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La rémunération de l’agent immobilier mandataire. Par Patrick de Pontonx, Avocat.
Parution : mercredi 24 novembre 2021
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Le droit à rémunération de l’agent immobilier est strictement dépendant, d’une part, du respect des règles d’ordre public qui gouvernent la rédaction de son mandat et, d’autre part, de la réalisation effective et complète de ce dernier.

I - L’exercice et la rémunération de l’agent immobilier, qui agit sur le mandat d’un de ses clients, sont gouvernés, comme ceux de tous les professionnels de l’immobilier, par les dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, complétées par le décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 (1ère Civ., 1er juillet 2020, pourvoi n° 19-15.009). Il en est ainsi quelle que soit l’activité de son mandant (1ère Civ., 23 janvier 2019, pourvoi n° 18-11.677).

Les dispositions de l’article 6 de la loi de 1970 sont d’ordre public, comme celles des articles 72 et 73 du décret du 20 juillet 1972 (1ère Civ., 8 mars 2012, pourvoi n° 11-10.871 ; 24 avril 2013, pourvoi n° 11-26.876). Cela implique deux conséquences : d’une part, que les parties au mandat ne sont pas libres de l’aménager à leur guise ; d’autre part, qu’elles ne peuvent pas en esquiver les exigences formelles.

II - Les règles ainsi légalement fixées conditionnent la rémunération de l’agent immobilier à un triple point de vue.

- 1 Il doit être en possession, préalablement à tout engagement, d’un mandat écrit, délivré à cet effet par l’une des parties, qui précise notamment les conditions de détermination de cette rémunération et la partie qui en aura la charge (L. 1970, art. 6 I, al. 4 ; 1ère Civ., 8 mars 2012, pourvoi n° 11-10.871, Bull. n° 46), les actions qu’il s’engage à réaliser pour exécuter sa mission et la reddition de compte périodique des actions effectuées (I, al. 6).

- L’exigence relative à l’indication des actions à réaliser doit cependant être nuancée. Elle ne peut être la même selon que l’on est présence d’un « mandat de recherche » ou d’un « mandat de négociation ». Le « mandat de recherche » vise à trouver pour le mandant un acheteur non encore identifié de son bien ou un vendeur non encore identifié d’un type de bien qu’il souhaite acquérir. Dans cette hypothèse, il est impératif que l’agent mandataire précise au mandant la stratégie qu’il va mettre en œuvre pour répondre à sa mission, ne serait-ce que parce qu’elle a un coût, qui doit être déterminable. Le « mandat de négociation » suppose, en revanche, que le bien que le mandant se propose par exemple d’acquérir, comme aussi son propriétaire, sont dûment identifiés. Ils ne sont donc pas à « rechercher ». La mission de l’agent immobilier est alors de rapprocher le mandant et le propriétaire en vue de l’acquisition du bien et de négocier les conditions de la vente. On comprend dès lors que l’indication ici des actions à engager soit moins nécessaire.

- 2 S’il n’y a pas de mandat écrit ou, ce qui est égal, si le mandat s’avère être nul, à raison notamment d’un manquement aux obligations imposées par les articles 6 de la loi et 73 du décret du 20 juillet 1972, alors, quelles que soient les diligences que l’agent immobilier a pu effectuer, il n’a droit à aucune rémunération : « (…) il résulte des textes susvisés que l’agent immobilier dont le mandat est nul ne peut percevoir, directement ou indirectement, aucune rémunération au titre de ses activités de recherche, démarche, publicité ou entremise (…) » (3e Civ., 19 octobre 2010, pourvoi n° 09-16.786). Il en est de même s’il apparaît que le mandat, écrit, n’a pas prévu de rémunération (1ère Civ. 8 mars 2012, pourvoi n° 11-14.234, Bull. n° 47).

