Village de la Justice www.village-justice.com

La propriété acquisitive et la responsabilité civile délictuelle. Par Nadège Gassend, Docteur en Droit.
Parution : mardi 30 novembre 2021
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/propriete-acquisitive-responsabilite-civile-delictuelle,40886.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

La responsabilité civile délictuelle est souvent négligée tandis qu’il s’agit d’une grande branche du droit ayant une forte influence dans de nombreuses branches du droit dont en droit de la propriété.
Ce qui va être mis en exergue, par le biais de cet article, sera de prouver l’importance et la place de la responsabilité civile délictuelle en droit de la propriété et plus particulièrement dans la propriété acquisitive, à savoir dans la manière dont un bien est acquis.

Le droit de la propriété étant une matière juridique vaste, ce qui va être étudié ici va concerner la propriété acquisitive. De fait, pour illustrer la manière dont la responsabilité civile intervient au sein de la propriété acquisitive, l’exemple de sous-location d’un appartement sans l’autorisation du propriétaire de l’immeuble sera pris en exemple tout du long de cet article dans le but de prouver l’importance et la place de la responsabilité civile délictuelle en la matière.

Mots clés : Propriété acquisitive ; Responsabilité civile ; Préjudice financier ; Dommages-intérêts.

La responsabilité civile délictuelle est présente dans chacune des branches du droit quand bien même elle reste, la plupart du temps, négligée et n’est pas mise en avant. Pour rappel, afin que la responsabilité civile délictuelle puisse être invoquée, il faut la présence de trois éléments majeurs étant celle d’un dommage, d’un fait générateur mais aussi l’existence d’un lien de causalité entre ces derniers.

Ici, en droit de la propriété et notamment de la manière dont elle s’acquiert, la Cour de cassation est venue, en 2019 [1], rendre un arrêt prônant les liens forts et étroits entre la responsabilité délictuelle et le droit de la propriété, étant un revirement de jurisprudence en la matière.
Il est fait mention à l’article 547 du Code civil que « …les fruits civils, […] appartiennent au propriétaire par droit d’accession » ainsi qu’au nouvel article 1231-1 du même code que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure ». Il s’agit ici de deux articles importants avec d’une part l’explication des fruits civils et de la propriété par accession, et il convient de souligner, d’une autre part, qu’au sein du nouvel article 1231-1 du Code civil, la mention de « dommages et intérêts » est primordiale afin de faire le lien entre cet article et la responsabilité civile.

L’arrêt rendu par la Cour de cassation en 2019 faisait état d’un couple de locataires sous-louant, sans que le propriétaire de l’immeuble ne le sache ni sans son accord, depuis de nombreuses années, leur appartement tout en en percevant les fruits civils découlant desdites sous-locations. Dans cet arrêt, ayant été étudié lors d’un article, il a été reconnu par la Cour de cassation que dès lors que le propriétaire d’un immeuble se rend compte que l’appartement qu’il loue est sous-loué sans son accord express, il devient alors propriétaire, par accession, des fruits civils engendrés par les sous-loyers. De plus, la Haute-Cour de Justice estime également que le propriétaire de l’immeuble subit, par cette action, un préjudice financier étant donné qu’il n’a pas perçu les sous-loyers des diverses sous-locations qui ont été réalisées sans qu’il ne soit au courant. C’est ici, que la Cour de cassation met en exergue le nouvel article 1231-1 du Code civil, précité, afin de pouvoir demander des dommages-intérêts.

Depuis cette décision rendue en 2019, se pose donc la question suivante : quelle est la place et l’importance de la responsabilité civile délictuelle dans la propriété acquisitive ?

Il s’agit ici, d’une interrogation intéressante à laquelle il convient de répondre en vue de prouver l’importance de la responsabilité civile en droit de la propriété et notamment en cas d’acquisition par accession.

Dès lors que l’on parle de propriété acquisitive, il convient de savoir qu’elle peut être acquise via le droit d’accession (I). Une fois que cette notion est approfondie, il est essentiel de connaître la manière dont intervient la responsabilité civile délictuelle afin de réparer les préjudices présents dans ce domaine (II).

