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Révolution en matière de TEOM : admission des dépenses transversales de la collectivité ! Par Anne-Margaux Halpern, Avocat.
Parution : mardi 2 novembre 2021
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Par l’arrêt du 22 octobre 2021, le Conseil d’Etat marque enfin un coût d’arrêt à une interprétation très stricte des dépenses susceptibles d’être prises en compte dans le champ de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM).

CE, 22 octobre 2021, req. n°434900, Métropole de Lyon c/ Association des contribuables actifs du lyonnais (CANOL).

Par cet arrêt du 22 octobre 2021, le juge admet, pour la première fois, que certaines dépenses correspondant à une quote-part du coût des directions ou services transversaux centraux de la collectivité puissent être prises en compte sous réserve que la collectivité soit en mesure de fournir une comptabilité analytique permettant d’identifier les dépenses directement exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets.

1.- L’association des contribuables actifs du lyonnais (CANOL) a saisi le tribunal administratif de Lyon d’une demande tendant à l’annulation des délibérations du conseil de la métropole n° 2016-1010 et n° 2016-1014 du 21 mars 2016 ayant adopté le budget primitif de l’année 2016 et fixé les taux de TEOM pour cette même année.

Par un jugement du 12 juillet 2008, le tribunal a annulé la délibération fixant les taux de la taxe pour l’année 2016 et rejeté les conclusions dirigées contre la délibération adoptant le budget primitif. La métropole de Lyon a interjeté appel du jugement et la CANOL a formé un appel incident.

Par un arrêt du 25 juillet 2019, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté, d’une part, l’appel formé par la métropole de Lyon contre ce jugement en tant qu’il a annulé la délibération fixant les taux de la taxe et, d’autre part, l’appel incident de l’association contre ce jugement en tant qu’il a rejeté sa demande d’annulation de la délibération approuvant le budget primitif 2016. La cour a ainsi jugé que le taux de TEOM, au titre de l’année 2016, était disproportionné en tant qu’il prenait en compte les dépenses représentatives de la quote-part d’activité de chaque service transversal de la métropole de Lyon et que la comptabilité analytique produite ne permettait pas de s’assurer que lesdites dépenses auraient été exposées pour le fonctionnement du seul service de collecte et de traitement des déchets.

La métropole de Lyon a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt.

Le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt et renvoyé l’affaire devant la cour administrative d’appel de Lyon. Le Conseil d’Etat rappelle que la TEOM n’est pas un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l’ensemble des dépenses des collectivités mais une taxe ayant pour objet de couvrir exclusivement les dépenses exposées en matière d’enlèvement et de traitement des ordures ménagères et non couvertes par des recettes non fiscales. Sans surprise, il rappelle également que le produit de cette taxe et, par voie de conséquence son taux, ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant de telles dépenses, tel qu’estimé à la date de la délibération fixant ce taux.
Mais surtout, le Conseil d’Etat innove par rapport aux jurisprudences antérieures en admettant que :

« les dépenses correspondant à une quote-part du coût des directions ou services transversaux centraux de la métropole, calculée au moyen d’une comptabilité analytique permettant, par différentes clés de répartition, d’identifier avec suffisamment de précision les dépenses qui, parmi celles liées à l’administration générale de la métropole, puissent être regardées comme ayant été directement exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l’article L2224-14 du Code général des collectivités territoriales ».

2.- Cet arrêt attire l’attention à plusieurs titres.

2.1 - Cet arrêt est l’occasion pour le Conseil d’Etat de rappeler la jurisprudence rendue classiquement en matière de TEOM :

« 2. Aux termes du I de l’article 1520 du code général des impôts, applicable à la métropole de Lyon, dans sa rédaction applicable au litige : "Les communes qui assurent au moins la collecte des déchets des ménages peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l’article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n’ayant pas le caractère fiscal".

3. La taxe d’enlèvement des ordures ménagères susceptible d’être instituée sur le fondement de ces dispositions n’a pas le caractère d’un prélèvement opéré sur les contribuables en vue de pourvoir à l’ensemble des dépenses budgétaires, mais a exclusivement pour objet de couvrir les dépenses exposées par la commune ou l’établissement de coopération intercommunale compétent pour assurer l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères et des déchets mentionnés à l’article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales et non couvertes par des recettes non fiscales affectées à ces opérations. Il s’ensuit que le produit de cette taxe et, par voie de conséquence, son taux, ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant des dépenses exposées pour ce service, déduction faite, le cas échéant, du montant des recettes non fiscales de la section de fonctionnement, telles qu’elles sont définies par les article L. 2331-2 et L. 2331-4 du code général des collectivités territoriales, relatives à ces opérations.

