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Etudiants : la procédure devant les sections disciplinaires des universités. Par Tom Riou, Avocat.
Parution : mardi 9 novembre 2021
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De nombreux étudiants font, chaque année, l’objet de procédures disciplinaires engagées à leur encontre par leurs universités.
Comment réagir face à une telle procédure ? Quelles sont les règles applicables à celle-ci ? Comment contester une sanction disciplinaire ?
Tour d’horizon.

La procédure disciplinaire applicable aux étudiants a fait l’objet d’une importante réforme, depuis l’entrée en vigueur de l’article 33 de la loi n°2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique et de son décret d’application n°2020-785 du 26 juin 2020 relatif à la procédure disciplinaire dans les établissements publics d’enseignement supérieur.

En effet, alors qu’avant cette réforme, les sections disciplinaires des universités étaient considérées comme des juridictions administratives spécialisées, compétentes pour infliger des sanctions disciplinaires aux étudiants et que le Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (CNESER) était la juridiction administrative spécialisée compétente pour connaître des appels formés à l’encontre de ces sanctions, cette compétence a désormais disparue, s’agissant des procédures disciplinaires engagées à compter du 27 juin 2020.

Les sanctions disciplinaires infligées aux étudiants relèvent, désormais, du régime des décisions administratives individuelles, dont les juridictions administratives de droit commun sont compétentes pour connaître de la légalité.

Sur le plan procédural, la procédure disciplinaire applicable aux étudiants a, également, évoluée depuis cette date.

Les sections disciplinaires des universités, propres à chaque établissement d’enseignement supérieur, n’en demeurent pas moins compétentes pour connaître des fautes disciplinaires reprochées aux étudiants et pour prononcer d’éventuelles sanctions à leur encontre.

Ces sections disciplinaires, réunies en conseils de discipline peuvent, ainsi, sanctionner des faits, aussi divers que variés, allant de fraudes commises à l’occasion d’une inscription, d’une épreuve de contrôle continue ou d’un examen final, au plagiat, en passant par tout fait susceptible de porter atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement ou à la réputation de l’établissement.

Les sanctions rendues peuvent être de plusieurs types et sont listées à l’article R811-36 du Code de l’éducation :
- l’avertissement ;
- le blâme ;
- l’exclusion de l’établissement pour une durée maximale de cinq années, le cas échéant avec sursis si l’exclusion n’excède pas deux ans ;
- l’exclusion définitive de l’établissement ;
- l’exclusion de tout établissement public d’enseignement supérieur pour une durée maximale de cinq années ;
- l’exclusion définitive de tout établissement public d’enseignement supérieur.

Depuis la réforme du mois de juin 2020, des mesures alternatives aux poursuites peuvent également être prononcées, correspondant à des mesures de responsabilisation consistant à participer bénévolement, en dehors des heures d’enseignement, à des activités de solidarité, culturelles ou de formation à des fins éducatives pour une durée maximale de 40 heures.

S’agissant des sanctions prononcées pour des agissements de fraude à un examen (plagiat, copie, etc.), le Code de l’éducation prévoit désormais que toute sanction qui serait infligée à un étudiant pour de tels faits entraîne la nullité de l’épreuve correspondante.

Cela étant, une procédure stricte doit être respectée par les universités, à défaut de quoi l’étudiant concerné pourra contester, devant les juridictions administratives, la sanction qui lui aura été infligée.

Cette procédure se divise en deux phases :
- une phase d’instruction ;
- suivie d’une phase de jugement, devant le conseil de discipline.

La réforme du mois de juin 2020 a, également, introduit une nouvelle procédure, dite du « plaider-coupable ».

Le « plaider-coupable ».

Innovation issue de la réforme du 26 juin 2020, la procédure dite du « plaider-coupable » peut désormais être initiée par le Président de l’Université, s’agissant des dossiers les plus simples, ne nécessitant pas une instruction poussée.

Cette nouvelle procédure est néanmoins réservée aux étudiants accusés de fraude ou de tentative de fraude commise notamment à l’occasion d’une inscription, d’une épreuve de contrôle continu ou d’un examen.

