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L’innovation publique et les juristes : transformation enclenchée ! (1/3)
Parution : mercredi 2 février 2022
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Il est des signes qui ne trompent pas : quand le Congrès annuel "Rendez-vous des Transformations du Droit" 2021 propose un Village des innovateurs publics, et accueille le Ministère de la Justice, c’est qu’un mouvement sérieux s’est enclenché. Start up d’Etat, Open data, partenariats entre organismes publics et legaltech : à l’évidence les juristes "publics" talonnent leurs homologues du privé sur le plan de l’innovation.
Le Village de la Justice vous propose d’aller à la rencontre de Directions juridiques publiques bien décidées à se transformer, dans une chronique en trois épisodes. C’est Dany Gilbert, Directeur juridique du département de la Vendée, qui ouvre cette série en nous parlant notamment legal design.

Dany Gilbert, Directeur Juridique du Département de la Vendée, a eu un coup de foudre pour le legal design. Il nous le raconte ici :

"Je m’intéresse au legal design depuis 4 ans environ. C’est un processus qui demande un certain temps, d’appropriation et de pratique. Cela peut représenter un changement en profondeur pour le travail du juriste.

J’ai tâtonné au début mais l’association Lab Legal notamment m’a beaucoup aidé. J’ai pu y découvrir des expériences concrètes de praticiens du legal design. Cela m’a permis de me décomplexer par rapport à la méthode.

Concrètement, on a retravaillé pas mal de choses : la mise en forme de nos notes juridiques, de nos mémoires, on a développé le recours à l’infographie juridique, on s’exerce au langage juridique clair… Actuellement nous nous attelons à la rédaction des marchés publics sous l’angle legal design.

Dany Gilbert

Je souhaitais que chacun s’approprie cette méthode, donc on a formé l’ensemble du personnel de la direction : juristes, administratifs, documentalistes…

"Au-delà des outils, ce qui m’a intéressé dans le legal design c’est la question de la posture : le centrage utilisateur et l’empathie."

Au-delà des outils, ce qui m’a intéressé dans le legal design c’est la question de la posture : le centrage utilisateur et l’empathie. Dans ma pratique j’y vois d’ailleurs une différence entre legal tech et legal design. Là où la valeur ajoutée des legal tech portent plutôt sur les outils (et c’est très précieux !), la plus value du legal design est plus dans le positionnement, la posture du juriste.

J’ai pu le constater, le legal design est clairement un levier pour améliorer les relations entre une direction juridique et les autres services. Cela permet de mieux les comprendre (leurs besoins, leurs contraintes, leur timing, leur angle de vue…) et de mieux se faire comprendre. Le gain en terme de qualité de collaboration est significatif.

Côté legal tech, nous utilisions des outils "classiques", notamment en veille et en contract management (pour les marchés publics).

Côté documentation nous avons innové puisque le service documentation (rattaché à la DJ) diffuse chaque jour une newsletter personnalisée à près de 700 collègues. Cette newsletter réunit des articles de tous horizons (presse spécialisée / généraliste, papier / web, gratuite / payante…). Ensuite elle les diffuse aux collaborateurs selon leurs centres d’intérêts, grâce à une centaine de profils différents. Nous avons travaillé avec un éditeur de logiciels pour développer cette solution nouvelle, qui est très pratique pour lutter contre l’effet "FOMO" (Fear Of Missing Out, la « peur de rater quelque chose »).

Pour moi il y a également un champ à explorer au carrefour de la legaltech et du legal design, celui de "l’infographie interactive", c’est-à-dire une infographie dont le contenu s’adapte de façon dynamique aux besoins et à la situation de l’utilisateur. Il s’agit en quelque sorte de croiser la dimension interactive du chatbot avec l’impact visuel de l’infographie. Nous sommes en train d’expérimenter cette approche en développant une petite appli sur les recours contentieux en matière de marchés publics. C’est un sujet assez complexe alors cette appli permettra de facilement identifier les recours possibles dans une situation donnée, et cela de façon très visuelle.

Et dans les autres collectivités ?

Je n’ai pas une vision exhaustive mais je vois bien que le sujet monte en puissance. La plupart des initiatives sont récentes mais il y a un intérêt croissant pour le legal design au sein des collectivités locales.

Pour autant, l’enjeu c’est que justement ça ne soit pas la « lubie » du directeur juridique, mais que toute l’équipe s’approprie le projet. Pour que cela fonctionne, il faut que le legal design devienne un pilier de la culture de la direction.

Pour que cela fonctionne, il faut que le legal design devienne un pilier de la culture de la direction.

Dans mon équipe, bien sûr les personnes ont une sensibilité plus ou moins forte vis-à-vis du sujet, mais je n’ai pas rencontré de réelles oppositions. L’important est de bien montrer le sens de la démarche de cette méthode et d’entrer assez vite dans le concret.

Dans quelques mois, nous allons renouveler nos marchés de conseil juridique, via un appel d’offres. Nous réfléchissons à intégrer le legal design parmi les critères d’attribution des cabinets d’avocats. C’est un moyen de donner une plus grande cohérence dans notre chaîne de traitement juridique. La commande publique est aussi un levier pour faire évoluer les pratiques. Nous pouvons ainsi, à notre mesure, y contribuer."

Propos recueillis par Nathalie Hantz Rédaction du Village de la Justice