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Prescription du recouvrement des prêts aux consommateurs en cas de décès. Par Sébastien Bouchindhomme.
Parution : mardi 30 novembre 2021
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Par un arrêt du 20 octobre 2021 publié au bulletin des arrêts de la Cour de cassation (20-13.661), la première chambre civile de la Cour de cassation est venue préciser, au visa des articles 218-2 du Code de la consommation et 2224 et 2233 du Code civil, en matière de prêts aux consommateurs, la date à partir de laquelle le délai de prescription de l’action en recouvrement du capital, commence à courir, en cas de décès de l’emprunteur avant le terme du prêt.

Pour mémoire, les dispositions du Code de la consommation et du Code civil visées par la Cour de cassation, sont libellées comme suit :

Article 218-2 du Code de la Consommation :

« L’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ».

Article 2224 du Code civil : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

Article 2233 du Code civil : « La prescription ne court pas : (…) 3° A l’égard d’une créance à terme, jusqu’à ce que ce terme soit arrivé ».

Quant aux dates clés de l’affaire, elles étaient les suivantes :
- Date du décès de l’emprunteur : 7 mai 2015 ;
- Date de la connaissance par la banque de l’identité des héritiers : 2 décembre 2015 ;
- Date du prononcé de la déchéance du terme par la banque : 5 décembre 2017 ;
- Date du commandement de payer aux fins de saisie-vente délivré par la banque : 19 janvier 2018.

Ainsi, au visa de ces textes et selon le déroulement des faits de l’espèce, la Cour de cassation précise qu’en cas de décès de l’emprunteur - consommateur avant le terme du prêt, le délai de prescription de deux ans de l’action en recouvrement du capital restant dû [1], commence à courir à compter de la date de la déchéance du terme se définissant comme la date à laquelle « la banque a prononcé la déchéance du terme des prêts », en se prévalant auprès des héritiers de l’exigibilité immédiate de la totalité de sa créance, un emprunt étant une créance à terme au sens de l’article 2233 du Code civil.

La Cour de cassation reproche à la Cour d’Appel d’Agen dont elle casse l’arrêt du 30 septembre 2019, d’avoir retenu « Pour déclarer prescrite, l’action de la banque (…) que le décès de l’emprunteur constitue l’évènement qui a rendu la créance exigible, que le point de départ du délai de prescription est fixé à la date à laquelle le prêteur à connaissance de l’identité des héritiers de l’emprunteur et qu’il résulte de la lettre du 2 décembre 2015, qu’à cette date, l’identité et l’adresse des héritiers étaient connues de la banque, de sorte que, le 19 janvier 2018, date du commandement, la créance était prescrite », la Cour d’Appel d’Agen s’était fondée sur un arrêt de la première chambre de la Cour de cassation du 15 mars 2017 [2].

Plus avant, reprenant une solution désormais classique [3], en précisant la façon dont il convient de l’appliquer aux héritiers, en cas de décès de l’emprunteur-consommateur avant le terme du prêt, la Cour de cassation indique que le point de départ du délai de prescription de l’action en recouvrement du capital par la banque :
- N’est pas la date à laquelle « le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » [4], en l’occurrence, la date à laquelle la banque a eu connaissance de l’identité des héritiers après avoir eu connaissance du décès de l’emprunteur qui aurait rendu la créance exigible ;
- Mais la date de la déchéance du terme emportant son exigibilité et se définissant, en cas de décès de l’emprunteur avant le terme du prêt, comme la date à compter de laquelle la banque a prononcé la déchéance du terme du prêt, en se prévalant de l’exigibilité immédiate de la totalité de sa créance auprès des héritiers.

Puisque conformément à l’article 2233 du Code civil, « La prescription ne court pas : (…) 3° A l’égard d’une créance à terme, jusqu’à ce que ce terme soit arrivé ».

Puis, la Cour de cassation rappelle le principe qu’elle édicte de façon constante pour fixer le point de départ de la prescription de l’action en recouvrement des mensualités impayées d’un prêt, le décès de l’emprunteur avant le terme du prêt n’ayant pas d’incidence sur les modalités d’application de ce principe : « l’action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d’échéances successives ».

Ainsi et en résumé, en matière de prêts aux consommateurs, en cas de décès de l’emprunteur avant le terme du prêt, les points de départ des délais de prescription des actions diligentées par la banque pour recouvrer le capital et les mensualités impayées restants dus, sont respectivement, les dates de prononcé de la déchéance du terme par la banque et d’échéance de chacune des mensualités impayées, la banque ne pouvant prononcer la déchéance du terme rendant exigible le capital restant dû, qu’après avoir été informée du décès de l’emprunteur et de l’identité du ou des héritiers ayants accepté la succession.

Ceci étant, la Cour de cassation ayant remis les parties dans l’état où elles se trouvaient avant son arrêt et renvoyé l’affaire devant la Cour d’Appel de Bordeaux, il sera utile de surveiller les termes de l’arrêt à intervenir de cette cour de renvoi.

Sébastien Bouchindhomme, Délégué général de la FIGEC (Fédération Nationale de l’Information d’Entreprise, de la Gestion de Créances et de l’Enquête Civile)

[1Article 218-2 du Code de la Consommation.

[2N°15-27-574 - Légifrance.

[3Civ 1ère 11 février 2016 N°14-22.938.

[4Article 2224 du Code civil.