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Les modifications de la réforme des sûretés sur la durée d’un cautionnement. Par Natal Yitcko, Avocat.
Parution : jeudi 2 décembre 2021
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Les conséquences de la suppression de la précision sur la durée du cautionnement dans la mention manuscrite et la possibilité de recourir à un engagement de caution à durée indéterminée.

L’ordonnance du 15 septembre 2021 a abrogé l’article L341-2 du Code de la consommation qui exigeait que la mention manuscrite par la caution contienne les termes : "... et pour la durée de...".
Avant cette Réforme, du caractère obligatoire de cette mention manuscrite sur la durée de l’engagement de caution, il avait été déduit l’interdiction de la souscription des engagements de caution à durée indéterminée.

Toutefois, l’article L341-6 du code de la Consommation, qui imposait au créancier professionnel une obligation d’information annuelle à la caution, précisait que cette information devait, notamment, indiquer le terme de l’engagement ou "si l’engagement est à durée indéterminée", le créancier devait rappeler : "la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée".

Cette disposition laissait envisager la possibilité de faire souscrire des cautionnements à durée indéterminée.

Cependant, le caractère contradictoire de la jurisprudence de la Cour de cassation relative aux engagements de caution à durée indéterminée avait conduit les praticiens à les écarter :

- Par un arrêt du 15 novembre 2017 (Arrêt n°16-10504), la chambre commerciale de la cour de cassation avait validé un engagement de caution souscrit "jusqu’au paiement effectif de toutes les sommes dues" : la Cour de cassation avait admis cette mention parce qu’elle était parfaitement compréhensible pour la caution et ne modifiait ni le sens ni la portée de son engagement ;

- En revanche, par un arrêt du 13 décembre 2017 (arrêt n°15-24294), la Cour de cassation avait déclaré nul un acte de cautionnement dont la mention manuscrite indiquait "jusqu’au 31 janvier 2014 ou toute autre date reportée d’accord" entre le créancier et le débiteur principal et ce, au motif que : "la mention « pour la durée de... » impliquait l’indication d’une durée précise".

La finalité de cette exigence de la mention de la durée de l’engagement était exposée par un arrêt du 9 juillet 2015 de la 1ère chambre civile qui avait annulé un cautionnement dont la mention manuscrite indiquait "pour la durée de l’opération + deux ans".

Par suite, l’abrogation de cet article L341-2 du code de la Consommation et de la mention manuscrite "pour la durée de ..." permet-elle la souscription d’un engagement de caution à durée indéterminée ?

Le professeur Philippe Simler [1], dans son commentaire sur la "réforme du cautionnement", souligne "la disparition de l’exigence de l’indication d’une durée de l’engagement" pour conclure : "ce qui signifie concrètement que le cautionnement peut à nouveau, dorénavant, être souscrit pour une durée indéterminée" et il invoque le cas du cautionnement d’un compte courant [2].

Toutefois, si un cautionnement peut être souscrit à durée indéterminée et peut porter sur des dettes présentes et futures (caution dite "omnibus"), il doit toujours être souscrit dans la limite d’un montant déterminé qui doit être inscrit par la caution en toutes lettres et en chiffres [3].

Dans le cas d’une caution souscrite pour une durée indéterminée, la règle de la résiliation unilatérale doit s’appliquer :

- L’engagement à durée indéterminée est résiliable unilatéralement par la caution : l’article 2315 du nouveau Code civil est l’application à la caution du principe de la faculté de résiliation unilatérale pour tout contrat à durée indéterminée [4].

Cette faculté de résiliation unilatérale de l’engagement à durée indéterminée est d’Ordre Public : Une clause contraire se heurterait au principe de la prohibition des engagements perpétuels et elle est donc "réputée non écrite" par l’article 2316 nouveau Code civil.

L’effet de cette résiliation unilatérale de son engagement par la caution est précisé par l’article 2316 nouveau Code civil selon lequel :

"Lorsqu’un cautionnement de dettes futures prend fin, la caution reste tenue des dettes nées antérieurement sauf clause contraire".

Par application de cet article 2316 du Code civil, le terme du cautionnement des dettes futures emporte extinction de la seule obligation de couverture, c’est à dire de la garantie des dettes nées avant l’expiration du cautionnement, mais elle laisse subsister l’obligation de règlement, c’est à dire l’obligation de payer ces dettes, même si elles ne sont pas exigibles à cette date, en cas de défaillance du débiteur principal.

L’adoption par l’ordonnance du 15 septembre 2021 de la différence entre obligation de couverture et obligation de règlement dues par la caution, créée par la jurisprudence, s’applique à toutes les causes d’extinction du cautionnement, telles que l’arrivée du terme de l’engagement à durée déterminée ou la résiliation unilatérale de l’engagement à durée indéterminée.

Enfin, le nouvel article 2319 du code civil précise, en cas de cautionnement souscrit pour garantir le solde d’un compte courant ou d’un compte de dépôt que :

"La caution du solde d’un compte courant ou de dépôt ne peut plus être poursuivie cinq ans après la fin du cautionnement".

Le but de cette disposition est d’éviter que, la dette principale ne devenant exigible qu’au jour de la clôture du compte, la caution puisse être poursuivie longtemps après le terme de son engagement- qu’il intervienne par la résiliation unilatérale ou par l’expiration du terme déterminé par l’acte.

Cet article 2319 nouveau du Code Civil limite ainsi la durée de l’engagement lorsque l’acte de cautionnement stipule que les remises postérieures à l’expiration de la caution s’imputent prioritairement sur les avances ou débits postérieurs à ce terme.

Natal Yitcko, Avocat Barreau de Paris www.yitcko-avocats.com [->natal@yitcko-avocats.com]

[1Philippe Simler, Professeur émérite et Doyen honoraire de la Faculté de droit de l’Université de Strasbourg.

[2JCP-semaine juridique supplément 30 octobre 2021.

[3Article 2297 nouveau Code civil.

[4Article 1211 du Code civil.