dû après les prélèvements non libératoires et les autres crédits d’impôt [6].

Versement de l’excédent non imputable : Lorsque le montant de l’impôt est insuffisant pour imputer la totalité du crédit d’impôt, l’excédent non imputé est restitué à l’entreprise.

Obligations déclaratives du crédit d’impôt « Métiers de l’art » :

Les entreprises souhaitant bénéficier du dispositif doivent souscrire la déclaration n°2079-ART-SD [7] accessible en ligne [8] ou auprès du service des impôts dont relève l’entreprise [9].

Cette déclaration est à déposer :
- Pour les entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu : dans les mêmes délais que la déclaration annuelle de résultat ;
- Pour les entreprises passibles de l’impôt sur les sociétés : dans les mêmes délais que le relevé de solde de cet impôt.
- Pour les sociétés de personnes et leurs associés : la société de personnes dépose une déclaration n° 2079-ART-SD lui permettant de calculer le crédit d’impôt et de répartir ce dernier entre chaque associé. Les associés personnes morales déposent également une déclaration n° 2079-ART-SD en indiquant les quoteparts de crédit d’impôt issues de leurs participations dans des sociétés de personnes. En revanche, l’associé personne physique qui participe à l’exploitation au sens du 1° bis de l’article 156 du CGI et qui ne dispose pas d’autre crédit d’impôt que celui issu de sa participation dans une société de personnes est dispensé de déposer une déclaration n° 2079-ART-SD : il porte uniquement sur sa déclaration de revenus dans une case prévue à cet effet le montant de sa quotepart de crédit d’impôt déterminée dans la déclaration de la société de personnes.

Attention : Le montant du crédit d’impôt en faveur des métiers d’art déterminé au moyen de la déclaration n° 2079-ART-SD doit être reporté sur la déclaration des réductions et crédits d’impôt n° 2069-RCI-SD [10].

L’entreprise n’a pas à produire de pièces justificatives à l’appui de cette déclaration.

Lorsque le crédit d’impôt a été obtenu au titre de dépenses exposées pour la création d’ouvrages uniques réalisés en un seul exemplaire ou en petite série, l’administration fiscale et les agents des ministères chargés de l’industrie, du commerce et de l’artisanat disposent d’un droit de contrôle, et peuvent être amenés à demander des pièces justificatives aux entreprises bénéficiaires.

Il en va de même lorsque l’entreprise demande la restitution de l’excédent de crédit d’impôt non imputé sur l’impôt dû, s’agissant d’une procédure de nature contentieuse.

Dans ce cadre et dans un esprit de dialogue entre l’administration et les entreprises, ces dernières peuvent être amenées à produire toutes pièces utiles permettant de justifier du bien-fondé de leur droit au bénéfice du crédit d’impôt (création d’ouvrages réalisés en un seul exemplaire ou en petite série, affectation du personnel, des immobilisations et prorata retenu, etc.).

Il est donc important pour les entreprises de faire diligence à ce titre pour conserver tous les éléments et pièces justificatives (photo des ouvrages, plans, bulletins de salaires des salariés affectés à la réalisation des ouvrages).

Cumul et incompatibilités d’autre crédit d’impôts :

Le VI de l’article 244 quater O du CGI dispose que les mêmes dépenses ne peuvent à la fois entrer dans la base de calcul du crédit d’impôt au titre des métiers d’art et dans celle d’un autre crédit d’impôt.

Ainsi, le cumul du crédit d’impôt en faveur des métiers d’art avec un autre crédit d’impôt est possible à la condition que les dépenses ne soient prises en compte qu’une seule fois par l’entreprise (soit dans la base de calcul du crédit d’impôt en faveur des métiers d’art, soit dans la base de calcul d’un autre crédit d’impôt).

Les mêmes dépenses ne pouvant entrer à la fois dans la base de calcul du crédit d’impôt en faveur des métiers d’art et dans celle d’un autre crédit d’impôt, il conviendra pour l’entreprise de vérifier qu’une dépense n’est pas prise en compte deux fois.

Basile Ippolito, Fiscaliste

[1Arrêté du 24 décembre 2015 fixant la liste des métiers d’art, en application de l’article 20 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat - Légifrance (legifrance.gouv.fr).

[2BIC - Réductions et crédits d’impôt - Crédits d’impôt - Crédit d’impôt en faveur des métiers d’art | bofip.impots.gouv.fr - n°10.

[3Légifrance (legifrance.gouv.fr).

[4CGI, art. 199 ter N et CGI, art. 220 P.

[5II-B § 190.

[6(CGI, ann III, article 49 septies ZN.

[7CERFA n° 13342.

[8Sur le site www.impots.gouv.fr

[9CGI, ann III, article 49 septies ZO.

[10CERFA n° 15252.

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