- 3 Cette rémunération est en outre suspendue à une obligation de résultat. « Aucun bien, effet, valeur, somme d’argent, représentatif d’honoraires, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d’entremise quelconque, [ne lui est] dû ou ne peut être exigé ou accepté par [lui], avant qu’une des opérations visées [à l’article 1] ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l’engagement des parties » (L. de 1970, art. 6, I al. 8). L’agent immobilier ne peut donc percevoir aucune commission tant que la mission qui lui a été confiée n’a pas été pleinement exécutée ni, a fortiori, si elle se solde finalement par un échec. Ainsi en est-il, par exemple, lorsque la réalisation d’une vente est suspendue à une condition suspensive qui ne se réalise pas (3e Civ., 11 mars 2009, pourvoi n° 07-20.509, Bull. n° 60), ou lorsqu’une promesse de vente n’est pas suivie d’effet (3e Civ., 9 juillet 2014, pourvoi n° 13-19.061, Bull. n° 96).

III - Dans la mesure ou le mandant est le débiteur de la rémunération de l’agent immobilier, il est tenu étroitement de respecter les obligations rémunératrices nées du mandat conclu. Ceci implique, pour lui, deux exigences principales.

- 1 Le mandant ne doit pas faire obstacle à l’obtention par l’agent immobilier du résultat auquel il est conventionnellement obligé. Ainsi, il lui est interdit de conclure directement avec le vendeur [par exemple] pendant la durée convenue du mandat, ainsi que pendant la période conventionnellement fixée qui la suit, si elle est d’une durée raisonnable [généralement un an]. S’il le fait, il manque à ses obligations contractuelles, parce qu’il prive ainsi l’agent immobilier de la réalisation de l’opération dont il avait été chargé. En conséquence, le mandant peut être condamné à lui verser une indemnité compensatrice de la commission dont cette faute l’a privée (1ère Civ., 29 mai 2013, pourvoi n° 12-17.172, Bull. n° 107).

- 2 Il n’a pas davantage le droit de tenter d’éluder, par des manœuvres frauduleuse, le paiement d’une commission effectivement due au regard d’un résultat effectivement obtenu. S’il le fait, ou si, d’une manière plus générale, il fait perdre à l’agent immobilier sa commission par son comportement, il commet une faute (1ère Civ.,1er juillet 2020, pourvoi n° 19-10.285), dont la Cour de cassation se réserve de contrôler la caractérisation (même décision). Cette faute n’ouvrira cependant pas à l’agent immobilier un droit au paiement de la commission contractuellement conclue, mais seulement un droit à réparation de son préjudice par l’allocation de dommages et intérêts, allocation qui tiendra compte des diligences accomplies (3e Civ., 8 juin 2010, pourvoi n° 09-14.949, Bull. n° 112 ; 1ère Civ., 25 novembre 2010, pourvoi n° 08-12.432, Bull. n° 241).

A l’inverse, il doit cependant être souligné que si l’agent immobilier ne peut pas prétendre au paiement d’une commission, parce que son mandat est nul, ou bien parce qu’il n’a pas obtenu l’entier résultat qu’il était mandaté d’obtenir, il ne peut pas davantage, fort logiquement, prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de sa perte de rémunération (3e Civ., 9 juillet 2014, pourvoi n° 13-19.061, Bull. n° 96). Nul ne peut être indemnisé pour la perte d’un droit auquel il ne pouvait légalement prétendre.

Selon la même logique, lorsqu’un mandat a omis de préciser la rémunération du mandataire, il n’en résulte pour ce dernier aucun droit à rémunération sur le principe. De surcroît, il ne peut même pas réclamer d’en être indemnisé au titre d’une perte de chance. En effet, seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable. Or l’agent immobilier, qui ne peut prétendre au versement d’une commission que le mandat n’a pas fixée, ne peut pas avoir subi de perte de chance d’en recevoir le paiement (1ère Civ. 8 mars 2012, pourvoi n° 11-14.234, Bull. n° 47). Cela est vrai dans tous les cas où le droit à rémunération ne peut être acquis à l’agent immobilier.

On le voit, les conditions de mandat d’un agent immobilier sont très rigoureuses, dont dépend étroitement, en particulier, son droit même à être rémunéré des diligences, fussent-elles coûteuses [emploi de salariés, publicités, etc.], qu’il aura pu effectuer.

Patrick de Pontonx Avocat à la cour de Paris
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