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Du nouveau pour le dispositif « Louer abordable ». Par Abi Camara, Avocat.
Parution : lundi 22 novembre 2021
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Emmanuelle Wargon, ministre du Logement a récemment indiqué vouloir aménager le dispositif « Louer abordable », aussi appelé dispositif « Cosse d’investissement locatif ».
Ces aménagements sont inclus dans un amendement au projet de loi de Finances pour 2022 actuellement en débat au Parlement.

La volonté politique affichée de refonte du dispositif est liée à la baisse importante du recours à ce dispositif, qui séduit de moins en moins les bailleurs.

Le nombre de conventions en cours était de 154 000 au 1er janvier 2017, contre 111 000 au 1er janvier 2021. Une diminution de 28% en l’espace de 4 années.

Le dispositif « Louer abordable » donne la possibilité aux propriétaires de logements nus de les louer en concluant une convention avec l’Agence nationale de l’habitat (Anah) en contrepartie d’une déduction fiscale sur les revenus fonciers ainsi dégagés.

Le bénéfice de cet avantage fiscal est conditionné d’une part au non dépassement d’un montant de loyer et d’autre part à un plafond de ressources du locataire.

Le dispositif existant.

L’actuel dispositif qui prévoit un abattement sur les revenus fonciers, fait que le niveau de l’avantage fiscal est conditionné aux revenus du bailleur. Plus la tranche marginale d’imposition du bailleur est élevée, plus son avantage fiscal sera important.

L’avantage fiscal est fonction du niveau de loyer pratiqué (loyer intermédiaire, social ou très social) et de la zone dans lequel le bien loué est situé (A, B ou C).

Un abattement fiscal uniforme de 85% est appliqué en cas de recours à l’intermédiation locative (par exemple par le biais de la signature d’un mandat de gestion avec une agence immobilière sociale). Le caractère uniforme de ce taux incite les bailleurs à se tourner vers un loyer intermédiaire et non vers un loyer social ou très social.

Les plafonds de ressources des locataires et le montant maximum des loyers praticables dépendent d’une part du type de convention et d’autre part de la zone géographique du bien ABC.

Or en pratique l’on constate que dans les zones où la tension sur le marché locatif est importante (grandes villes), l’incitation à passer par ce dispositif est très faible. A contrario dans certaines zones où le marché locatif est moins tendu, les loyers plafonds peuvent être équivalents voire supérieurs à la réalité des loyers pratiqués.

Le dispositif « Louer abordable » bénéficie alors d’un effet d’aubaine, puisque les bailleurs vont bénéficier d’un avantage fiscal sans avoir à faire d’effort sur le montant des loyers.

La situation actuelle est donc celle d’une sous-utilisation du dispositif « Cosse d’investissement locatif » dans les zones où il est rendu nécessaires par les difficultés d’accès au marché locatif et celle d’une sur-utilisation dans les zones où son utilité apparaît moindre.

Ce que prévoit le nouveau dispositif.

Le point majeur de l’amendement est que l’on passe d’une déduction fiscale à une réduction d’impôts.

La déduction fiscale était d’autant plus importante que les revenus du bailleur étaient élevés. La réduction d’impôts sera désormais égale quels que soient les revenus du bailleur.

L’objet de cette mesure est de venir toucher des bailleurs peu imposés qui voient ainsi l’intérêt fiscal du dispositif grandement renforcé par rapport à leur situation au regard du régime précédemment applicable.

Le principe du zonage (A, B et C) est abandonné au profit d’une décote sur le montant des loyers réels observés dans la commune concernée. Ces informations feront l’objet d’une publication en ligne par le gouvernement.

Le montant de l’avantage fiscal va dépendre du niveau de décote du loyer, l’incitation à pratiquer des loyers bas ou très bas sera donc plus forte pour les bailleurs.

Comparaison de l’ancien et du nouveau dispositif.

Prenons l’exemple d’un appartement de 40 m2 à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) dont le loyer au prix de marché est de 940 €. Le taux moyen d’imposition du bailleur est de 30%.

Avec un loyer très social (décote de 45% par rapport au prix de marché), le loyer pratiqué serait de 517 €.

En cas de recours à l’intermédiation locative (IML), la réduction d’impôt serait de 65%.

Hypothèse n°1 : location nue sans recours au dispositif.
Les revenus locatifs annuels après impôt sont de 6 000 €.

Hypothèse n°2 : dispositif « Louer abordable » ancienne version.
Les revenus locatifs annuels après impôt sont de 4 300 €.

Hypothèse n°3 : dispositif « Louer abordable » nouvelle version.
Les revenus locatifs annuels après impôt sont de 7 300 €.

Les objectifs affichés, à savoir l’augmentation du recours par les bailleurs au dispositif « Cosse Louer abordable », semblent bien pris en compte dans l’amendement au projet de loi de finances laissant présager un recours accru au dispositif.

L’enjeu est important avec un stock actuel de 1,1 million de logements vacants qui pourraient en partie faire l’objet d’une mise en location.

Néanmoins, il faudra que la communication à l’égard des bailleurs soit efficace car jusqu’à présent le dispositif a aussi péché par sa relative complexité et son manque de clarté en particulier quant au niveau des loyers plafonds applicables.

Abi Camara - Avocat Associé Barreau de Paris
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