I) L’étude de la notion de la propriété par accession.

Il existe deux manières dont la propriété s’acquiert à savoir l’acquisition dérivée qui provient d’un contrat de vente ou d’une donation, par exemple. Nonobstant, il existe également l’acquisition originaire étant intéressante, en l’espèce, étant donné qu’avec ce type d’acquisition, le propriétaire va se voir acquérir, par le biais de l’accession, un nouveau droit qui se nomme la propriété acquisitive. Concernant ce type de propriété, l’article 712 du Code civil est mis en exergue et dispose du fait que « la propriété s’acquiert aussi par accession ou incorporation, et par prescription ».

Cette propriété va, par la suite, être développée au sein des articles 546 et suivants du Code civil.

Afin de mieux connaître cette notion, il est intéressant de savoir la manière dont est acquise la propriété et donc le droit d’accession (A) mais également les effets que produisent ce même droit (B).

A) La manière dont s’acquiert le droit d’accession.

Le droit d’accession se trouve être prévu au sein de l’article 546 du Code civil disposant du fait que « La propriété d’une chose soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement soit naturellement, soit artificiellement. Ce droit s’appelle "droit d’accession" ».

Il est intéressant de mettre en exergue, dans cet article, qu’il s’agit d’une propriété « […] soit immobilière » qui va donner « droit sur tout ce qu’elle produit… ».

L’accession se trouve être le mécanisme via lequel le propriétaire d’une chose pourra se voir attribuer la propriété d’une autre chose qui sera soit le produit de la première chose, soit uni à cette chose.

Il faut rappeler que l’article 546 du Code civil vient prôner un droit d’accession se trouvant aisément rapprochable de faits souvent produits dans le cadre où des locataires vont venir sous-louer leur appartement, et ce, sans l’accord du propriétaire de l’immeuble à qui appartient ledit appartement. De fait, les locataires qui sous-louent leur appartement de cette manière, perçoivent les fruits civils étant les sous-loyers, et ce, à long terme. Tandis que cet appartement appartient, en réalité, au propriétaire de l’immeuble qui n’aura pas donné son accord pour que ledit appartement soit sous-loué. Ipso facto, via le droit d’accession, le propriétaire de l’immeuble va se retrouver, également, propriétaire des fruits civils résultants des sous-locations perçus par les preneurs.

Ces réponses viennent confirmer la décision d’un arrêt du 27 mars 2002 [2], rendu par la Cour de cassation, où figurent les articles 551 et 555 du Code civil au visa de ladite décision. Au sein de cet arrêt, la Cour de cassation a rappelé que « l’accession opère de plein droit et que l’acquisition de la propriété des constructions n’est pas subordonnée à l’action du propriétaire du sol ou à celle du créancier poursuivant ». Il s’agit ici d’une solution ayant été reprise, par la suite, dans un arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 27 avril 2017 [3]. Dans cette décision, se trouvent, au visa, l’article 546 du Code civil permettant à la Cour de cassation de décider que dès lors qu’autrui va venir invoquer « une présomption de propriété par accession », elle « peut être renversée par la preuve contraire résultant de la prescription ».

Du fait des arrêts qui ont été énoncés ci-dessus mais aussi via la solution que la Cour de cassation a pu rendre, dans un arrêt du 12 septembre 2019 [4], le droit d’accession de la propriété vient occuper une place importante. Assurément, ce constat est observé par le biais des exemples sus-énoncés comme par la présence et l’importance de l’article 546 du Code civil ayant été cité au visa des solutions rendues par la Cour de cassation au sein des décisions prises pour exemple.

Il en demeure donc que les dispositions énoncées par cet article 546 du Code civil demeurent importantes. Nonobstant, ce droit d’accession, ayant été nommé par l’article 546 dudit code, engendre des effets, en droit de la propriété (B).

