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L’exécution du contrat de travail en cas de retrait ou suspension du permis de conduire. Par Cécile Villié, Avocat.
Parution : vendredi 5 novembre 2021
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Parfois, l’inexécution du contrat de travail ne résulte pas du fait de l’employeur mais de faits extérieurs tels que le retrait ou la suspension du permis de conduire nécessaire à l’exécution du travail du salarié.
Dans ces cas précis, comment l’employeur doit-il réagir et quelles sont ses marges de manœuvre ?

En principe, l’employeur est tenu de rémunérer ses salariés au titre de l’exécution d’une prestation de travail [1], à défaut celui-ci peut s’exposer à des sanctions administratives [2].

Cependant, la Cour de cassation a considéré que lorsque le défaut de véhicule personnel et la suspension du permis de conduire, exigés par le contrat de travail, rendent impossible l’exécution du contrat justifient de ce fait, le licenciement et la suspension du paiement des salariés pour la période le précédant. Ainsi, « lorsqu’un salarié n’est pas en mesure de fournir la prestation inhérente à son contrat de travail, l’employeur ne peut être tenu de lui verser un salaire que si une disposition légale, conventionnelle ou contractuelle lui en fait l’obligation » [3].

Toutefois, lorsqu’il s’agit d’un salarié protégé, tant que l’inspecteur du travail n’a pas délivré l’autorisation administrative de licenciement, l’employeur doit conserver le salarié dans l’entreprise et le rémunérer [4].

En cas de suspension ou du retrait du permis de conduire, l’employeur dispose de la faculté de licencier le salarié en raison de l’inexécution du contrat de travail.

En cas de suspension ou du retrait du permis de conduire rendant impossible l’exécution du contrat de travail, l’employeur dispose de la faculté de licencier le salarié pour motif personnel.

Dans certaines circonstances, la faute grave peut être encourue lorsque, par exemple, les fonctions du salarié nécessitent la détention d’un permis de conduire et que le retrait résulte de faits survenus pendant le temps de travail [5].

En principe, lorsque le retrait ou la suspension du permis a eu lieu pour des faits qui se sont déroulés en dehors du temps de travail, la Cour de cassation retient « qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail » et à condition que le comportement du salarié ait occasionné un trouble objectif au sein de l’entreprise [6]. L’employeur devra préciser la nature du trouble provoqué à l’entreprise et justifier le préjudice subi par celle-ci.

Dès lors, lorsque la suspension ou le retrait du permis de conduire en raison de faits commis dans la cadre de la vie personnelle d’un salarié dont les fonctions nécessitent l’utilisation d’un véhicule, cette sanction ne peut pas être regardée comme une méconnaissance par l’intéressé de ses obligations découlant de son contrat de travail [7]. Ainsi, le fait consécutif au retrait ou à la suspension du permis de conduire s’étant déroulé en dehors du temps de travail, ne peut constituer une faute [8].

Constitue alors une cause réelle et sérieuse de licenciement, la suspension du permis de conduire pour une durée de six mois empêchant le salarié d’exercer les fonctions pour lesquelles il avait été engagé [9].

A contrario, le licenciement prononcé « avant l’annulation de la décision de retrait, ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse » [10]. Il en va de même lorsque la fonction du salarié n’implique pas la nécessité d’avoir un permis de conduire valide [11].

Par ailleurs, il est évident que lorsque la détention du permis de conduire n’est pas nécessaire à l’exécution du contrat de travail, le retrait ou la suspension de celui-ci tiré de faits relevant de la vie privée du salarié ne saurait justifier un quelconque licenciement.

Le licenciement n’est pas une obligation pour l’employeur qui peut, de manière unilatérale, suspendre le contrat de travail dès lors que son inexécution ne relève pas de faits qui lui sont imputables [12]. Cependant, parce que cette suspension du contrat prive le salarié d’une rémunération et qu’il ne peut prendre acte de la rupture puisque celle-ci s’analyserait en une démission (donc privation de revenus de remplacement), la durée ne peut être excessive.

Des solutions alternatives au licenciement du salarié ou à la suspension du contrat de travail, peuvent être trouvées d’un accord commun entre les parties telles que la prise de congés-payés ou de congés sans solde, toutefois, il faudra veiller à ce que cela soit suffisant afin de couvrir l’ensemble de la période de suspension du permis de conduire. Il est possible que certaines conventions collectives prévoient préalablement au licenciement, la recherche de solutions alternatives, tel est le cas de la convention collectif des transports routiers du 13 novembre 1992.

Cécile Villié avocat - droit du travail www.villie-avocat.com [->contact@villie-avocat.com]

[1Cass. soc., 17 oct. 2000, n°98-42.062

[2Article n° R.3246-1 du Code du travail.

[3Cass. soc., 28 nov. 2018 n ° 17-15.379.

[4Cass. soc., 2 déc. 2009, n°08-42.037.

[5Cass. soc, 24 janv. 1991, n°88-45.022.

[6Cass. soc., 17 avril 1991, n°90-42.636 ; Cass. soc., 24 oct. 2018, n°17-16.099.

[7Cass. soc., 10 juill. 2013, n°12-16.878 ; Cass. soc., 5 fév. 2014, n°12-28.897.

[8Cass. soc., 26 sept. 2001, n°99-43.636

[9Cass. soc., 15 janv. 2014, n°12-22.117.

[10Cass. soc., 12 fév. 2003, n°00-45.667

[11Cass. soc. 18 janv. 2012, 10-30.677.

[12Cass. soc., 14 nov. 2018, n°17-11.448.