Dans le cadre de cette procédure, l’étudiant est convoqué à un entretien au cours duquel une sanction lui est proposée.

Dans la mesure où l’étudiant reconnaît les faits qui lui sont reprochés, il peut, par cette procédure, se voir proposer une sanction en principe inférieure à celle à laquelle il s’exposerait s’il était amené à passer devant la commission de discipline.

L’étudiant, qui peut se faire accompagner dans cette procédure d’un conseil de son choix peut alors, en opportunité et dans un délai de quinze jours suivant l’entretien, accepter cette sanction ou la refuser.

En cas de refus, son dossier reprendra son cours « normal » devant la commission de discipline de l’établissement.

La procédure d’instruction.

Hormis l’hypothèse d’une procédure de « plaider-coupable », la procédure disciplinaire engagée à l’encontre d’un étudiant débute par la saisine de la section disciplinaire de l’université, par son Président ou le Recteur de région académique, à leur initiative ou sur saisine de toute personne s’estimant lésée par des faits imputés à l’étudiant.

Dès qu’il est saisi, le Président de la section disciplinaire doit, par tout moyen, informer l’étudiant de ce qu’une procédure disciplinaire est engagée à son encontre, des faits qui lui sont reprochés et qu’il peut, dans ce cadre, se faire assister ou représenter par un conseil de son choix.

Il revient également au Président de la section disciplinaire de désigner un rapporteur (Professeur ou maître de conférence membre de la section disciplinaire) et un rapporteur adjoint (nécessairement étudiant), qui seront chargés d’instruire le dossier disciplinaire.

C’est alors dans le cadre de cette instruction que l’étudiant, ou son Conseil, peuvent présenter des observations écrites sur les faits qui lui sont reprochés et demander à être entendus par les rapporteurs chargés de l’instruction de l’affaire.

Ils peuvent, également, prendre connaissance du dossier pendant toute la durée de la phase d’instruction qui ne peut, en principe, pas excéder un délai de deux mois.

A l’issue de cette instruction, les rapporteurs du dossier auront à rédiger un rapport disciplinaire, concernant l’étudiant poursuivi, qui sera transmis aux membres de la commission de discipline.

La phase d’instruction apparaît, ainsi, être une étape primordiale dans la procédure disciplinaire engagée à l’encontre de l’étudiant, au cours de laquelle celui-ci doit veiller à faire valoir ses droits et arguments pour qu’ils soient repris dans le rapport transmis à la commission de discipline.

En effet, c’est à l’issue de cette phase d’instruction que le Président de la section disciplinaire pourra convoquer la commission de discipline qui pourra être amenée à infliger une sanction à l’étudiant.

La réunion de la commission de discipline.

Une fois saisie par son Président, la commission de discipline de l’université est compétente pour se prononcer sur les faits reprochés à l’étudiant et, le cas échéant, lui infliger une sanction.

Les membres de la commission de discipline doivent être désignés parmi les membres de la section disciplinaire de l’université qui doit, elle-même, être composée de manière paritaire, comprenant des représentants des enseignants-chercheurs et des usagers et autant d’hommes que de femmes.

Le code de l’éducation précise que le président de l’université ne peut pas être membre de la section disciplinaire.

Cela étant, la commission de discipline amenée à se prononcer sur les dossiers disciplinaires qui lui sont transmis doit comprendre huit membre, répartis de la façon suivante :
- deux professeurs des universités ou personnels assimilés ;
- deux maîtres de conférences ou assimilés ;
- quatre étudiants.

La commission de discipline peut, cependant, valablement délibérer si au moins la moitié de ses membres est présent.

En tout état de cause, l’étudiant, convoqué au moins quinze jours avant la séance de la commission de discipline, doit être mis à même de présenter ses observations orales au cours de sa réunion.

Si la défense de ses intérêts devant les membres de la commission de discipline peut s’avérer intimidante pour l’étudiant, celui-ci peut se faire accompagner du conseil de son choix (parent, ami, représentant étudiant, avocat).