B) Les effets produits par le droit d’accession en droit de la propriété.

Il existe, dans le Code civil, un article concernant les effets du droit d’accession. Cet article n’est autre que l’article 547 dudit code venant disposer du fait que « Les fruits civils, […] appartiennent au propriétaire par droit d’accession ». Cela signifie donc que X va pouvoir, par le biais du droit d’accession, percevoir les fruits civils d’une action vu qu’il va en devenir le propriétaire. Pour rappel, les fruits civils ne sont autres que des sommes d’argents étant réitérées, périodiquement, du fait de l’exploitation d’une chose. En l’occurrence, les loyers sont un des exemples les plus connus des fruits civils. Il s’agit d’ailleurs d’un exemple intéressant étant donné que va être pris pour exemple, en tant qu’étude de cas, au sein de cet article, la solution mais aussi les faits présents dans l’affaire du 12 septembre 2019 [5] précitée.

En effet, lorsque l’on est locataire, si l’on souhaite sous-louer notre appartement, il faut avoir l’accord express du propriétaire de l’immeuble. De facto, si des locataires sous-louent leur appartement, sans l’accord express du propriétaire, qu’ils perçoivent les fruits civils desdits sous-loyers et gardent ceux-ci seulement pour eux, ils sont dans l’illégalité. Bien entendu, ils doivent avoir l’accord express du propriétaire afin de sous-louer mais aussi, les sous-loyers perçus par les preneurs, appartiennent, du fait du droit d’accession, au propriétaire de l’immeuble en question et non pas aux locataires étant à l’origine de la sous-location.

Comme énoncé plus haut, le droit d’accession se trouve être le mécanisme qui va constituer l’attribution de la propriété au propriétaire d’une chose, une autre chose résultant soit du produit de la première ou étant unie à la première chose. En l’occurrence, en l’espèce, les fruits civils se trouvent être les sous-loyers perçus par les locataires lors des sous-locations, sans l’accord du propriétaire. De ce fait, les locataires qui sous-louent leur appartement sans que le propriétaire de l’immeuble n’ait donné son accord, ledit propriétaire se retrouve, ipso facto, propriétaire par accession, des fruits civils perçus lors des sous-locations s’étant déroulées sans son accord express.

À ce propos, la Cour de cassation est venue, en 2019, confirmer ses décisions antérieures concernant le sort du droit d’accession ce qui s’avère être important étant donné que le propriétaire d’une chose peut se voir attribuer la propriété d’une autre chose se trouvant être soit la conséquence de la première ou alors unie à la première [6].

Cependant, dans la propriété acquisitive, une fois qu’un droit d’accession est enfreint, cela engendre des préjudices à l’encontre des acteurs, en droit de la propriété, des préjudices qui se doivent être réparés en cas d’inexécution contractuelle (II).

II) L’intervention de la responsabilité civile délictuelle pour réparer un préjudice, en cas d’inexécution du contrat, en droit de la propriété.

Il s’avère que se trouve être présent, dans les différentes décisions relatives à la propriété acquisitive, le nouvel article 1231-1 du Code civil, dans la manière dont s’acquiert la propriété mais aussi dans la manière dont le préjudice, en cas d’inexécution contractuelle, se doit être réparé (A). Il s’agit d’un droit à la réparation essentiel une fois qu’un droit de la propriété est enfreint (B).

A) L’importance de réparer un préjudice causé en cas d’inexécution contractuelle en droit de la propriété.

Comme énoncé précédemment, l’arrêt rendu le 12 septembre 2019 [7] est pris comme étude de cas, dans cet article. Il s’avère que, dans cet arrêt, la Cour de cassation l’a rendu au visa de deux articles parmi lequel figure le nouvel article 1231-1 du Code civil venant disposer du fait que « Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure ». Le fait d’avoir rendu sa décision au visa de cet article 1231-1 du nouveau Code civil, la Cour de cassation a voulu faire passer un message à savoir qu’il s’agit d’un article important devant être évoqué quand des appartements se trouvent être sous-loués sans l’accord express du propriétaire ; dès lors que les locataires perçoivent les fruits civils des sous-locations et les gardent pour eux, sans en avertir le propriétaire. Le fait d’agir de la sorte engendre un préjudice financier au propriétaire de l’immeuble étant en droit de réclamer des dommages et intérêts au preneur.