4. Les dépenses susceptibles d’être prises en compte sont constituées de la somme de toutes les dépenses de fonctionnement réelles exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l’article L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales et des dotations aux amortissements des immobilisations qui lui sont affectées, telle qu’elle peut être estimée à la date du vote de la délibération fixant le taux de la taxe.

5. Pour juger disproportionné le taux de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères adopté par le conseil de la métropole de Lyon pour l’année 2016, la cour administrative d’appel a retenu qu’il n’y avait pas lieu d’inclure, dans les dépenses de fonctionnement à prendre en compte au titre du service public de collecte et de traitement des déchets ménagers, les dépenses représentatives de la quote-part d’activité de chaque service transversal de la métropole de Lyon, pour un montant de plus de 17 millions d’euros, au motif que la ventilation de ces dépenses par service au moyen d’une comptabilité analytique dénuée de clef de répartition ne permettait pas d’établir que ces dépenses auraient été exposées pour le fonctionnement du seul service de collecte et de traitement des déchets. »

Ainsi, le juge rappelle que la TEOM couvre les seules dépenses de fonctionnement réelles exposées par la collectivité pour assurer l’enlèvement et le traitement des ordures ménagères et non couvertes par des recettes non fiscales.

La TEOM n’a donc ni pour objet de couvrir les dépenses réelles d’investissement affectées au service [1], ni encore de financer l’élimination des déchets non ménagers, alors même que la redevance spéciale visée à l’article L2333-78 du Code générale des collectivités territoriales n’aurait pas été instituée [2].

Le produit de la TEOM, et par suite son taux, doivent être proportionnés au coût d’enlèvement et de traitement des déchets ménagers, tel qu’il peut être estimé à la date de la délibération fixant ce taux.

Comme il l’avait déjà fait antérieurement [3], le Conseil d’Etat rappelle que pour apprécier l’absence de disproportion manifeste entre le produit de la taxe et le coût de collecte et de traitement des seuls déchets ménagers, non couvert par les recettes non fiscales, il convient de se fonder sur les données du budget primitif, connues à la date de la délibération fixant le taux de la TEOM, et non sur les données résultant a posteriori de l’exécution du service [4].

2.2 – Mais surtout, et c’est là l’apport de cet arrêt, le Conseil d’Etat élargit la notion de dépenses de fonctionnement susceptibles d’être prises en compte dans la TEOM.

Il admet ainsi que :

« les dépenses correspondant à une quote-part du coût des directions ou services transversaux centraux de la collectivité, calculée au moyen d’une comptabilité analytique permettant, par différentes clés de répartition, d’identifier avec suffisamment de précision les dépenses […] directement exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets ».

Cette nouvelle catégorie de dépenses admises dans le champ de la TEOM est toutefois très encadrée : cela suppose la tenue d’une comptabilité analytique mettant en évidence les dépenses directement exposées pour le service de collecte et de traitement des déchets par opposition à celles dépourvues de caractère direct. En pratique, et pour satisfaire à ces conditions, il conviendra de faire un suivi précis de chaque opération, de chaque tâche afin de prouver son caractère direct.

Le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt et renvoyé l’affaire à la cour administrative d’appel de Lyon.

Par cet arrêt, le Conseil d’Etat admet, sous certaines conditions, que certaines dépenses des directions ou services transversaux centraux d’une collectivité entrent dans le champ de la TEOM.
Cette nouvelle jurisprudence met ainsi un coup d’arrêt à une position particulièrement stricte des juridictions administratives sur les dépenses susceptibles d’être prises en compte dans la détermination du taux de TEOM.

Anne-Margaux HALPERN Avocat au barreau de Lyon ADALTYS Avocats

[1CE, 19 mars 2018, n°402946 ; CE, 11 juillet 2018, n°407157.

[2CE, 25 juin 2018, n°414056.

[3CE, 26 juillet 2018, req. n°415274, SCI Le Grand But.

[4CE, 16 janvier 2018, n°412679, n°401613, n°401615.