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Location meublée : être professionnel ou non, telle est la question. Par Eric Chartier, Avocat.
Parution : mercredi 1er décembre 2021
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La location meublée se développe sensiblement ces dernières années, en grande partie du fait de son régime fiscal qui offre un certain nombre d’avantages. Ces derniers sont accrus si la location peut être qualifiée de professionnelle. Mais les conditions pour ce faire sont assez restrictives, et il n’est pas inutile de revenir sur ce sujet et tenter de mettre un terme à certaines fausses idées.

La location meublée est celle pourvue de l’ameublement nécessaire pour permettre au locataire d’y habiter dans des conditions normales. La règlementation a été renforcée sur ce point et la liste des meubles qui doivent à minima s’y trouver résulte d’un décret n° 2015-981 du 31 juillet 2015.

Sur un plan fiscal, une telle location ne relève plus de la catégorie des « revenus fonciers » mais de celle des « bénéfices industriels et commerciaux » (ou « BIC »), qui permet une déduction plus large de charges et donc une diminution du coût fiscal en phase d’exploitation. De fait, le bien immobilier ainsi que le mobilier font l’objet d’un amortissement qui, souvent, aboutit à constater un résultat taxable proche de zéro [1].

Sous certaines conditions, une telle location peut être qualifiée de « professionnelle », au sens fiscal. Cette qualification peut être subie par l’investisseur, mais sera le plus souvent recherchée compte-tenu des avantages qu’elle procure :
- Possibilité d’imputer l’éventuel déficit BIC professionnel sur les autres revenus du foyer fiscal [2] ;
- Possibilité de bénéficier d’une exonération d’IFI ;
- Possibilité, en cas de revente, de bénéficier d’un régime de faveur sur la plus-value.

En contrepartie, le loueur professionnel sera assujetti aux cotisations sociales comme un véritable travailleur indépendant. Mais cette contrainte n’est pas nécessairement rédhibitoire puisque les cotisations sont assises sur le revenu fiscal qui, comme on l’a indiqué, est souvent faible. De surcroît, il peut être intéressant de continuer à cotiser au régime de sécurité sociale, afin de bénéficier d’une couverture sociale, voire d’éviter d’être assujetti sur ses revenus patrimoniaux à la cotisation subsidiaire maladie (dite aussi « taxe Puma ») qui, rappelons-le, concerne les personnes qui perçoivent peu de revenu professionnels (moins de 8 250 euros par an environ).

Comment, donc, devenir un véritable « loueur en meublé professionnel » ?

Les règles, en la matière, diffèrent selon les impositions en cause : impôt sur le revenu (et cotisations sociales attachées) d’un côté, et impôt sur la fortune de l’autre.

1°) Règles applicables en matière d’impôt sur le revenu (et de cotisations sociales).

L’article 155-IV du CGI énonce deux conditions cumulatives :
- Les recettes retirées de l’activité de location meublée doivent être supérieures à 23 000 euros ;
- Elles doivent représenter plus de 50% des revenus professionnels.

Précisons que ces mêmes conditions valent pour l’assujettissement aux contributions sociales des indépendants, l’article L611-1,6° du Code de la sécurité sociale opérant un renvoi à l’article 155-IV précité [3].

Entrons maintenant un peu plus dans le détail des conditions précitées.

Sur la condition tenant au montant des recettes.

Les recettes à prendre en compte pour apprécier le seuil de 23 000 euros s’entendent des loyers courus charges comprises. Il faut y inclure également, le cas échéant, les indemnités d’assurance perçues en cas de défaillance du locataire.

En cas de commencement d’activité en cours d’année, le montant des recettes doit être apprécié prorata temporis. Supposons ainsi un bien acquis le 15 mars d’une année N, et mis en location à compter du 1er avril, la condition des recettes sera respectée si elle excède 23 000 euros x 9/12 = 17 250 euros.

Sur la condition tenant au seuil de revenus professionnels.

Les recettes annuelles doivent excéder le total des revenus nets professionnels du foyer fiscal.

Par « revenus nets professionnels » il faut entendre les traitements et salaires et assimilés au plan fiscal (ce qui inclut les pensions et rentes viagères), les BIC, les BNC, les bénéfices agricoles, les revenus de gérants.