Bien entendu, comme l’a déclaré la Cour de cassation, un locataire ne peut pas sous-louer un appartement et percevoir, à titre personnel, les fruits civils découlant de cette sous-location, ayant lieue sans l’accord du propriétaire. À ce propos, l’article 8 de la Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 [8], vient énoncer la pratique de la sous-location étant interdite à l’exception qu’un accord autorisant cela, par le bailleur, existe. L’article 8 de la loi sus-énoncée vient disposer du fait que

« le locataire ne peut ni céder le contrat de location, ni sous-louer le logement sauf avec l’accord écrit du bailleur, y compris sur le prix du loyer. Le prix du loyer au mètre carré de surface habitable des locaux sous-loués ne peut excéder celui payé par le locataire principal. Le locataire transmet au sous-locataire l’autorisation écrite du bailleur et la copie du bail en cours. En cas de cessation du contrat principal, le sous-locataire ne peut se prévaloir d’aucun droit à l’encontre du bailleur ni d’aucun titre d’occupation. Les autres dispositions de la présente loi ne sont pas applicables aux contrats de sous-location ».

Il est intéressant de regrouper cette Loi du 6 juillet 1989 qui tend à améliorer les rapports locatifs avec le nouvel article 1231-1 du Code civil étant donné qu’un lien important est présent entre ces deux textes. En effet, cette loi de 1989 permet de mettre en exergue le fait qu’en cas de sous-location d’un appartement, sans l’accord express du propriétaire de l’immeuble, ce n’est pas seulement le locataire qui se trouve être dans l’illégalité mais également le sous-locataire. Bien entendu, le sous-locataire se trouve être dans une situation illégale étant donné, qu’avant d’occuper les lieux, le sous-locataire doit obtenir une copie de l’accord écrit entre le locataire et le propriétaire venant autoriser la sous-location.

Ce faisant, dès lors que le sous-locataire ne vient pas réclamer la copie de l’autorisation de sous-location, il va donc jouer un rôle concernant le préjudice subi par le propriétaire, étant donné qu’il va occuper les lieux en payant des sous-loyers au locataire sans en avertir le propriétaire et sans que le propriétaire ne touche son dû.

Le fait de procéder de cette manière, consent à se questionner sur la manière dont la responsabilité civile délictuelle intervient en droit de la propriété et notamment dans la propriété acquisitive. Assurément, cela permet de démontrer que la responsabilité civile délictuelle occupe un rôle important en droit de la propriété et plus précisément lorsque cela concerne la propriété acquisitive, comme cela l’a pu être démontré via l’exemple pris comme étude de cas.

Ce nouvel article 1231-1 du Code civil occupe une place importante quant au fait d’avoir ce rôle de pouvoir indemniser le bailleur dès lors que des fruits civils ont été perçus de sous-locations de son locataire, et ce, sans qu’il n’en n’ait donné son approbation via un accord express. De facto, il s’avère qu’en droit de la propriété et plus précisément lorsque cela concerne la propriété acquisitive, la responsabilité civile délictuelle occupe une place importante en la matière (B).

B) L’importance et la place de la responsabilité civile dans la propriété acquisitive.