C’est à ce moment que l’étudiant objet des poursuites disciplinaires (et ses éventuels conseils) pourra faire valoir l’ensemble des arguments de droit et de faits susceptibles de venir au soutien de son dossier. Des témoins pourront, également, être cités à intervenir devant la commission de discipline.

Préalablement, le rapporteur du dossier aura lu aux autres membres de la commission le rapport rédigé à l’issue de son instruction.

La personne poursuivie a, en tout état de cause, la parole en dernier.

La réunion du conseil de discipline, qui s’apparente à une véritable audience, est ainsi une phase cruciale pour l’étudiant.

C’est en effet à son issue que la commission de discipline décidera, après en avoir délibéré et à la majorité des voix, de lui infliger, ou non, une sanction.

Lorsque la sanction décidée est susceptible de rendre applicable une précédente sanction assortie du sursis, la commission de discipline se prononce également sur la révocation ou non du sursis et, le cas échéant, sur le caractère partiel ou total de cette révocation. En cas de révocation, elle se prononce sur la confusion ou non des sanctions.

A l’issue de la réunion de la commission de discipline, celle-ci sera également amenée à se prononcer sur l’éventuelle annulation d’une épreuve, en cas de poursuites pour fraude à l’examen, ce qui peut entraîner, par « effet domino », des conséquences très graves sur la poursuite de ses études par l’intéressé.

La contestation de la sanction.

Les sanctions disciplinaires étant inscrites au dossier universitaire de l’intéressé, elles peuvent avoir de graves conséquences quant à la poursuite de ses études (notamment pour ses candidatures dans des formations où l’admission se fait « sur dossier » ou si l’étudiant est amené à être de nouveau convoqué devant une section disciplinaire).

Il peut dès lors s’avérer utile de contester les sanctions ainsi infligées.

Depuis l’entrée en vigueur de la réforme du mois de juin 2020, la procédure de contestation des sanctions disciplinaires étudiantes a évoluée, les juridictions administratives de droit commun étant désormais compétentes pour connaître de la légalité de ces sanctions.

Ainsi, l’étudiant qui s’est vu infliger une sanction peut la contester, devant le Tribunal administratif territorialement compétent, dans le respect d’un délai de recours de deux mois suivant la notification de la sanction.

L’étudiant peut, devant cette juridiction, solliciter l’annulation de la sanction qui lui a été infligée, par l’introduction d’une requête au fond.

Concrètement, l’étudiant (ou son Conseil), pourra soulever, devant le Juge administratif, des moyens de légalité externe (vices de procédure, de forme, etc.) ou interne (erreur de droit, erreur manifeste d’appréciation, etc.) afin de faire reconnaître le caractère illégal de la sanction infligée.

Néanmoins, une telle procédure n’ayant pas d’effet suspensif, la sanction trouvera, en principe, à s’appliquer le temps de l’instruction du dossier par le Tribunal.

L’étudiant pourra alors, en parallèle de cette procédure au fond, utilement solliciter la suspension des effets de la sanction, par l’engagement d’une procédure de « référé-suspension », par laquelle le Juge des référés pourra, en urgence, suspendre l’exécution de la sanction, le temps que le Tribunal se prononce sur le sort de la procédure engagée au fond.

Cette demande fera l’objet d’une instruction distincte et donnera lieu à une première décision, uniquement relative à l’exécution provisoire de la sanction.

Une telle décision permettra, alors, à l’étudiant de poursuivre ses études, le temps de la procédure au fond.

Il pourra, également, être demandé au Juge des référés d’enjoindre à l’administration de prendre les mesures nécessaires à la réintégration de l’étudiant afin de lui permettre de poursuivre ses études dans les mêmes conditions qu’auparavant, comme si aucune sanction n’avait été prononcée à son encontre.

Tom Riou, Avocat au Barreau de Paris [->tomriou.avocat@gmail.com] [->https://www.tomriou-avocat.com/]