Il est important de noter que le seuil de 50% s’apprécie au niveau du foyer fiscal. Ainsi, la perception par l’un des membres de ce foyer d’un revenu professionnel (une pension de retraite par exemple) peut aboutir à ce que la condition de 50% ne soit plus respectée, alors même qu’il s’agirait de la source principale du revenu du membre de ce même foyer propriétaire du bien mis en location.

Inversement, si plusieurs membres du foyer exercent une activité de location meublée, c’est la totalité des revenus tirés de cette activité qui doit être prise en compte et comparée aux autres revenus du foyer.

2°) Règles applicables en matière d’IFI.

En matière d’IFI, sont exonérés les biens immobiliers affectés à une activité économique (BIC, BNC ou BA) exercée à titre principal par le redevable.

L’article 975-V-1° du CGI énonce qu’est réputée constituer une activité commerciale la location meublée de locaux d’habitation si elle remplit les conditions suivantes :
- Elle doit générer plus de 23 000 euros de recettes annuelles,
- Le revenu retiré de cette activité doit représenter plus de 50% des revenus professionnels du foyer fiscal.

Si la condition tenant aux recettes est similaire à celle requise pour être qualifié de loueur professionnel au sens de l’impôt sur le revenu, celle tenant au seuil de 50% s’en écarte sensiblement.

On notera, tout d’abord, qu’en matière d’IFI, la notion de revenus professionnels à prendre en compte pour apprécier le seuil n’inclut pas les pensions et rentes viagères. Ainsi, à la différence de ce qui se passe en matière d’impôt sur le revenu, la perception d’une pension de retraite n’impacte pas ce calcul.

Ensuite, le seuil de 50% s’apprécie non pas en fonction des recettes, mais du revenu tiré de l’activité de location meublée. La nuance est importante puisque, ainsi qu’on l’a vu, cette activité peut générer des revenus faibles, voire nuls. Ainsi, à supposer un contribuable qui aurait pour seule activité professionnelle la location meublée, l’exonération au titre de l’IFI pourrait ne pas être applicable s’il ne tire aucun revenu positif de cette activité.

En plus de ces conditions, l’activité doit donc être réalisée à titre principal par le contribuable. Cette notion ne s’apprécie pas vraiment au regard de critères financiers, mais suppose de pouvoir prouver une implication personnelle et continue du contribuable dans la gestion de son patrimoine immobilier.

A cet égard, la gestion d’un bien étant généralement peu consommatrice de temps, la poursuite en parallèle d’une autre activité professionnelle pourrait remettre en cause l’exonération. L’administration fiscale précise ainsi que

« lorsqu’un loueur en meublé professionnel exerce une activité salariée ou une autre profession à plein temps, l’activité de location ne peut pas en général être considérée comme la profession principale, même si elle procure des revenus supérieurs aux autres revenus de l’intéressé » [4].

En définitive, il n’existe pas de corrélation directe entre la notion de loueur professionnel pour les besoins de l’impôt sur le revenu et pour ceux de l’IFI : ce n’est pas parce qu’une personne répondrait aux critères prévus en matière d’impôt sur le revenu qu’elle serait automatiquement exonérée d’impôt sur la fortune.

En matière d’IFI, il conviendra de veiller à ce que l’activité de loueur en meublée ne se cumule pas avec un autre emploi exercé à plein temps, et dégage un minimum de revenus positifs. La perception d’un tel revenu positif pourrait aussi se révéler opportune afin d’éviter d’être assujetti à la « taxe Puma ».

Eric Chartier Avocat, Associé Cabinet ALTITUDE AVOCATS

[1Il faut rappeler à cet égard qu’au plan fiscal, la règlementation s’oppose à ce qu’un amortissement génère, par lui-même, un déficit (article 39 C du CGI). Si le loyer reste supérieur aux autres charges, l’amortissement ne sera pris en compte que pour une partie de son montant (celle permettant d’aboutir à un résultat de zéro), et la fraction ainsi non déduite sera reportée sur les années suivantes.

[2A la condition qu’un tel déficit soit issu de charges autres que l’amortissement (cf supra).

[3Précisons que la condition supplémentaire tenant à l’inscription au RCS comme « loueur en meublé professionnel » a été supprimée à compter du 01/01/2020. Par ailleurs, des règles spécifiques existent pour les locations meublées de courte durée.

[4BOI-PAT-IFI-30-10-10-30 n° 20.