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Réforme du Crédit Impôt Innovation suivant amendement au Projet Loi de Finance 2022. Par Solenne Desprez Braun, Directrice des Affaires Juridiques et Joël Fabian.
Parution : lundi 29 novembre 2021
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Le Crédit Impôt Innovation (« CII ») est une extension du Crédit Impôt pour les dépenses de Recherche (« CIR »), créé en 2012. Suivant amendement au sein du Projet Loi de Finance 2022 (« PLF »), des modifications importantes sont à noter.

- Le Crédit Impôt Innovation, un crédit d’impôt en sursis.

Le Crédit Impôt pour les dépenses d’Innovation (CII) est une extension du Crédit Impôt pour les dépenses de Recherche (CIR). Créé par la loi de finance 2012, via l’ajout du k) au II du 244 quater B du CGI, ce dispositif est donc venu compléter l’arsenal fiscal de soutien à la recherche et à l’innovation. Il est né du constat que seules les dépenses de recherche étaient valorisées alors même que les plus petites entreprises avaient besoin d’aide pour l’étape suivante, passer de la R&D au Marché.

Il est intéressant de noter que cette incitation, présentée à l’époque par le gouvernement [1] comme un complément au CIR, a été mise en place en échange de la suppression des taux incitatifs (40% puis 35% les deux premières années) dudit CIR, dans une volonté de rester à budget constant. In fine, on comprendra de la lecture des débats parlementaires [2] de l’époque qu’il s’agit plus d’une redistribution aux PME que d’un élargissement.

En outre, ce dispositif est une aide relevant du régime du RGEC. A ce titre, l’aide est encadrée par la commission Européenne dans le cadre du règlement UE n°651/2014 en application des articles 107 et 108 du traité.

- Un dispositif quasiment inchangé depuis sa création.

Le CII est donc un dispositif permettant de bénéficier d’un allègement, voire d’un remboursement d’impôt, visant les PME exposant des dépenses de conception de prototypes et installations pilotes. Lors des débats de 2012, l’opposition a critiqué le fait que, le CII ne concerne que les innovations de biens ; excluant ainsi les critères du manuel d’Oslo [3] incluant les innovations de procédé, de services, etc.

Les dépenses concernées sont principalement les dépenses de personnel, complétées de frais de fonctionnement, d’immobilisations, de sous-traitance et propriété intellectuelle. Toutes ces dépenses doivent se rapporter directement à la création et à la protection de prototype nécessaire au développement d’un nouveau produit. On entendra par nouveau produit tout produit qui satisfait de manière cumulative les deux conditions suivantes :
- N’est pas encore sur le marché,
- Se distingue de l’existant par des performances supérieures sur les plans techniques, ergonomiques, fonctionnels ou écologiques.

Hormis des évolutions de taux concernant les DOM-TOM, la Corse, ou les frais de fonctionnement de manière générale, le CII n’a pas connu de modification importante jusqu’en 2019 avec l’ajout d’une « date de péremption » à ce dispositif, le limitant désormais aux dépenses exposées jusqu’au 31/12 2022. Le gouvernement explique cette modification de plusieurs manières :
- Un alignement avec le calendrier Européen concernant les Minimis et le RGEC ;
- La mise en place d’une évaluation plus régulière, conditionnant la prolongation ou non de l’aide.

Cet alignement soudain avec le calendrier européen, alors même que les règles évoquées s’appliquaient déjà lors de la création du CII, est concomitant avec un rappel à l’ordre de la CJUE au sujet du doublement des dépenses de sous-traitance de R&D publique dans le CIR. Ces deux réformes du 24 quater B ne résultent donc probablement pas d’une volonté budgétaire nationale, et le PLF 2021 pour 2022 vient confirmer ce fait.

- La réforme du CII au sein du PLF 2022.

L’amendement voté a pour conséquence un remodelage du CII :
- Suppression des frais de fonctionnement dans le CII ;
- Rehaussement du taux de 20% à 30% en métropole et de 40% à 60% outre-mer ;
- Prolongation du dispositif jusqu’au 31/12/2023.

D’aucun pourrait voir dans cette prolongation un geste peu convaincant, ceux-là réclamant plutôt une pérennisation. Nous avons pourtant vu précédemment que cette pérennisation est pour le moment peu probable, faisant de la prolongation un geste important.

Quant à la suppression des frais de fonctionnement et les ajustements des taux, force est de constater que certaines entreprises pourraient être impactées défavorablement : celles qui ne déclareraient que des frais de personnel perdraient avec les frais de fonctionnement la plus grosse part de leur assiette éligible. Pourtant, même dans ce cas, l’assiette du CII sera en hausse de 4,9%.

De fait donc, et sur le plan purement financier, les entreprises devraient y gagner. Sur un plan fiscal, l’alignement de ce taux sur le taux de CIR fait écho aux débats de 2012, lors desquels l’opposition [4] réclamait déjà cet ajustement au motif d’une plus grande sécurité fiscale. Dont acte puisque cet amendement ôte toute tentation de passer une dépense d’un dispositif à l’autre.

Suivant adoption définitive du PLF, la pratique nous permettra de savoir si les mesures votées produisent les effets attendus.

Joël Fabiani, Lead Knowledge Manager & Solenne Desprez Braun, Directrice des Affaires Juridiques - FI Group

[1https://www.assemblee-nationale.fr/14/projets/pl0235.asp#P4588_400400 Projet de loi de finance pour 2013, article 55, exposé des motifs.

[2https://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2012-2013/20130059.asp#P637_145042 Compte rendu Intégral, Première séance du 14/11/2012, à l’article 55.

[3https://www.oecd.org/fr/sti/inno/2367523.pdf A l’instar du manuel de Frascati lorsqu’il s’agit de recherche, le manuel d’Oslo est le référentiel commun aux pays de l’OCDE en vue de définir ce qu’est l’Innovation.