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Régularité d’une décision préfectorale ordonnant l’inscription au FINIADA en l’absence de notification préalable. Par Aymard de la Ferté-Sénectère, Avocat.
Parution : vendredi 19 novembre 2021
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La pratique fait remarquer que de plus en plus de personnes se voient inscrites au FINIADA (Fichier national des personnes interdites d’acquisition et de détention d’armes) sans en avoir été informées et découvrent « le pot aux roses » soit au moment de l’achat d’une arme ou au moment de la validation annuelle de leur permis de chasse ou de leur licence de tir.

Le Fichier national des interdits d’acquisition et de détention d’armes (FINIADA), créé par l’article 8 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 et désormais régi par l’article L312-16 du Code de la sécurité intérieure, a pour finalité la mise en œuvre et le suivi, au niveau national, des interdictions d’acquisition et de détention d’armes, de munitions et de leurs éléments des catégories A, B et C.

Géré par le ministère de l’Intérieur, ce fichier a connu, de manière récente, un renforcement conduisant à une augmentation exponentielle du nombre d’inscrits, notamment chez les chasseurs.

Outre l’obligation de se dessaisir de leurs armes, l’inscription au FINIADA a également pour conséquence de conduire au retrait de la validation du permis de chasse et/ou au retrait de la licence de tir, interdisant de facto à l’intéressé l’exercice de sa passation jusqu’à sa radiation du fichier ce qui peut prendre plusieurs années.

C’est ainsi que nombre d’administrés détenteurs d’un permis de chasser ou pratiquant le tir sportif sont avisés de leur inscription au FINIADA par leur fédération respective sans aucune notification préalable de la part de l’administration.

Peut-on considérer que l’arrêté préfectoral inscrivant une personne au FINIADA, sans notification préalable, soit légal ?

A titre de rappel, deux voies permettent à l’administration d’ordonner de telles mesures :
- De par sa compétence liée, en vertu de l’article L312-3 du Code de sécurité intérieure (CSI), le Préfet ordonne automatiquement l’inscription au FINIADA de toute personne portant au bulletin n°2 de son casier judiciaire une des condamnations listées à cet article l’article L312-3 1° du CSI ;
- Discrétionnairement, en vertu de l’article L312-3-1 du Code de sécurité intérieure, le Préfet peut préventivement, sans la justification d’une quelconque condamnation, interdire l’acquisition ou la détention d’armes « aux personnes donc le comportement laisse craindre une utilisation dangereuse pour elles-mêmes ou pour autrui ».

A cet égard, le large pouvoir d’appréciation conféré à l’administration par l’article L312-3-1 du Code de sécurité intérieure crée des surprises lorsque les intéressés, sans passé judiciaire pouvant éveiller d’éventuels soupçons, ne sont pas tenus informés des enquêtes administratives dont ils font l’objet.

En droit, il est important de rappeler que l’article L221-8 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA) dispose, à ce titre, que

« sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires ou instituant d’autres formalités préalables, une décision individuelle expresse est opposable à la personne qui en fait l’objet au moment où elle est notifiée ».

Contrairement aux actes réglementaires qui ne nécessitent pas de notification individuelle (actes ayant une portée générale et impersonnelle, tels que les décrets ou délibérations des assemblées des collectivités locales), les décisions individuelles expresses prises au nom de l’Etat, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public sont opposables aux administrés qui en font l’objet lorsqu’une notification préalable leur a été adressée.

Seuls les actes individuels favorables aux intéressés peuvent entrer en vigueur dès la signature de l’acte [1].

Cette obligation de notification est d’ailleurs confirmée par la Jurisprudence [2].

Même en l’absence de texte l’imposant expressément, le Préfet est contraint de notifier une décision préfectorale à la personne qu’elle concerne directement [3].

Le refus de notification est une décision faisant grief susceptible d’un recours pour excès de pouvoir [4] et l’omission de la notification peut constituer une faute [5].

L’administration, qui a omis de notifier un acte individuel, ne peut invoquer celui-ci à l’encontre de l’administré.

De la sorte, les décisions portant retrait de points d’un permis de conduire, de même que celles constatant la perte de validité du permis pour solde de points nul, ne sont opposables au titulaire qu’à compter de la date à laquelle elles lui ont été notifiées [6].

Ce faisant, tant que cette notification n’a pas été accomplie, l’intéressé peut prétendre au bénéfice du dispositif de reconstitutions de points prévu à l’article L223-6 du Code de la route [7].

En conséquence, l’inscription au FINIADA d’une personne sans notification préalable de l’arrêté préfectoral l’inscrivant au fichier et l’obligeant à se dessaisir de ses armes devrait être considérée comme constituant une faute de la préfecture susceptible d’entrainer l’annulation de cet arrêté au contentieux.

Par ailleurs, l’absence de notification de l’arrêté préfectoral constitue une violation du principe du contradictoire et de l’obligation de motivation des actes défavorables.

A cet effet, les articles L211-2 et L211-5 du CRPA prévoient une obligation de motivation énonçant les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement des décisions administratives individuelles défavorables.

En outre, les décisions administratives individuelles défavorables doivent être soumises au respect d’une procédure contradictoire préalable au visa de l’article L121-1 du CRPA.

Or, force est de constater que l’absence de notification de l’arrêté préfectoral implique, dans de nombreux cas, la sanction du non-respect de ces obligations.

En conclusion, la carence de l’administration, au titre de la notification de l’arrêté d’inscription au FINIADA, place l’intéressé dans une situation de vulnérabilité qui doit pouvoir être contestée devant le Juge administratif.

Pour rappel :
- L’intéressé est toujours en situation de contester la légalité d’une décision faisant grief par un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif compétent ;
- Le délai de recours contentieux de deux mois contre une décision administrative n’est opposable qu’à la condition d’avoir été mentionné, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision.

Il est également à signaler que le ministère d’avocat est obligatoire au risque de rendre la requête irrecevable [8].

Aymard de la Ferté-Sénectère Avocat associé AARPI Buès et Associé 126, boulevard Haussmann 75008 Paris Courriel : [->a.delaferte@bues-associes.eu]

[1CE 19 décembre 1952, Demoiselle Mattéi, n°7133.

[2CE, 27 février 1995, Chapelle et a, n° 133804 et CE, sect., 20 juin 1997, Féty, n°185323.

[3CE, 22 octobre 1986, Doursoux, n° 35666.

[4CE, 8 juin 1979, Antoine Martin, n°99189.

[5CE, 22 octobre 1986, Doursoux, n°35666.

[6CE, 5 décembre 2005, Martineau, n° 280097.

[7CE, 17 février 2016, n°380684.

[8CAA Paris, 11 juin 2019, n° 19PA01050.