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La finance décentralisée : l’opportunité d’un nouveau business model pour les avocats.
Parution : jeudi 11 novembre 2021
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Des applications développées dans la finance décentralisée donnent l’opportunité aux avocats de révolutionner la manière dont ils ont toujours apporté certains services.

Assurément, le secteur des cryptomonnaies représente une niche intéressante pour les avocats : en perpétuelle croissance, il attire de plus en plus d’entrepreneurs faisant face à des flous juridiques que seules les lumières de juristes spécialistes (en droit financier, droit du numérique voir en propriété intellectuelle avec l’explosion des NFT) peuvent aider à éclaircir.

L’opportunité business est réelle ; mais elle est plus grande encore qu’on le croit.

Certaines applications développées dans la blockchain ont atteint un tel degré d’innovation et de maturité qu’elles peuvent constituer des nouveaux leviers de croissance pour des avocats entreprenants.

La DeFi.

C’est particulièrement le cas des applications issues de la finance décentralisée (“DeFi”) qui désigne un ensemble de produits et services financiers existant et fonctionnant uniquement à l’aide de smart contracts déployés dans la blockchain.

Parmi ces applications figure celle du prêt automatisé de crypto-actifs. Il s’agit de protocoles (car tel est leur nom) qui fonctionnent comme des banques : il y est possible de déposer des liquidités afin qu’elles soient automatiquement prêtées et génèrent des intérêts. Cependant à la différence des banques, ces protocoles sont entièrement constitués de programmes/smart contracts : ils sont donc autonomes, librement interfaçables, transparents et décentralisés. Enfin et surtout, les taux d’intérêts annuels proposés avoisinent les 20% (souvent bien plus).

Un avocat peut opportunément utiliser ces applications dans le cadre de ses missions de séquestre fiduciaire.

En effet à l’occasion d’une opération nécessitant la sanctuarisation de fonds (vente de fonds de commerce, opération M&A, résolution de litige, vente internationale...), un smart contract peut être constitué afin de recueillir les liquidités en lieu et place d’une banque ou de la CARPA. Le smart contract peut ensuite être relié à l’un des protocoles décrits ci-dessus afin que les fonds placés produisent des intérêts.

L’avocat n’a ainsi plus besoin de s’appuyer sur un intermédiaire bancaire ou autre pour prester ses services de fiduciaire. De plus, il peut choisir de se rémunérer uniquement sur les intérêts des liquidités séquestrées. En effet, ceux-ci, couplés aux économies engendrées par l’utilisation du smart contract (qui rationalise le processus de dépôt et retrait des fonds) peuvent lui permettre de proposer gratuitement des services de séquestre, tout en restant nettement rentable.

Ces programmes permettent, en fait, à des avocats de se muer en banques.

Chaque fois qu’une opération juridique nécessite le blocage de fonds, des parties peuvent choisir de les placer dans le smart contract d’un avocat, et charger ce dernier de déclencher leur délivrance aux conditions convenues. Plus il y a de liquidités dans ce smart contract, mieux l’avocat est rémunéré par les intérêts produits.

Le filon a bien entendu déjà été identifié dans la DeFi. On ne compte plus les acteurs proposant du séquestre de fonds exploitant les protocoles de prêts de crypto-actifs.

Ces derniers, qui existent depuis plusieurs années maintenant, gèrent avec succès des dizaines de milliards de dollars d’actifs. La maturité et le sérieux de leurs services attirent même des grands acteurs de la finance traditionnelle ; comme en témoigne la récente proposition de collaboration entre la Société Générale et le protocole Maker [1].

Les avocats se démarqueraient facilement dans ce marché concurrentiel par leur expertise juridique et les précautions que leur impose leur déontologie. Ce qui répondrait au besoin de réassurance des clients. Ne reste que la volonté d’entreprendre...

Abdoulaye Diallo | Consultant Legaltech et Blockchain | Doctorant en Droit www.abdoulayediallo.fr