Au sein de la jurisprudence de la Cour de cassation, il a été énoncé, notamment dans les décisions sus-énoncées, que le fait de louer un appartement sans avoir eu l’accord express du propriétaire de l’immeuble où se trouve ce bien : que dès lors qu’une sous-location a lieu et que ce sont les preneurs qui perçoivent les fruits civils découlant de ladite sous-location et ce, à titre personnel, alors cela engendre un préjudice financier au propriétaire de l’immeuble. Un préjudice financier pour lequel le propriétaire est en droit de demander réparation. C’est pourquoi, par le biais de ces décisions et notamment de celle rendue en 2019, le fait d’utiliser la notion de « préjudice » et de rendre la décision au visa du nouvel article 1231-1 du Code civil sont d’une grande importance étant donné que cela signifie que la responsabilité civile a sa place concernant la réparation du préjudice subi, en droit de la propriété acquisitive, afin de dédommager le préjudice subi par le propriétaire. Cela prouve, une fois encore, l’importance de la responsabilité civile délictuelle, en la matière. Le fait d’avoir mis ceci en exergue, prouve qu’en l’espèce, que dès lors que les locataires sous-louent un appartement sans l’accord express du propriétaire et perçoivent les fruits civils de ces sous-locations, alors ces fruits civils doivent revenir, via la propriété par accession, au propriétaire de l’immeuble. C’est pourquoi, le fait de percevoir à titre personnel les fruits civils desdites sous-locations, sans l’accord du propriétaire, cela entraîne, de la part des locataires, un préjudice financier au propriétaire se devant être réparé et dédommagé.

En conséquence de quoi, par le biais de ces faits, il en résulte que la responsabilité civile délictuelle a sa place et doit s’appliquer concernant la propriété acquisitive, en droit de la propriété.

Pour ce faire, il est important de rappeler qu’il existe trois éléments primordiaux afin que la responsabilité civile délictuelle puisse venir s’appliquer. En premier lieu, il s’agit d’un fait générateur étant ici, dans l’étude de cas, le fait pour les locataires de sous-louer leur appartement, sans l’accord express du propriétaire et d’en percevoir les fruits civils qui en découlent, à titre personnel. Ensuite, il faut la présence d’un voire plusieurs dommages étant, en l’espèce, la présence d’un préjudice financier subi par le propriétaire de l’immeuble ne percevant pas les fruits civils des sous-loyers des sous-locations non autorisées par celui-ci et sans qu’il n’en connaisse l’existence.

Enfin, il doit exister un lien de causalité entre le fait générateur et le dommage. Dans les faits sus-énoncés, ce lien de causalité est présent étant donné qu’à la suite des sous-locations non autorisées par le propriétaire de l’immeuble, ce dernier a subi un préjudice financier de la part des locataires ayant sous-loués et perçus, à titre personnel des fruits civils provenant des sous-locations, sans son accord express alors que le propriétaire de l’immeuble est également propriétaire, du fait de la propriété par accession, desdits fruits civils. En l’espèce, le lien de causalité entre le fait générateur et le préjudice financier n’est plus à démontrer voulant signifier que la responsabilité civile vaut à s’appliquer. Assurément, la responsabilité civile délictuelle des locataires doit être engagée et occupe une place importante dans le but de venir réparer le préjudice financier subi par le propriétaire et également de venir le dédommager des actes pernicieux dont il a été victime du fait des agissements de ses locataires.

Du fait de cette analyse, il est nécessaire de rappeler l’importance de la responsabilité civile se trouvant être une branche du droit très présente dans toutes les autres branches du droit y compris en droit de la propriété et plus précisément dans la propriété acquisitive, comme démontré ci-dessus. Comme l’énonce le nouvel article 1240 du Code civil, « tout fait quelconque qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ». Cet article trouve son importance dans l’exemple ayant été pris relatif à la propriété acquisitive étant donné que lorsqu’un locataire va sous-louer, sans l’accord express du propriétaire de l’immeuble, son appartement mais également percevoir, à titre personnel, les fruits civils découlant des sous-locations, cela va entraîner un préjudice financier au propriétaire de l’immeuble en question. Il s’agit ici d’une faute commise par le locataire qui va voir sa responsabilité civile engagée dans le but de venir réparer le préjudice qu’a pu subir le propriétaire de l’immeuble.

