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L’application du Code de justice pénale des mineurs (CJPM) dans le temps. Par Alexandra Lecoq, Avocat.
Parution : lundi 29 novembre 2021
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Le Code de justice pénale des mineurs, entré en vigueur le 30 septembre 2021, vient sacrer la fin de l’Ordonnance de 1945. Quid de son application dans le temps ?

I / Poursuites engagées avant le 30 septembre 2021 : l’application de l’Ordonnance de 1945.

Les procédures engagées devant le juge des enfants ou tribunal pour enfants jusqu’au 29 septembre 2021 sont soumise à l’ordonnance du 2 février 1945, et ce jusqu’à leur terme.

Elles supposent une instruction préparatoire devant le juge des enfants, une ordonnance de renvoi devant la juridiction de jugement et la phase de jugement.

II / Poursuites engagées après le 30 septembre 2021.

L’article 9 de l’ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019, dans sa version modifiée par la loi n°2021-218 du 26 février 2021, prévoit l’entrée en vigueur du CJPM à la date du 30 septembre 2021.

L’article 10 de ladite ordonnance précise que les dispositions du CJPM relatives à la procédure pénale sont applicables aux poursuites engagées à compter de son entrée en vigueur. Il ne s’agit donc pas de la date des faits, mais bien de la date à laquelle le Parquet a pu décider, conformément à l’article 40-1 du Code de procédure pénale, d’engager des poursuites (le choix du mode étant laissé à son appréciation).

III / Exception : l’application des dispositions du CJPM aux procédures entamées avant son entrée en vigueur.

L’article 112-1 du Code pénal rappelle le principe de non-rétroactivité des dispositions nouvelles au droit pénal de fond. Une exception à ce principe : la rétroactivité des lois pénales plus douces, appelée rétroactivité in mitius.

La présomption d’absence de discernement des mineurs âgés de moins de 13 ans constitue notamment une loi pénale plus douce qui devra vraisemblablement être soulevée y compris pour les poursuites engagées avant le 30 septembre 2021.

Exception à l’article 10 de l’ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019, l’alinéa 2 prévoit :

« Toutefois, s’appliquent immédiatement les dispositions du Code de la justice pénale des mineurs relatives aux mesures éducatives ainsi que, lorsqu’elles sont plus favorables aux mineurs à l’encontre desquels ces poursuites sont engagées, aux mesures de sûreté ».

- Les dispositions relatives aux mesures éducatives.

La mesure éducative judiciaire et la mesure éducative judiciaire provisoire, équivalentes aux mesures éducatives et sanctions éducatives de l’Ordonnance de 1945, peuvent être prononcées dès le 30 septembre 2021 y compris pour les procédures qui lui sont antérieures.

Les anciennes mesures éducatives post-sentencielles (liberté surveillée préjudicielle, mise sous protection judiciaire, placement, réparation, mesure éducative d’accueil et mesure éducative d’activité de jour) et sanctions éducatives ne peuvent plus être prononcées. Seules peuvent être désormais prononcés l’avertissement judiciaire et la mesure éducative judiciaire (dont les différents modules reprennent l’essentiel des dispositions antérieures).

Les mesures post sentencielles en cours restent bien évidemment inchangées.

Au titre des mesures pré-sentencielles, seule la mesure éducative judiciaire provisoire peut désormais être prononcée.

Les mesures pré-sentencielles en cours demeurent mais, en cas de nouvelle saisine du juge pour adapter la mesure, les dispositions nouvelles trouvent à s’appliquer.

- Les mesures de sûreté.

Les mesures de sûreté d’application immédiate sont : les règles relatives au contrôle judiciaire, à l’assignation à résidence sous surveillance électronique (ARSE) et à la détention provisoire.

Les dispositions pénales plus douces relevées dans le CJPM sont notamment :
- Au titre de l’article L331-1, le mineur entre 13 et 16 ans ne peut être placé sous contrôle judiciaire en matière correctionnelle, que dans l’un des cas suivants :
« 2° Si la peine d’emprisonnement encourue est supérieure ou égale à cinq ans et si le mineur a déjà fait l’objet d’une mesure éducative, d’une mesure judiciaire d’investigation éducative, d’une mesure de sûreté, d’une déclaration de culpabilité ou d’une peine prononcée dans le cadre d’une autre procédure et ayant donné lieu à un rapport datant de moins d’un an »,
- Toujours sur le contrôle judiciaire, l’article L331-2 pose une liste exhaustive des obligations et interdictions auxquelles peut être soumis le mineur, ce qui exclut donc les dispositions de l’article 138 du Code de procédure pénale,
- Concernant le placement sous ARSE, la peine encourue minimale est passée de deux à trois ans pour les 16-18 ans [1],
- Sur la révocation des contrôle judiciaire et ARSE des mineurs de 16 à 18 ans, l’article L334-5 prévoit désormais « La détention provisoire ne peut être ordonnée qu’en cas de violation répétée ou d’une particulière gravité des obligations du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence avec surveillance électronique et lorsque le rappel ou l’aggravation de ces obligations ne peut suffire pour atteindre les objectifs prévus à l’article 144 du Code de procédure pénale »,
- Sur la durée de la détention provisoire entre l’ordonnance de renvoi et le jugement TPE des mineurs de 16 à 18 ans, l’article L434-7 prévoit désormais un délai de deux mois renouvelable une seule fois,
- Sur la durée de la détention provisoire entre l’ordonnance de renvoi et le jugement TPE criminel des mineurs de 13 à 16 ans, l’article L434-8 prévoit désormais un délai de deux mois, renouvelable deux fois.

Alexandra LECOQ, Avocat à la Cour Barreau de Versailles http://lecoq-avocats.com Mail : [->lecoq.avocat@protonmail.com]

[1Article L333-1.