En conclusion, il demeure, comme le démontre les arrêts précités, qu’en cas de propriété acquisitive, dès que le propriétaire va se trouver lésé, comme cela arrive souvent, si ce dernier est victime d’un préjudice financier, alors les articles 1231-1 et 1240 du nouveau Code civil sont invoqués dans le but de venir protéger mais également de dédommager le propriétaire des préjudices dont il est victime. Ce qui affirme le fait que la responsabilité civile, en droit civil des biens et surtout concernant la propriété acquisitive, occupe une place importante en la matière et a tout intérêt à s’appliquer.

Qui plus est, il ne faut pas oublier qu’en droit de la propriété, l’abus de droit est interdit depuis deux arrêts célèbres de 1855 [9] et l’Affaire Clément-Bayard rendue en 1915 [10], où la cour a retenu que quand bien même, un propriétaire a le droit de construire, de planter ce qu’il veut sur son terrain, il ne peut le faire dans l’intention de nuire à son voisin. A ce propos, la décision avait été rendue aux visas des articles 544 et 1382 et suivants de l’ancien Code civil. Le fait d’évoquer l’ancien article 1382 du Code civil, montrait déjà l’importance de l’intervention de la responsabilité civile délictuelle en la matière. Néanmoins, malgré les affaires ayant été étudiées au sein de cet article, dont celle relative aux locataires venant sous-louer leur appartement, sans avoir eu l’autorisation express du propriétaire, et en en percevant les fruits civils à titre personnel, un locataire est censé être au courant qu’il ne peut sous-louer sans l’accord de son propriétaire, sans en l’informer, son appartement. En effet, en agissant de la sorte, le locataire va venir nuire de manière volontaire au propriétaire dudit immeuble et également venir le priver du droit de jouissance de son droit de propriété.

Ce faisant, dès lors qu’un fait de la sorte vient à se produire, est applicable le nouvel article 1240 du Code civil avec la présence des trois éléments primordiaux permettant d’engager la responsabilité civile de l’auteur des faits. A la suite de quoi, pour venir réparer le préjudice financier subi par le propriétaire du fait des actes illégaux du locataire, des dommages et intérêts vont pouvoir lui être alloués. Il s’agit ici d’un préjudice et d’une réparation qui ont été mis en exergue via les faits mais aussi par le biais des solutions rendues par la Cour de cassation, en l’espèce, au sein des affaires citées dans cet article.

La responsabilité civile délictuelle se trouvant être une grande branche du droit, il s’avère qu’elle intervient aussi dans la propriété acquisitive et, in extenso, en droit de la propriété en général. Par conséquent, le fait qu’un préjudice financier, en droit de la propriété, puisse être réparé, démontre les liens étroits entretenus entre ces deux branches du droit. Qui plus est, il est indéniable qu’une place importante soit occupée par la responsabilité civile délictuelle en droit de la propriété, et plus précisément, concernant la propriété acquisitive.

Nadège Gassend, Docteur en droit privé et sciences criminelles, Université de Montpellier

[1Cass., Civ., 3ème, 12 sept. 2019, n° 18-20.727.

[2Cass., Civ., 3ème, 27 mars 2002, n° 00-18.201.

[3Cass., Civ., 3ème, 27 avril 2017, n° 16-10.753.

[4Cass., Civ., 3ème, 12 sept. 2019, n° 18-20.727.

[5Cass., Civ., 3ème, 12 sept. 2019, n° 18-20.727

[6Cass., Civ., 1ère, 1er déc. 1964, publié au bull. n° 535 ; Cass., Civ., 3ème, 12 oct. 2011, n° 10-18.175 ; Cass., Civ., 3ème, 19 sept. 2012, n° 11-15.460 ; Cass., Civ., 17 déc. 2013, n° 12-15.916 ; Cass., Civ., 3ème, 27 avr. 2017, n° 16-10.753.

[7Cass., Civ., 3ème, 12 sept. 2019, n° 18-20.727.

[8Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

[9CA Colmar, 2 mai 1855 ; DP 1856. II. 9.

[10Cass., Req., 3 août 1915, n° 00-02.378.